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Asmik Grigorian bouleversante dans Strauss en ouverture du Philhar

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Paris. Maison de la Musique de Radio France. Grand Auditorium. 15-IX-2023. Benjamin Attahir : Stabat Mater ; Richard Strauss (1864-1949) : Quatre derniers Lieder ; Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893) : Symphonie n° 6 dite « Pathétique » en si mineur op. 74. Asmik Grigorian, soprano. Maitrise de Radio France. Orchestre Philharmonique de Radio France, direction : Mikko Franck

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Alors qu'ils viennent d'enregistrer deux disques consacrés à Chostakovitch et Strauss, et la soprano se retrouvent pour ce concert d'ouverture de l' dans un programme aux allures quelque peu testamentaires convoquant , et .

C'est le Stabat Mater du jeune compositeur , commande de la Maison ronde et donné en création mondiale, qui ouvre la soirée en s'adressant tout particulièrement à la Maitrise de Radio France. Complexe dans son architecture, ardue d'exécution et d'écoute, mettant tout particulièrement en avant la fraicheur et la virtuosité vocale de la formation, cette partition à la modernité un peu passéiste combine une rigoureuse technique acquise au contact du sérialisme et une veine mélodique un rien sommaire qui s'appuie sur les quatre premiers versets du Stabat Mater, cette hymne religieuse consacrée à la Vierge. en  détourne à dessein la vocation liturgique pour ne retenir du texte qu'un matériau sonore immanent fait d'une suite de répétitions motiviques et rythmiques où seuls comptent la plasticité des sons, le travail contrapuntique et l'alliance des timbres (cordes graves, percussions, contrebasson, cuivres, altos, violon solo et tuba…) dans une orchestration foisonnante et envoûtante, conclue par un grand crescendo final : une œuvre dont on admire la hardiesse et la virtuosité compositionnelle, mais qui ne dégage, finalement, que peu d'émotion en parlant plus à la raison qu'au cœur…

Une émotion intense que l'on retrouvera heureusement avec le témoignage bouleversant d' dans les Quatre derniers Lieder de . Un cycle de quatre Lieder dédié à la voix féminine, créé à titre posthume en 1950, comme un saisissant raccourci de toute une vie depuis le fringant Frühling (le Printemps), le mélancolique September, le sensuel Beim Schlafengehen (En s'endormant) et le serein Im Abendrot (Dans la rougeur du couchant), tous les quatre portés par un accompagnement orchestral diaphane, brillant et coloré. Réputée pour ses interprétations lyriques incandescentes, la soprano lituanienne est aussi une bouleversante récitaliste qui sait plier sa voix à l'univers plus intimiste du Lied – un magnifique récital consacré aux mélodies de Tchaïkovski et Rachmaninov cet été au festival d'Aix en Provence en témoigne -. Si sa dernière lecture avec l'Orchestre de la Suisse Romande en mai dernier avait pu laisser une impression assez mitigée du fait de l'absence de complicité avec l'orchestre, il en va ce soir tout autrement, ce concert de retrouvailles après les deux enregistrements précités scellant une complicité qui confine à l'égrégore pour une interprétation véritablement habitée où la beauté et les couleurs de la voix le disputent à l'émotion et à la profondeur de l'interprétation. On ne fera que rappeler rapidement la plénitude du timbre, la facilité vocale déconcertante, la puissance de projection parfaitement modulée, le large ambitus, la variété de nuances et de couleurs, le sublime legato et le souffle inépuisable, toutes caractéristiques réunies dans une interprétation d'une sensualité prégnante, bouleversante d'émotion, exaltée par les performances solistiques d'un Philhar irréprochable, dont on retiendra tout particulièrement la magnifique prestation du cor solo d'Alexandre Collard, de la harpe, des cordes graves conduites par Nadine Pierre et du violon solo de Ji-Yoon Park.

Ultime jalon du corpus symphonique de Tchaïkovski, troisième et dernier volet de la trilogie du fatum, la Symphonie n° 6 dite « Pathétique » fut créée en 1893 quelques semaines avant le suicide du compositeur. La considérant depuis l'enfance comme son œuvre fétiche, nous en livre une lecture très lyrique, sans rugosité ni âpreté excessive, presque hédoniste, qui laisse chanter l'orchestre. Le premier mouvement d'une belle ampleur, riche en nuances rythmiques et dynamiques mêle judicieusement les clameurs cuivrées et les confidences des cordes sur un phrasé clair et tendu mettant au jour de beaux contrechants de cor. La Valse, élégante et gracieuse, est imprégnée d'un lyrisme envoûtant teinté d'inquiétude, tandis que l'Allegro vivace témoigne avec brio de l'engagement et de la vitalité  de tous les pupitres (cordes, cuivres, et petite harmonie) dont on admire l'équilibre, la clarté, la précision et la dynamique pleine d'allant qui ne manquera pas de faire surgir de façon inopportune les applaudissement nourris du public à la grande joie de qui s'en amuse. D'un tout autre climat, l'Adagio final, traité comme un vaste lamento, réunit tous les pupitres dans une déploration intense, d'une grande profondeur d'intonation, qui résonne comme un chant d'adieu… Pathétique !

Crédit photographique : © Christophe Abramovitz / Radio France

 

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