Benjamin Alard poursuit avec bonheur son intégrale Bach pour le clavier

Poursuivant pas à pas l'enregistrement de son intégrale Bach pour clavier, Benjamin Alard dédie son volume 8 à la première épouse du cantor, Maria Barbara. L'occasion de proposer Inventions, Sinfonies et Suites françaises, complétées par quelques transcriptions de pièces pour le violon et l'orgue.

Le volume 8 de l'intégrale pour clavier seul de Johann Sebastian Bach par Benjamin Alard offre le cycle complet des Suites françaises ainsi que celui des Inventions à 2 voix et Sinfonies à 3 voix. En guise d'écrin à ces fleurs musicales, l'interprète complète le programme avec des Préludes de François Couperin et quelques transcriptions pour le clavier d'œuvres pour violon seul de Bach. Nous sommes là dans l'intimité de la maison au cœur de la famille. On imagine Maria Barbara la première épouse de Johann Sebastian et les premiers enfants d'une longue lignée autour des instruments domestiques, clavicorde et clavecin. Benjamin Alard a choisi deux instruments remarquables : un clavecin historique de Johannes Couchet (vers 1645), ravalé vers 1720 par François-Etienne Blanchet et un clavicorde d'Emile Jobin (2018) d'après Christian Gottfried Friederici (1773), augmenté d'un pédalier rajouté en 2021 par Quentin Blumenroeder.

Pour l'interprétation des six Suites françaises BWV 812-817, le choix de l'instrument s'est porté sur le clavecin, apte par son amplitude à traduire toutes les subtilités et finesses des textes. Enregistrée au Musée instrumental de Provins où réside ce clavecin, la captation d'Alban Moraud est particulièrement favorable à une image large et profonde, en parfaite harmonie avec le jeu intense de Benjamin Alard. Par leur titre ces Suites peuvent évoquer la France par la succession habituelle des quatre danses (Allemande, Courante, Sarabande et Gigue) auxquelles s'ajoutent ici ou là quelques « galanteries » (Gavotte, Polonaise, Bourrée, Air et autre Menuet). Chaque Suite est introduite par une courte pièce française de François Couperin choisie dans son Art de toucher le clavecin. Ce sont de courts Préludes, parfaits dans leur rôle. Bach en plaça lui-même dans d'autres cycles comme les Partitas ou les Suites anglaises. De plus, l'interprète propose quelques transcriptions d'après des œuvres pour violon seul. Le tout forme un ensemble très cohérent où chaque pièce fait écho à une autre et montre le monde grouillant d'une utilisation intense dans le foyer familial, à la fois du répertoire et des claviers.

L'autre instrument utilisé dans ce coffret est très intéressant par son côté historique. Bach aimait le clavicorde et en particulier pour ses vertus expressives en fonction du toucher. Très utilisable à la maison pour ses qualités acoustiques discrètes, c'est l'instrument idéal de l'intimité. Ici on entend un clavicorde muni d'un pédalier comme à l'orgue. Là aussi, cela représentait une commodité de taille pour l'apprentissage du musicien et une utilisation à portée de main en toute saison, remplaçant le jeu à l'orgue notamment avec les rigueurs de l'hiver et ne nécessitant pas la présence d'un souffleur. Benjamin Alard présente tout d'abord le cycle des Inventions à 2 voix et des Sinfonias à 3 voix dont Bach lui même précise qu'elles sont destinées à développer le style « cantabile » propre au clavicorde. Ensuite diverses transcriptions de pièces d'orgue sont interprétées sur cet instrument muni d'un pédalier particulièrement réglé pour être le plus silencieux possible dans son maniement, le son du clavicorde étant très ténu et ne devant pas être perturbé par divers bruits mécaniques. Le résultat est une incroyable réussite, avec notamment l'exemple du fameux Pedal-Exercitium en sol mineur ici joué avec des pieds de velours…

Ce coffret offre encore quelques pépites issues de pièces pour violon seul ici transcrites pour le clavier. la célèbre Chaconne en ré mineur avec ses 13 minutes intenses comble l'auditeur de même que la Fugue de violon en ré mineur BWV 539 que Bach avait déjà transcrite pour l'orgue. Ces trois CD apportent une eau claire et fraiche que l'auditeur savoure avec délice. Un Bach autrement et tellement excitant.

Lire aussi : nos articles consacrés à l'intégrale pour clavier de Bach par Benjamin Alard