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Huw Montague Rendall livre à Strasbourg une captivante Belle Meunière

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Strasbourg. Opéra du Rhin. 23-IX-2023. Franz Schubert (1797-1828) : Die schöne Müllerin D.795. Huw Montague Rendall, baryton ; Hélio Vida, piano

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Après avoir marqué la mémoire du public strasbourgeois dans un remarquable Papageno, revient avec démontrer ses talents multiples dans une Schöne Müllerin un peu débordante, mais passionnante de bout en bout.


Dès le premier Lied Das Wandern, on comprend qu'on a affaire à un grand artiste. La voix est d'une beauté grisante, pleine, riche, souple, et son allemand est très intelligible, très fluide (malgré quelques syllabes effacées). De surcroît, est un comédien-né, et il arrive à charger son chant de nombreuses nuances ou couleurs émotives, ce qui rend son interprétation étonnamment expressive. Ce premier Lied, a priori assez facile, est donné avec des affects différents à chaque strophe, où pierres et roues deviennent des figures métaphoriques du destin, et où la dernière strophe résonne comme une supplication à cesser de vivre. Interprété de la sorte, ce Das Wandern apparait comme un résumé-condensé introductif du cycle à venir, et ça, c'est du grand art.  contribue puissamment à ce choix interprétatif, tantôt en variant certains appuis de la main gauche, tantôt en faisant ressortir de la droite certaines notes répétitives, ce qui contribue à marquer une évolution de strophe en strophe.

Après un pareil début, on se demande si les deux artistes arriveront à maintenir le même niveau pendant tout le cycle, et la réponse est affirmative. Rarement, on a senti le Lied Wohin devenir une pareille invitation au départ. Rarement on a ressenti à ce point la présence du ruisseau comme un acteur vivant du drame, et pas seulement comme un reflet des sentiments du petit meunier, ou comme un élément de décor. La façon dont le jeune homme se prend des baffes est rendue avec délicatesse et pudeur dans Morgengruss, mais en même temps avec une souffrance palpable. Tränenregen , qui marque le point de rupture entre espoir et désespoir amoureux (quand la meunière se lève et le quitte), est rendu avec une sobriété glaçante. Chaque Lied dévoile des merveilles de vérité psychologique : colère écumante dans Der Jäger (et quelle virtuosité idiomatique !), tristesse progressivement insondable dans Die liebe Farbe et Trockne Blumen. Après un parcours aussi intense, Des Baches Wiegenlied devient une libération, ou une réintégration à sa vraie nature personnifiée par le ruisseau. Dans les bis, et proposent le célébrissime Ständchen, et confirment leur maîtrise très aboutie de Schubert, avec toute sa souffrance, son ardeur juvénile, toute son ambiguïté entre espoir et désespoir, mais aussi sa simple splendeur mélodique.

C'est incontestablement une très haute qualité d'interprétation, de chant, de piano, et d'intelligence entre les deux. En même temps, il faut bien rendre compte de certains défauts, qu'on va qualifier de jeunesse (le fils de David Rendall et de Diana Montague a-t-il seulement 30 ans ?). Der Neugierige est rendu haché par de nombreux silences, comme des suspensions interrogatives que Schubert n'a pas écrites et qui n'apportent rien. Dans Am Feierabend, le vieux meunier est caricaturé comme un barbon ennuyeux, ce qui apparait comme une faute de goût. Certains effets d'appui amènent le baryton à la limite du cri, ce qui est également critiquable. Cela n'oblitère pas beaucoup la distinction globale de cette version, ni la réussite à en faire un cycle narratif puissant, mais laisse à penser que nos deux artistes ont besoin de mûrir un peu, d'intérioriser davantage leur expressivité pour atteindre le niveau de leurs plus prestigieux aînés. Et ils en sont proches !

Crédit photographique © Opéra du Rhin

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