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Strasbourg : Lakmé de rêve par Sabine Devieilhe

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Strasbourg. Opéra national du Rhin. 2-XI-2023. Léo Delibes (1836-1891) : Lakmé, opéra en trois actes sur un livret d’Edmond Gondinet et Philippe Gille. Mise en scène et costumes : Laurent Pelly. Décors : Camille Dugas. Lumières : Joël Adam. Adaptation des dialogues : Agathe Mélinand. Avec : Sabine Devieilhe, Lakmé ; Julien Behr, Gérald ; Nicolas Courjal, Nilakantha ; Guillaume Andrieux, Frédéric ; Ambroisine Bré, Mallika ; Ingrid Perruche, Mistress Bentson ; Lauranne Oliva, Miss Ellen ; Elsa Roux Chamoux, Miss Rose ; Raphaël Brémard, Hadji ; Jean-Noël Teyssier, un Domben ; Namdeuk Lee, un Marchand chinois ; Daniel Dropulja, un Kouravar. Chœur de l’Opéra national du Rhin (Chef de chœur : Hendrik Haas), Orchestre symphonique de Mulhouse, direction : Guillaume Tourniaire.

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En reprenant sa coproduction avec l'Opéra-Comique de Paris, où elle fut créée en 2022, l'Opéra national du Rhin permet à d'y faire ses débuts scéniques dans un rôle qu'elle a durablement marqué. En grande partie modifié, le reste de la distribution ravive l'intérêt de la sobre mise en scène de .

À la suite de Natalie Dessay, a fait de Lakmé son rôle signature, qu'elle a chanté à de multiples reprises tant en version scénique qu'en concert et qu'elle a contribué à remettre à l'honneur des programmations. Elle y est de fait toujours exceptionnelle. Sa technique accomplie lui permet avec aisance de dominer les coloratures et les suraigus stratosphériques qui émaillent le rôle comme dans le célébrissime « Air des clochettes ». Mais le médium s'est encore enrichi, la projection s'est renforcée, le timbre s'est arrondi et elle insuffle désormais une intense et émouvante humanité au rôle, à l'opposé des rossignols un peu mécaniques qui ont pu l'aborder par le passé. L'émission comme la dynamique sont savamment variés et, à l'heure de la mort, les aigus filés, éthérés, surnaturels de « Tu m'as donné le plus doux rêve » fendent l'âme.

Les autres membres de la distribution ont fort à faire pour se hisser à un tel niveau et n'y parviennent qu'incomplètement. La tessiture tout aussi tendue dans l'aigu du rôle de Gérald a de quoi effrayer. l'affronte crânement et avec réussite (un seul accident à déplorer), mais toujours en force. Du coup, avec son timbre assez étroit, son Gérald manque quelque peu de charme et de séduction. En Nilakantha, fait valoir son timbre de bronze, son autorité et sa puissance impressionnante. Trop peut-être car ce Nilakantha monolithique et uniformément vociférant ne marque pas durablement. Comme à Paris, campe une Mallika toute de douceur, avec une voix qui se marie admirablement à celle de Lakmé pour un « Duo des fleurs » rêveur et superbe. Et, pour en rester aux Hindous, donne, d'une voix impeccablement et subtilement conduite, un relief inhabituel à Hadji.

Du côté des Anglais, les talents de comédien de sont idéaux pour son Frédéric à l'émission franche et nette. La Miss Ellen de n'est pas en reste mais retient aussi l'attention par ses aigus lumineux et son timbre délicieux. Elsa Roux Chamoux en Miss Rose pétulante et Ingrid Perruche en Mistress Bentson acariâtre complètent avec efficacité ce quatuor comique en contrepoint du drame. Enfin, le Chœur de l'Opéra national du Rhin apporte force et ampleur à ses nombreuses interventions.

Pour la mise en scène, déjà commentée dans nos colonnes lors de la création à Paris, a choisi la simplicité et l'épure du théâtre asiatique. Les décors en papier blanc (Camille Dugas), les costumes au drapé flou et immatériel des Hindous, plus stricts et ancrés dans leur temporalité pour les Anglais ( aussi), les éclairages immaculés (Joël Adam) visent tous à éviter un exotisme trop marqué et à insérer la tragédie dans son universalité. Si la direction des Hindous est assez banale, Laurent Pelly a plus soigné la part comique dévolue aux Anglais, dont Agathe Mélinand a réécrit les dialogues avec mesure et sans grande conséquence. Après les deux premiers actes, qui marquent finalement peu en dépit des lanternes de papier assez inutilement déployées et repliées lors de la scène du marché, le troisième nous paraît le plus réussi en recentrant l'attention sur le couple Lakmé-Gérald au sein d'un carré de fleurs en papier et sous le regard scrutateur du chœur.

En fosse, impose dès l'ouverture une direction aux contrastes dynamiques marqués, à la battue nette (peu de décalages avec le plateau) et au lyrisme intense. Cette approche directe au premier degré, qui ne s'encombre pas de subtilités, démontre sa foi en la valeur de l'œuvre. Par sa relative pesanteur rythmique et surtout par l'emphase appuyée qu'il donne aux envolées lyriques, il tend aussi à en accentuer les faiblesses. L'Orchestre symphonique de Mulhouse offre de subtiles colorations instrumentales mais n'évite pas lui non plus une certaine lourdeur.

Le public, qui remplissait jusqu'à l'ultime strapontin la salle de l'opéra de Strasbourg, ne s'y est pas trompé. Il venait à la fois redécouvrir l'ouvrage phare de , absent depuis 66 ans des terres alsaciennes, et fêter une interprète majeure du rôle-titre.

Crédits photographiques : (Lakmé), (Mallika) / (Gérald), Sabine Devieilhe (Lakmé) © Klara Beck

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Strasbourg. Opéra national du Rhin. 2-XI-2023. Léo Delibes (1836-1891) : Lakmé, opéra en trois actes sur un livret d’Edmond Gondinet et Philippe Gille. Mise en scène et costumes : Laurent Pelly. Décors : Camille Dugas. Lumières : Joël Adam. Adaptation des dialogues : Agathe Mélinand. Avec : Sabine Devieilhe, Lakmé ; Julien Behr, Gérald ; Nicolas Courjal, Nilakantha ; Guillaume Andrieux, Frédéric ; Ambroisine Bré, Mallika ; Ingrid Perruche, Mistress Bentson ; Lauranne Oliva, Miss Ellen ; Elsa Roux Chamoux, Miss Rose ; Raphaël Brémard, Hadji ; Jean-Noël Teyssier, un Domben ; Namdeuk Lee, un Marchand chinois ; Daniel Dropulja, un Kouravar. Chœur de l’Opéra national du Rhin (Chef de chœur : Hendrik Haas), Orchestre symphonique de Mulhouse, direction : Guillaume Tourniaire.

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