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Sergueï Rachmaninov (1873-1943) : Concertos pour piano et orchestre n° 1 à n° 4 ; Rhapsodie sur un thème de Paganini op. 43. Yuja Wang, piano ; Los Angeles Philharmonic Orchestra, direction : Gustavo Dudamel. 2 CD Deutsche Grammophon. Enregistrés au Walt Disney Concert Hall de Los Angeles les 9 et 11 février 2023. Notice de présentation en anglais et en allemand. Durée totale : 148:04
Deutsche GrammophonPour le 150ᵉ anniversaire de sa naissance, Sergueï Rachmaninov se voit offrir un somptueux cadeau avec l'enregistrement de ses quatre concertos pour piano par Yuja Wang sous une brillante direction d'orchestre de Gustavo Dudamel.
En avril 2011, sous la direction du regretté Claudio Abbado, Yuja Wang enregistrait le Concerto pour piano et orchestre n° 2 de Rachmaninov. On connaissait alors déjà les capacités pianistiques de la jeune interprète chinoise et il semblait tout à fait naturel qu'elle s'attaquât à ce monument technique du piano. Nos pages cependant furent quelque peu dubitatives quant au bonheur attendu de cet enregistrement. Quelques mois plus tard, lors du Verbier Festival, la jeune pianiste récidivait dans son entreprise mais cette fois sous la direction de Yuri Temirkanov. Là encore, la critique fut tiède. Mais la jeune femme ne désarma pas. En 2015, elle remit ses doigts sur le clavier promenant ce monument de l'art pianistique lors d'une tournée européenne qui la porta en Allemagne, en Autriche et en France. Nous nous sommes faits écho de son passage lyonnais alors qu'elle jouait avec l'orchestre de la Tonhalle de Zurich sous la direction de Lionel Bringuier. Puis, trois ans plus tard, la pianiste chinoise remit le couvert «rachmaninovien» avec le Rotterdams Philharmonisch Orchestra et la direction de Yannick Nézet-Séguin. A Paris, nous y étions pour noter que commençaient à s'estomper de ses précédentes interprétations une certaine insuffisance de puissance au clavier et une approche manquant souvent de sensibilité.
Infatigable, en janvier 2023, Yuja Wang donnait en un seul après-midi les quatre concertos de Rachmaninov au Carnegie Hall de New York sous la direction de Yannick Nézet-Séguin. Marathonienne, le mois suivant, elle était à Los Angeles où elle interprètait, le temps d'un week-end, les quatre concertos et Les variations sur un thème de Paganini op. 43, objets du présent enregistrement. Puis vint son interprétation cette année au Verbier Festival qui allait réunir tous les suffrages. La maturité interprétative a gagné la pianiste, peut-être révélée par l'improbable osmose générationnelle avec l'âgé chef d'orchestre Zubin Metha, ouvrant la porte de la Musique avec un M majuscule. Cette énumération, loin d'être exhaustive, montre combien Yuja Wang aujourd'hui use de son talent (ne devrait-on pas dire «génie» ?) pour offrir ce qu'elle imagine le meilleur pour l'œuvre de ce compositeur.
Comparaison n'est pas raison. Mais lorsqu'arrive un enregistrement aussi important, on ne peut faire fi du passé. Et en ce qui concerne Rachmaninov, les années 60 ont été marquées par la parution d'une intégrale de ses concertos par Vladimir Ashkenazy alors âgé de 26 ans. Ce qui frappe dans cet enregistrement, c'est qu'indépendamment de l'orchestre et du chef, la force persuasive du soliste supplante la direction d'orchestre. Le pianiste renverse tout sur son passage. Chose qui ne transparait pas dans les interprétations de Yuja Wang où, peut-être plus musicienne que son alter ego d'alors, elle est plus à l'écoute de l'orchestre. En dépit des grands accompagnateurs qui ont marqué le parcours concertiste de la pianiste, peut-être a-t-elle trouvé avec Gustavo Dudamel le musicien avec lequel elle est le plus en affinité. Par le souvenir, peut-être fragile, de l'instant du concert, votre serviteur retient toutefois que son interprétation du Troisième concerto à Verbier est apparu plus inspiré sous la baguette de Zubin Metha que sous celle du chef vénézuélien. Cela n'enlève rien à l'interprétation générale de ces concertos par Yuja Wang dont elle reste une interprète aujourd'hui incontournable.
Grâce à une technique du clavier irréprochable et unique, elle joue chaque note de la partition dans le rythme imposé par l'orchestre sans jamais user de ralletando «respiratoires» comme d'autres de ses collègues. Enregistré en direct, pas de place pour d'éventuelles retouches telles que pratiquées dans les enregistrement de studio. Quel toucher ! Quelle brillance ! C'est tour à tour un soleil musical, un feu d'artifice, dans l'énergie qu'elle dégage (ah ! ce final du Concerto n°1) puis une grande et belle nostalgie, sans pathos excessif ou geignard. D'un effleurement des touches sans que jamais le son ne fasse défaut jusqu'à l'accord frappé sans lui donner jamais de lourdeur. Même si parfois le Los Angeles Philharmonic tente de manger le piano, sa présence géniale de la musicienne a toujours le dernier mot. Last but not least, la Rhapsodie sur un thème de Paganini op. 43 est un régal musical ; le dialogue piano-orchestre (ici très inspiré) est un pur moment de bonheur.
Un document à se procurer et à écouter en boucle. Que le premier qui s'en lassera lui jette la première note !
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Sergueï Rachmaninov (1873-1943) : Concertos pour piano et orchestre n° 1 à n° 4 ; Rhapsodie sur un thème de Paganini op. 43. Yuja Wang, piano ; Los Angeles Philharmonic Orchestra, direction : Gustavo Dudamel. 2 CD Deutsche Grammophon. Enregistrés au Walt Disney Concert Hall de Los Angeles les 9 et 11 février 2023. Notice de présentation en anglais et en allemand. Durée totale : 148:04
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Je trouve dommage que la brochure des CD chez DG mais aussi chez Sony ne soit plus traduit en français.