West Side Story en version originale au Châtelet

Après celle de Joey McKneely, cette nouvelle production de West Side Story au Théâtre du Châtelet se veut la plus proche possible de la version originale créée il y a 65 ans par Jerome Robbins, Leonard Bernstein, Arthur Laurents et Steven Sondheim. Une VO tout sauf vintage !

« America”, “Maria”, “I feel pretty” ou “Tonight”, les tubes se succèdent dans ce classique des comédies musicales qui est presque un opéra contemporain tant les parties vocales sont techniquement relevées. Le choix des solistes qui interprètent les rôles principaux de Tony et Maria est par conséquent crucial pour la réussite de ce spectacle accueilli au Théâtre du Châtelet avec une équipe entièrement anglo-saxonne. Il faut noter, en effet, que tous les acteurs principaux avaient dû être doublé pour le chant dans la version cinématographique de 1961, à l'exception de Georges Chakiris.

Dans cette production de 2023, Jadon Webster est un Tony précieux, à l'air gourmé, un « boy next door » dont la tessiture de ténor est un enchantement dès sa première apparition, avec « Something's coming ». On attendra un peu plus longtemps pour découvrir la belle voix de soprano de Melanie Sierra, en parfaite harmonie avec celle de son partenaire dans la magnifique scène du balcon, presque aussi célèbre que celle du Roméo et Juliette de Shakespeare qui inspira les quatre créateurs de West Side Story. Sans oublier Anita, alia Kyra Sorce, formidable danseuse qui est un bouillant et fier contrepoint à l'innocence de la jeune et fraiche portoricaine tout juste débarquée de son île natale.

Du côté de la danse, l'interprétation est tout aussi solide. Julio Monge, ancien collaborateur de Jerome Robbins, a remonté avec rigueur et exactitude les chorégraphies originales du chorégraphe américain, sans en perdre l'esprit initial. Les Jets, la bande des mauvais garçons du West Side, menés par le fougueux Riff (Taylor Harley) ouvrent les hostilités avec l'impeccable séquence Jet Song. Les danseurs évoluent avec aisance dans un décor astucieux qui reconstitue le West Side de Manhattan, ses immeubles de briques un peu délabrés avec escaliers extérieurs en métal et ses publicités géantes. La fluidité de la mise en scène signée Lonny Price permet de passer d'un tableau à l'autre sans aucun temps mort, du drugstore de Doc où travaille Tony à l'atelier de couture où Maria et Anita sont employées.

Plusieurs scènes emblématiques du spectacle original, repris dans le film de Robert Wise et Jerome Robbins de 1961, sont ici particulièrement soignées. « Dance at the gym » voit la rencontre de Maria et Tony se dérouler sur fond de bal communautaire, où les Sharks brillent dans un mambo explosif. Anita et son partenaire Bernardo (Anthony Sanchez) sont d'une énergie forcenée et communicative. Peu après, la célèbre chanson « America » est l'occasion pour Anita et ses amies de comparer avec acidité les modes de vie à New York et Puerto Rico. La danse n'est pas en reste… Enfin, la nuit d'amour entre Tony et Maria est prétexte à un ballet quasiment abstrait, où les deux chanteurs s'essaient (sans chanter) à une chorégraphie plus onirique et d'inspiration néo-classique, entourés d'un mini-corps de ballet.

Entre ces séquences chantées et dansées, l'intrigue avance à un rythme rapide jusqu'à sa fin tragique, dans des scènes théâtrales tantôt toniques et drôles, tantôt graves et fières. Il faut dire que les jeunes interprètes de cette production de West Side Story savent tout faire : chanter, danser et jouer la comédie. Trois talents requis pour incarner ces rôles mythiques, qui n'ont pas pris une ride en 65 ans ! On rit, on tremble, on s'enthousiasme, on pleure avec eux pendant les 2h30 que dure le spectacle. Une véritable réussite…

Crédits photographiques : © Johan Persson

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