Un concert spirituel au pays de Schein et de Bach par l’ensemble Fiamma & Foco

Nous aider à mieux connaitre la musique de Johann-Hermann Schein qui fut cantor de l'église Saint-Thomas à Leipzig est l'idée maitresse de ce disque, aux côtés de Johann Sebastian Bach qui occupa plus tard ce célèbre poste. L'ensemble Fiamma & Foco nous propose un voyage en terre germanique où s'invitent aussi avec bonheur Schütz et Pachelbel

Le choral est le fil conducteur de ce programme. Dès le début de la Réforme protestante initiée par Martin Luther au début du XVI° siècle, un livre de chorals constitué de nombreuses mélodies, souvent venues du chant grégorien, se sont transformées en lignes épurées afin de constituer un répertoire facile d'accès pour des fidèles, invités eux-mêmes à les mémoriser et à les chanter. Quelques thèmes émergent et seront utilisés par la plupart des compositeurs, qui chacun à leur manière les façonneront suivant leur inspiration. Un choral tel « Nun Komm der Heiden Heiland » (Viens maintenant, Sauveur de païens) pour le temps de l'Avent est l'un des plus utilisés. Il annonce la venue du Sauveur et prend sa source dans une mélodie grégorienne du IVᵉ siècle composée par Saint-Ambroise de Milan. C'est avec ce choral que débute le disque, ici dans la version du Petit livre d'orgue de Bach. On entend l'orgue de l'église du Folgoët en Bretagne, un instrument proportionné à la taille moyenne de cet édifice. Construit par l'excellent facteur Bernard Hurvy en 2009, d'une esthétique de type baroque nord-allemande, cet instrument est idéal pour l'intimité de ces musiques. Placé au sol, il permet une proximité avantageuse entre les divers musiciens.

Les petits motets ou concerts spirituels sont les ancêtres de la cantate allemande magnifiée plus tard par Bach dans ses premiers essais (Cantates BWV 4 et 106). Schein s'y montre joyeux, ludique et d'un sentiment heureux. L'orchestration est ici « adaptée » comme cela se pratiquait à l'époque en fonction des disponibilités de musiciens. La pureté de la voix d'Armelle Morvan fait merveille dans ces miniatures ciselées comme de belles pièces d'orfèvrerie. La flûte à bec d'Élodie Bouleftour dialogue avec délice avec la soprano et les sacqueboutes de Maxime Chevrot, appuyée par le solide continuo de Marta Gliozzi à l'orgue. Tous concourent à un ensemble équilibré et intensément présent. On remarque chez Schein une parenté avec la musique de Heinrich Schütz, elle aussi éprise d'italianismes en cette Allemagne luthérienne.

L'organiste Marta Gliozzi propose en alternance quelques pièces d'orgue, dont certaines se rapportent directement aux pièces chantées au travers des thèmes de chorals. D'autres, plus profanes, permettent à la fois de bien comprendre le contexte musical de l'époque, tout en mettant en valeur les splendides sonorités polyphoniques de l'orgue du Folgoët. Ainsi Johann Pachelbel est à l'honneur avec sa Ciaccona en ré mineur, où chaque variation sur la basse obstinée apporte par ses couleurs ou ses rythmes des microclimats imbriqués, tel un puzzle de plus en plus rayonnant. Johann Sebastian Bach occupe une belle place dans ce programme avec la Sonate en trio BWV 529 et une belle transcription de la Sarabande de la Suite anglaise BWV 807. De plus, plusieurs de ses chorals servent ici de pont aux œuvres vocales par le rapprochement de leurs mélodies. C'est le cas en particulier du thème de Pâques « Christ lag in Todesbanden » (Christ gisait sans les liens de la mort) tiré du « Victimae Paschali Laudes » grégorien qui porte en lui la joie de la Résurrection et les souffrances antérieures de la Passion.

Cet enregistrement est d'une fraicheur incroyable et montre combien la musique de la Réforme, loin d'être austère et rigide peut, au contraire, être lumineuse et débordante de vie, par l'expression même d'une foi remplie d'espérance. Les musiciens de Fiamma & Foco, sous la direction éclairée de Marta Gliozzi, nous offrent ainsi par leur interprétation remarquable et engagée, un beau voyage en musique dans la vieille Allemagne luthérienne.