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Le Roméo et Juliette seria de Zingarelli à Versailles

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Versailles. Opéra Royal. 18-X-2023. Niccolò Antonio Zingarelli (1752-1837) : Giulietta e Romeo, opéra en 3 actes sur un livret de Giuseppe Maria Foppa, d’après la pièce éponyme de Shakespeare. Mise en scène : Gilles Rico. Décors : Roland Fontaine. Costumes : Christian Lacroix. Assistant costumes : Jean-Philippe Pons. Lumières : Bertrand Couderc. Avec : Franco Fagioli, Romeo ; Adèle Charvet, Giulietta ; Krystian Adam, Everardo ; Valentino Buzza, Teobaldo ; Nicolò Balducci, Gilberto ; Florie Valiquette, Matilde. Chœur de l’Opéra Royal. Orchestre de l’Opéra Royal, direction musicale : Stefan Plewniak

Avec Giulietta e Romeo, l'Opéra Royal de Versailles remet à l'honneur , l'un des plus importants compositeurs d'opera seria, grâce à son ouvrage tiré du plus célèbre drame amoureux, qui offre aujourd'hui les rôles de Romeo à et Giulietta à .

Alors que les récentes saisons de l'Opéra Comique et de l'Opéra de Paris faisait honneur au Roméo et Juliette de Gounod, l'Opéra Royal de Versailles et sa programmation toujours aussi passionnante, due au directeur Laurent Brunner, remet à l'honneur en cette rentrée le seria du moins connu Zingarelli.

Déjà donné en version de concert pendant le second confinement pour être enregistré partiellement en 2021 par le label du Château de Versailles, Giulietta e Romeo retrouve cette année les deux chanteurs principaux du disque, et , dans une version scénique plus complète, bien qu'encore diminuée de quelques reprises et récitatifs, pour durer un peu moins de deux heures. Très classiques, les décors vont jusqu'à reprendre l'idée de toiles découpées et superposées, même s'ils se montrent plus flatteurs par les solides murs en fond de scène, surtout présents pour resserrer l'action comme en fin d'acte I à la mort de Teobaldo, où au III dans la tombe de Giulietta. Idée surprenante, ces éléments de scénographie de Roland Fontaine servent ici à la mise en scène de , mais seront à nouveau visibles dès novembre pour le Don Giovanni de Mozart, dans la production de Marshall Pynkoski.

On comprend donc pourquoi à la première apparition du fantôme de Teobaldo, l'idée du Commandeur nous est venue à l'esprit, de même que sans s'adapter aux mêmes images, les lumières de Bertrand Couderc, bleu nuit lorsque les scènes sont extérieures et souvent d'un blanc crème mat pour éclairer les murs intérieurs – notamment au tombeau -, rappellent qu'il était déjà aux commandes de la production de Roméo avec Éric Ruf à l'Opéra Comique. De Christian Lacroix, assisté par Jean-Philippe Pons, les costumes placent l'action non pas dans le Vérone du XIVe siècle, mais à la première période napoléonienne, puisque cet opéra favori de Napoléon a visiblement inspiré l'équipe scénique, au point d'habiller Romeo du manteau bien reconnaissable de Bonaparte, et et de faire porter une perruque ressemblante à .

Comme à son habitude, le contre-ténor livre ses scènes avec un ambitus plutôt large, où le timbre se montre toutefois assez monochrome, quand la technique manque parfois de netteté dans les modulations du chant. Bien en place pour ses airs, il se démarque finalement surtout dans le grand aria de l'acte final, composé non par Zingarelli, mais par le castrat créateur du rôle, Girolamo Crescentini. Plus brillant et plus coloré, bien que dénué de grave, le Gilberto du contre-ténor ressort à chaque fois que le chanteur use de sa belle voix de tête, tandis que les autres rôles, écrits pour ténors, soprano et mezzo, mettent en avant une technique de composition qui commence à s'éloigner du seria et ressemble parfois au bel canto, voire se romantise réellement au dernier duo.


Remarquable par la clarté de son timbre et la qualité de ses courts arias, la soprano chante la confidente de Giulietta, Matilde, dans un livret de Giuseppe Maria Foppa resserré sur seulement six rôles et un petit chœur, bien préparé pour ses quelques scènes, toujours pour représenter les Capulets. reprend le rôle du père tenu par Philippe Talbot sur l'album, pour camper un Everardo souvent grave devant la situation comme dans le timbre, qu'on croirait presque parfois celui d'un baryton plutôt que d'un ténor. Moins entendu car vite disparu, le Teobaldo de parvient tout de même à faire vivre avec ardeur le combat contre Romeo en fin d'acte I, le ténor sicilien revenant ensuite silencieusement hanter les scènes en chemise blanche tâchée de sang. D'une agile légèreté et d'un timbre toujours gracieux, porte sa belle Giulietta en se montrant aussi expressive par ses duos que par ses airs, livrés avec sensibilité jusqu'au dernier.

Très dynamique, crée une énergie toujours vive par ses grands gestes dans la fosse ; il laisse le recitativo à un claveciniste à sa droite pour se concentrer sur l'Orchestre de l'Opéra Royal et sa trentaine de musiciens, qui développent une orchestration écrites pour des bois par deux (flûtes, hautbois, clarinettes) et comme dans de nombreux ouvrages de l'époque, dont L'Enlèvement au sérail de Mozart, une utilisation des timbales limitée à une dynamique ouverture et à la scène finale. Sans pouvoir concurrencer certains opéras de Cimarosa, ni les chefs-d'œuvre bel cantistes à venir, dont I Capuletti e i Montecchi de son élève Bellini, Giulietta e Romeo de Zingarelli réapparaît comme une belle découverte, qui mériterait que l'Opéra de Versailles trouve un coproducteur au spectacle, à commencer par la salle dans laquelle il a été créé, la Scala de Milan…

Crédits photographiques : © Ian Rice

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Versailles. Opéra Royal. 18-X-2023. Niccolò Antonio Zingarelli (1752-1837) : Giulietta e Romeo, opéra en 3 actes sur un livret de Giuseppe Maria Foppa, d’après la pièce éponyme de Shakespeare. Mise en scène : Gilles Rico. Décors : Roland Fontaine. Costumes : Christian Lacroix. Assistant costumes : Jean-Philippe Pons. Lumières : Bertrand Couderc. Avec : Franco Fagioli, Romeo ; Adèle Charvet, Giulietta ; Krystian Adam, Everardo ; Valentino Buzza, Teobaldo ; Nicolò Balducci, Gilberto ; Florie Valiquette, Matilde. Chœur de l’Opéra Royal. Orchestre de l’Opéra Royal, direction musicale : Stefan Plewniak

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