Plus de détails
Umberto Giordano (1867-1948) : Andrea Chénier, drame historique en quatre actes sur un livret de Luigi Illica. Mise en scène : Philipp Stölzl. Décors : Philipp Stölzl et Heike Vollmer. Costumes : Anke Winckler. Lumière : Michael Bauer. Avec : Jonas Kaufmann, ténor (Andrea Chénier) ; Anja Harteros, soprano (Maddalena di Coigny) ; George Petean, baryton (Carlo Gérard) ; Rachael Wilson, mezzosoprano (Bersi) ; Helena Zubanovich, mezzosoprano (Contessa di Coigny) ; Larissa Diadkova, contralto (Madelon) ; Tim Kuypers, baryton (Mathieu) ; Kevin Conners, ténor (L’Incredibile) ; Andrea Borghini, baryton (Roucher) ; Ulrich Ress, ténor (Abbate) ; Johannes Kammler, baryton (Pierre Fléville) ; Christian Rieger, baryton (Fouquier-Tinville) ; Bayerischer Staatsopernchor (chef de chœur : Stellario Fagone) ; Bayerisches Staatsorchester, direction : Marco Armiliato. Réalisation : Brian Large. 1 DVD Bayerische Staatsoper Recordings. Filmé sur le vif en décembre 2017 au Bayerische Staatsoper de Munich. Sous-titrage en allemand, anglais, français, italien, japonais et coréen. Notice en allemand et anglais. Durée : 135:24
Bayerische Staatsoper RecordingsDeux ans après sa prise de rôle londonienne, dans la production de David McVicar, la formidable mise en scène de Philipp Stölzl rend encore plus poignante l'incarnation par Jonas Kaufmann du poète de la Révolution française. Une distribution de haut vol évolue dans un univers glaçant et particulièrement évocateur.
Cette nouvelle parution vidéographique est le reflet de la reprise en décembre 2017 d'une mise en scène de l'opéra de Giordano effectuée à Munich en début d'année. Il s'agissait, assez étonnamment, de la grande première de cet ouvrage sur la scène du Théâtre National, mais aussi d'une nouvelle production conçue autour de la grande star du moment, le ténor Jonas Kaufmann. Dans la chronique de la vidéo illustrant la prise de rôle londonienne de ce dernier, nous regrettions, tout en louant la performance scénique et vocale du monstre sacré, une mise en scène finalement assez plate et pâlotte, quoique signée du grand David McVicar.
Il en est tout à fait autrement ici de la proposition du réalisateur Philipp Stölzl, bien connu pour ses clips musicaux et sa carrière dans la vidéo-musique, mais plus récemment converti au monde de l'opéra. En effet, tout en faisant le choix d'une conception ultraréaliste collant de très près aux contextes historiques de la Révolution française, autant pour les costumes, les décors et le jeu des acteurs, Stölzl restitue tout au long de l'ouvrage la dimension chaotique des nombreux événements traumatisants qui le sous-tendent. Par un habile dispositif scénique proposant des coupes transversales des différents endroits représentés – avec parfois un écart par rapport au livret original –, il superpose les plans narratifs qui permettent de suivre simultanément l'aventure de la foule et du petit peuple parisien, ainsi que les déboires personnels des trois protagonistes. Le premier acte montre ainsi les élégants salons de réception de la comtesse de Coigny tout comme les caves confinées où évoluent les serviteurs du château. De savants mécanismes assurent d'incessants changements de décor par déplacement latéral ou par coulissage des décors, les coupes transversales permettant également de travailler les mouvements de foule dans la profondeur. Dans cet impressionnant décor à la Piranèse grouillent des personnages tous en perte de repères, dont le dénuement et l'errance sont soulignés par le superbe jeu de lumières de Michael Bauer.
