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À Genève, María de Buenos Aires dépoétisée

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Genève. Grand Théâtre. 27-X-2023. Astor Piazzola (1921-1992) : María de Buenos Aires, opéra tango en deux parties dur un livret de Horacio Ferrer. Mise en scène et lumières : Daniele Finzi Pasca. Scénographie : Hugo Gargiulo. Costumes : Giovanna Buzzi. Chorégraphie : María Bonzanigo. Avec Raquel Camarinha, María ; Inés Cuello, La Voz de un Payador ; Melissa Vettore, El Duende ; Beatriz Sayad, El Duende. Cercle Bach de Genève et Grand chœur de la Haute école de musique de Genève (direction : Natacha Casagrande). Orchestre de la Haute école de musique de Genève. Solistes Quito Gato, Guy Hirschberger, Camille Perron, Eric Meier (guitares). Roger Relou (piano). Marcelo Nisiman (bandonéon). Direction musicale : Facundo Agudin.

En présentant un spectacle sans grand rapport avec l'intention originelle du compositeur et de son librettiste Horacio Ferrer, la nouvelle production du Grand Théâtre de Genève de María de Buenos Aires ne restitue pas l'esprit profond du tango.


Dans le programme de la soirée, le metteur en scène déclare que « dans le contexte de notre production…nous allons aborder l'œuvre à notre façon, mais nous devons aussi penser un peu aux puristes !» Nous voilà donc avertis. Et servis.
De l'intrigue de cette María de Buenos Aires, il ne reste rien. Rien qu'un remplissage d'actions n'ayant d'autre but que de montrer les acrobates et danseurs de la Compagnia Finzi Pasca. Sinon, que peut bien vouloir dire cet homme tournant inlassablement avec son cerceau, ces deux femmes démontrant leurs capacités à maîtriser les pole-bars, ce couple dansant accrochés à des lanières pendues aux cintres du théâtre ? Quelle signification dans le récit de María, que cette patineuse tournant sans cesse sur ce rectangle de glace, accrochée à un cerceau tournoyant dans les airs ? Que cherche à raconter avec ce trop long ballet de lits poussés par des anges, dans un décor de feuilles d'aluminium ? Certes le metteur en scène tessinois est habile. Il capte si bien son auditoire qu'on craint que « la musique dérange la mise en scène » comme le disait Philippe Meyer en novembre 1989 (déjà) lors qu'il fustigeait la mise en scène de Don Giovanni par Peter Sellars !

Parce que musique, il y a. Et celle d' est fort belle. Son lyrisme frôle parfois le sirupeux, mais soudain, elle arrache du tango des accents irrésistibles, et le bandonéon – extraordinaire instrument au son si particulier – surgit de l'orchestre,  comme un sceau musical qui n'appartient qu'à cette musique. On aurait peut-être aimé que cet instrument soit mieux mis en valeur. Peut-être eut-il fallu que l'orchestre, ou une partie de celui-ci soit posté sur la scène plutôt que dans la fosse. L' apparait bien timide.


Cette production n'en est pas à une entorse près : le rôle de La Voz de un Payador, originalement dédié à une voix masculine, est donné à à une voix féminine, induisant une autre confusion dans la narration. Fort heureusement, on assiste à quelques moments d'une grâce indicible, quand s'élève la voix chaleureuse, ronde (et amplifiée) de la soprano argentine (La Voz de un Payador). Habitée par l'esprit du tango, et peut-être plus encore par la musique, elle offre un chant d'une grande beauté et d'une pureté exceptionnelle. A ses côtés, le rôle-titre est tenu par la soprano portugaise (María) qui, moins spectaculaire que sa compagne de scène, moins à l'aise dans l'idiome tangueras, s'exprime dans un registre plus sombre que sa consœur. Pour ajouter à la confusion de cette production, les rôles du démon Duende, du Voleur, de Gorrion, normalement tenus par un homme sont ici, distribués à deux femmes dont le débit logorrhéique d'une langue espagnole poétique particulière rendent confus la compréhension de dialogues surréalistes difficilement traduisibles.

Dans la fosse, comme nous l'avons vu, le chef argentin Facundo Agudín peine à dynamiser son ensemble, tout comme il ne parvient pas à contenir les nombreux décalages d'avec le et le Grand chœur (plus parlé que chanté) de la Haute école de Musique de Genève.

En définitive, au lieu d'une œuvre explorant les fondements de l'esprit du tango d'une part, et de la légende de Buenos Aires d'autre part, cette production de María de Buenos Aires se résume finalement en un spectacle de variétés vidé de son contenu. Hormis l'engagement des artistes, le travail de est bien en-deçà de ce qu'il avait présenté lors de la Fête des Vignerons à Vevey en juillet 2019 et sur la scène du Grand Théâtre de Genève lors des représentations de Einstein on the beach de Philip Glass en septembre 2019. Le public applaudit cependant chaleureusement un spectacle tenant plus de la comédie musicale que d'un véritable spectacle d'opéra. Encore que et Horacio Ferrer eux-mêmes qualifiaient María de Buenos Aires de operíta (petit opéra) !

Crédit photographique : GTG © Carole Parodi

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Genève. Grand Théâtre. 27-X-2023. Astor Piazzola (1921-1992) : María de Buenos Aires, opéra tango en deux parties dur un livret de Horacio Ferrer. Mise en scène et lumières : Daniele Finzi Pasca. Scénographie : Hugo Gargiulo. Costumes : Giovanna Buzzi. Chorégraphie : María Bonzanigo. Avec Raquel Camarinha, María ; Inés Cuello, La Voz de un Payador ; Melissa Vettore, El Duende ; Beatriz Sayad, El Duende. Cercle Bach de Genève et Grand chœur de la Haute école de musique de Genève (direction : Natacha Casagrande). Orchestre de la Haute école de musique de Genève. Solistes Quito Gato, Guy Hirschberger, Camille Perron, Eric Meier (guitares). Roger Relou (piano). Marcelo Nisiman (bandonéon). Direction musicale : Facundo Agudin.

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