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Béatrice et Bénédict : le joyau de Berlioz à Nantes

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Nantes. Théâtre Graslin. 11-X-2023. Hector Berlioz (1803-1869) : Béatrice et Bénédict, opéra-comique en deux actes sur un livret du compositeur. Mise en scène, scénographie et costumes : Pierre-Emmanuel Rousseau. Lumières : Gilles Gentner. Avec : Marie-Adeline Henry, soprano (Béatrice) ; Philippe Talbot, ténor (Bénédict) ; Olivia Doray, soprano (Héro) ; Marc Scoffoni, baryton (Claudio) ; Marie Lenormand, mezzo-soprano (Ursule) ; Frédéric Caton, basse (Don Pedro) ; Lionel Lhote, basse (Somarone). Chœur d’Angers Nantes Opéra (chef de chœur : Xavier Ribes). Orchestre National des Pays de la Loire, direction : Sascha Goetzel

Par quel mystère tente-t'on aujourd'hui encore de faire accroire que le dernier opéra d' est une œuvre mal fagotée et difficile à monter ? C'est bien évidemment tout le contraire, comme le prouve Angers Nantes Opéra.

On sent dès l'Ouverture, dont les sautes d'humeur sont empoignées avec une maestria, un sens des clairs-obscurs, de la dynamique confondants, combien est animé par l'amour de cette musique où brille sans ride aucune le génie d'un compositeur qui n'a plus que sept années à vivre. D' (qui en a fait son Falstaff) à Kenneth Branagh (qui en a fait un de ses films les plus séduisants), Beaucoup de bruit pour rien a beaucoup inspiré ceux qui se sont penchés sur cette « mélancomédie » pleine d'esprit. Le chef autrichien aime à confier combien la musique de Berlioz a impacté sa vie personnelle. A l'instar de Berlioz, une passion adolescente pour une jeune fille l'avait alors poussé à écrire une partition que cette dernière avait finalement détestée. C'est l'homme jadis blessé qui aujourd'hui s'offre une revanche éclatante en menant au triomphe cette partition mal-aimée que, gageons-le, l'on va aimer de plus en plus. Goetzel fait ressortir la constante beauté des mélodies, l'audace des rythmes, le galbe unique des cordes, le bouillonnement des bois, le mystère des pizzicati, l'autorité des cuivres, la singularité de l'instrumentarium, et lorsque le rideau se lève enfin, la perspective d'une grande soirée berliozienne n'a plus qu'à transformer l'essai jusqu'à des saluts qui verront tous les pupitres de l'Orchestre National des Pays de la Loire faire monter très haut le niveau de l'applaudimètre.

Au plan vocal, les bonheurs sont plus variés. Les hommes sont globalement à la bonne place : au côté des très probes (Don Pedro) et (Claudio), du toujours savoureux Somarone de , emporte le point même s'il lui faut munir sa musicalité coutumière d'un art consommé de l'esquive, propre à faire passer la tessiture ardue de Bénédict pour un parcours semé de roses. Les femmes se démarquent d'une certaine tradition. , à qui revient le redoutable privilège d'ouvrir le bal solistique (huit bonnes minutes conclues par une cascade de vocalises a capella, un peu comme si La Flûte enchantée commençait par un air de la Reine de la Nuit), surprend avec une Héro plus corsée qu'à l'accoutumée, presque déjà une Béatrice, mais la jeune chanteuse française, très à l'aise aussi scéniquement, s'impose dans le jeu égal que Berlioz lui fait jouer avec le rôle-titre (on est toujours troublé par la gémellité mélodique de la première phrase de leur air respectif). , n'est pas une alto, et son Ursule au timbre insuffisamment différencié de celui d'Héro frustre par son impuissance à donner son plein relief au Nocturne censé faire fondre le spectateur à la fin de l'Acte I. Béatrice ne semble pas faite pour le tempérament vocal de , dont l'émission çà et là autoritaire confine à l'agressivité au moment de son grand air. Valeureuse, la soprano française ne fait pas suffisamment cas du fait que les mots durs de Béatrice sont accompagnés d'une musique qui dit tout le contraire, ce qu'ont davantage compris Stéphanie d'Oustrac, déchaînée à Glyndebourne, ou Isabelle Druet, d'un incomparable velours à La Côte Saint-André et récemment à Cologne.

A entendre, à voir, le chœur est superlatif, très investi dans les chorégraphies au cordeau de : la Sicilienne revue en madison va jusqu'à faire monter des fourmis dans les jambes des spectateurs. Tout en sachant garder l'esprit de l'œuvre, le metteur en scène a également, et très subtilement, retouché les dialogues originels (ainsi avait fait Berlioz avec Shakespeare) afin de faire voyager l'action du XVIᵉ siècle à nos jours dans la Sicile des mafias (le retour de guerre est celui d'une guerre des gangs), des trafics (on exhibe son revolver, sa valise de billets, on sniffe), des fêtes en costumes traditionnels, le tout bien évidemment sous le regard commode de la Madone. Spartiate mais fonctionnel, le décor unique décline les deux journées de sa temporalité inversée : de midi à minuit, installé sur une piste de danse, sous des guirlandes d'ampoules, veillé par la lune d'une boule à facettes, l'Acte I célèbre un repas de noces ; de l'aube à midi, l'Acte II en célébrera deux: celui de Héro avec Claudio, de Béatrice avec Bénédict. C'est simple, lisible, avec quelques trous d'air (le Nocturne avec ses deux copines se grillant une cigarette en bord de scène, c'est trop peu ; la chorégraphie du grand air de Béatrice, c'est laborieux), d'une énergie au finale plutôt communicative, même si à des coudées de productions plus originales : Laurent Pelly naguère à Glyndebourne, et surtout Damiano Micchieletto bientôt à Lyon.

Crédits photographiques : © Bastien Capela

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Nantes. Théâtre Graslin. 11-X-2023. Hector Berlioz (1803-1869) : Béatrice et Bénédict, opéra-comique en deux actes sur un livret du compositeur. Mise en scène, scénographie et costumes : Pierre-Emmanuel Rousseau. Lumières : Gilles Gentner. Avec : Marie-Adeline Henry, soprano (Béatrice) ; Philippe Talbot, ténor (Bénédict) ; Olivia Doray, soprano (Héro) ; Marc Scoffoni, baryton (Claudio) ; Marie Lenormand, mezzo-soprano (Ursule) ; Frédéric Caton, basse (Don Pedro) ; Lionel Lhote, basse (Somarone). Chœur d’Angers Nantes Opéra (chef de chœur : Xavier Ribes). Orchestre National des Pays de la Loire, direction : Sascha Goetzel

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