Dans cet univers cauchemardesque se détache, outre les trois protagonistes, la figure du personnage de Mathieu lequel, maquillé de rouge et de blanc, coiffé d'un chapeau à cocarde et drapé dans un drapeau bleu blanc rouge ensanglanté, traverse l'opéra de la première à la dernière mesure. Les premières représentations, nous a-t-on rapporté, avaient choqué une partie du public, outré que l'on puisse brandir une reproduction de la tête de Jonas Kaufmann, fraîchement décapité. Les représentations du mois de décembre, celles captées par la vidéo, montrent une fin presque plus poignante encore : le regard et la grimace horrifiés de Maddalena, laquelle tient Chénier par les cuisses, au moment où s'abat le couperet fatal…
Les trois protagonistes, presque perdus dans cet univers de fin de monde, sont tous trois interprétés par des artistes exceptionnels. Tout juste remis de l'hématome vocal qui l'avait éloigné des scènes en 2017, Kaufmann renouvelle à Munich son exploit londonien, composant un personnage certes romantique et idéaliste en diable mais déjà désabusé, perdu dans un monde dont les nouvelles valeurs semblent lui échapper. Anja Harteros est elle aussi une Maddalena de premier plan, autant par la justesse de son jeu que par la science vocale dont elle fait bénéficier un rôle trop souvent chanté par des interprètes à la technique vocale rudimentaire. Ange salvateur en perte de repères, prête à donner son corps qu'elle considère déjà mort pour sauver la vie de l'homme qu'elle aime, elle trouve pour son personnage déchu des pianissimi et des phrasés à la beauté toute tebaldienne, avec des accents de grande tragédienne. Visiblement le pivot de cette production, le Gérard du baryton roumain George Petean est bouleversant dans l'expression du véritable chambardement émotionnel qu'il traverse. Vocalement très accompli, il est l'une des révélations de cet enregistrement. On notera pour finir l'excellente qualité de l'ensemble de la distribution, d'où se détachent particulièrement l'émouvante Madelon de Larissa Diadkova, le Roucher très bien chantant d'Andrea Borghini, le très convaincant Incroyable de Kevin Connors, pour ne rien dire du fantasmagorique Mathieu de Tim Kuypers. Ajoutons à cela la qualité bien connue des chœurs et de l'Orchestre de l'Opéra d'État de Bavière, sous la baguette experte de Marco Armiliato, et l'on comprendra que cette captation comptera pour beaucoup dans la carrière scénique de l'opéra de Giordano.
Pour celles et ceux qui croyaient que Andrea Chénier était un opéra de Grand-Papa, ce DVD est pour vous.
Plus de détails
Umberto Giordano (1867-1948) : Andrea Chénier, drame historique en quatre actes sur un livret de Luigi Illica. Mise en scène : Philipp Stölzl. Décors : Philipp Stölzl et Heike Vollmer. Costumes : Anke Winckler. Lumière : Michael Bauer. Avec : Jonas Kaufmann, ténor (Andrea Chénier) ; Anja Harteros, soprano (Maddalena di Coigny) ; George Petean, baryton (Carlo Gérard) ; Rachael Wilson, mezzosoprano (Bersi) ; Helena Zubanovich, mezzosoprano (Contessa di Coigny) ; Larissa Diadkova, contralto (Madelon) ; Tim Kuypers, baryton (Mathieu) ; Kevin Conners, ténor (L’Incredibile) ; Andrea Borghini, baryton (Roucher) ; Ulrich Ress, ténor (Abbate) ; Johannes Kammler, baryton (Pierre Fléville) ; Christian Rieger, baryton (Fouquier-Tinville) ; Bayerischer Staatsopernchor (chef de chœur : Stellario Fagone) ; Bayerisches Staatsorchester, direction : Marco Armiliato. Réalisation : Brian Large. 1 DVD Bayerische Staatsoper Recordings. Filmé sur le vif en décembre 2017 au Bayerische Staatsoper de Munich. Sous-titrage en allemand, anglais, français, italien, japonais et coréen. Notice en allemand et anglais. Durée : 135:24
Bayerische Staatsoper Recordings