Les compositrices valorisées au prisme de leurs œuvres selon Bruno Giner
Avec son bandeau rouge annonçant « La vraie place des femmes compositrices de l'Antiquité à nos jours » et la quatrième de couverture qui promet que l'auteur, Bruno Giner, ne se reposera que sur « la seule valeur artistique et musicale » de leurs œuvres, la proposition de Opus féminin est stimulante.
Dire que les arguments de vente tiennent tous leurs promesses serait faire preuve de complaisance, ce qui n'enlève rien au caractère salutaire de cet ouvrage. Ainsi l'auteur se targue de ne pas sombrer dans les notices biographiques. Si fort heureusement, il élargit le propos à des considérations historiques et sociologiques sur le rôle (congru) des femmes à travers les époques, Bruno Giner n'échappe pas à brosser un certain nombre de portraits de musiciennes. Comment aurait-il pu en être autrement ? Plus discutable est la promesse de ne juger les compositrices qu'à l'aune de la valeur artistique et musicale de leurs œuvres alors que les analyses strictement musicologiques ont un aspect moins développé que les considérations sociétales et biographiques.
Cet essai, dont l'approche est comparable à celle plus développée de Guillaume Kosmicki pour son « Compositrices, l'histoire oubliée de la musique » (Le Mot et le Reste), a l'avantage de faire comprendre dans un langage simple et direct comment le genre masculin a à peu près constamment nié au féminin les capacités de créativité artistique, et s'est ingénié à effacer de la mémoire collective les rares femmes qui avaient réussi à défier l'ordre dominant. Le plaidoyer est efficace, même s'il n'est pas lui-même exempt de ces vieux réflexes patriarcaux qu'il s'emploie à dénoncer. Ainsi Fanny Mendelssohn est-elle dénommée sous son nom d'usage de femme mariée Fanny Hensel, et Clara Schumann est parfois appelée Clara Wieck-Schumann, sans que l'auteur explique ses choix.
Le second atout de cet essai est qu'il défend une liste restreinte mais claire des compositrices qui ont à ses yeux un réel talent, sans considération pour leur genre. Nous retiendrons parmi les grandes figures qu'il met en valeur, par ordre chronologique, Francesca Caccini, Barbara Strozzi, Antonia Bembo, Élisabeth Jacquet de la Guerre, Fanny Mendelssohn, Marie Jaëll, Ethel Smith, Augusta Holmès, Lili Boulanger, Elsa Barraine. Cette liste s'arrête à la génération des artistes nées avant guerre (Betsy Jolas est née en 1926, Sofia Goubaïdoulina en 1931, Michèle Reverdy en 1943…), mais il serait déjà bien utile que ces noms s'inscrivent dans la mémoire des mélomanes et dans les programmes de concert avec le même naturel que leurs pairs masculins de leur époque.
Pour les compositrices du XXIe siècle :
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Opus féminin. Bruno Giner. Bleu nuit éditeur. 232 p. 22 €. Oct. 2023
Bleu Nuit Editeur