John Zorn fête ses 70 ans avec Hannigan à la Philharmonie de Paris
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Paris. Philharmonie de Paris ; Grande Salle Pierre Boulez. 01-XI-2023. John Zorn (né en 1953) : Jumalattaret, pour soprano et piano. Ab Eo, Quod, pour soprano, vibraphone, violoncelle et batterie. Pandora’s Box, pour soprano et quatuor à cordes. Barbara Hannigan, soprano. Stephen Gosling, piano ; Sae Hashimoto, vibraphone ; Ches Smith, batterie. JACK Quartet.
A l'occasion de ses 70 ans, John Zorn est invité pour deux soirées à la Philharmonie de Paris. Entouré le second concert par ses musiciens de jazz, il démontre le premier soir ses talents de compositeur classique, avec trois œuvres chantées par Barbara Hannigan.
Touche-à-tout né le 2 septembre 1953, John Zorn est invité à fêter l'entrée dans sa nouvelle décennie avec deux concerts parisiens. Le premier soir, un programme Hannigan sings Zorn met en relation les deux artistes, en collaboration depuis 2015 grâce au compagnon de la soprano, Mathieu Amalric, présent dans le parterre à côté de Zorn, et dont le film documentaire sur le musicien américain sortait justement sur les écrans ce mercredi 1er novembre.
Première œuvre proposée lors de cette soirée dédiée au compositeur pour ses partitions de musique classique, Jumalattaret date de 2012 et est prévue pour soprano et piano, avec un ajout possible de contrebasse et batterie que l'on n'entendra pas ici. Seule en scène au côté du pianiste Stephen Gosling, Barbara Hannigan réapparait à Paris une semaine après avoir dirigé le Philharmonique de Radio France. Ce soir elle revient au style de chant qui l'a rendue si célèbre. Variée sur des harmoniques très étendues et avec des sauts d'octaves impressionnants, celle qui chantait le dernier Pli selon Pli dirigé par Pierre Boulez il y a douze ans se retrouve à présent dans la salle qui est dédiée au compositeur, pour enchaîner les morceaux d'une partition inspirée par l'épopée finnoise Kalevala. Dans les moments rapides, le piano fait justement penser aux déluges d'accords du maître précité, mais sans la même finesse, avant d'être aussi parfois préparé par quelques objets, pour apporter de la dissonance ou faire ressortir la musique directement des cordes. À d'autres moments, le matériau se veut bien plus calme et ressemble presque aux musiques de films dans le style de celles de Joe Hisaishi.
Spectaculaire dans la tenue vocale par l'amplitude des registres, la précision des vocalises modernes et la gestion impeccable des ruptures rythmiques, Barbara Hannigan entre ensuite totalement dans l'onirisme d'Ab Eo, Quod, composé d'après un tableau de la peintre Leonora Carrington. Avec Ches Smith à la batterie, Sae Hashimoto au vibraphone et Jay Campbell au violoncelle – là encore sans l'électronique qu'il est possible d'y ajouter -, la courte partition de 2021 laisse à nouveau la première place à la soprano. Dans une langue difficile à comprendre, surtout faite de longue variations dans l'aigu jusqu'à des sons très tendus, Hannigan développe le pendant musical surréaliste d'une peinture où se mêlent papillons et masques, autour d'un œuf doré géant sur une table. Plus lyrique, la deuxième partie de l'œuvre convie à une balade mystique, qui n'est pas sans rappeler certaines atmosphères transcendantes ancestrales.
Dernière œuvre au programme, Pandora's Box pour soprano et quatuor à cordes provient d'une demande d'Irvine Arditti pour son Quartett. Créée en 2013 avec Sarah Maria Sun, la pièce est reprise aujourd'hui par le JACK Quartett et Hannigan, à nouveau faites de sonorités très tendues à l'aigu, parfaitement maitrisées et lancées avec vigueur et justesse par la soprano. Aux cordes, l'écriture démontre la culture de John Zorn quand à la musique contemporaine, utilisant les préceptes de Darmstadt et un atonalisme marqué pour accompagner la voix, avec encore de fortes ruptures rythmiques, sans cependant faire ressortir l'identité immédiatement discernable de ses œuvres de noise et de jazz. Une fois achevée, la pièce très applaudie permet à l'artiste à l'honneur de monter sur scène pour saluer le public, lui qui était auparavant resté assis au parterre, juste montré par Hannigan lors des précédents saluts.
Partis en coulisse, les musiciens ne reviennent pas tout de suite et laissent deux préparateurs modifier la scène pour permettre un énorme bis, dans lequel Hannigan, dans sa troisième tenue de la soirée, rentre accompagnée du pianiste et du batteur déjà présents pour Ab Eo, Quod, mais avec aussi le contrebassiste Jorge Roeder, à l'affiche du concert du lendemain. Plus portée vers le jazz moderne que vers la musique classique, cette dernière partition montre la qualité première de Zorn, où Hannigan doit encore réaliser des performances extrêmes, sans que l'on retrouve ici l'éclat des soirées géniales entendues il y a plus de dix ans avec Mike Patton, suivi à la batterie par l'extraordinaire Joey Barron, que Ches Smith ne parvient pas encore à égaler, malgré un excellent solo.
Crédits photographiques : © ResMusica
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Paris. Philharmonie de Paris ; Grande Salle Pierre Boulez. 01-XI-2023. John Zorn (né en 1953) : Jumalattaret, pour soprano et piano. Ab Eo, Quod, pour soprano, vibraphone, violoncelle et batterie. Pandora’s Box, pour soprano et quatuor à cordes. Barbara Hannigan, soprano. Stephen Gosling, piano ; Sae Hashimoto, vibraphone ; Ches Smith, batterie. JACK Quartet.