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Semyon Bychkov et l’Orchestre de Paris dans la Troisième de Mahler : il suffisait de presque rien…

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Paris. Philharmonie. Grande Salle Pierre Boulez. 13-IX-2023. Gustav Mahler (1860-1911) : Symphonie n° 3 de Gustav Mahler en ré mineur. Christa Mayer, contralto. Chœur de l’Orchestre de Paris et Orchestre de Paris, direction : Semyon Bychkov

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Pour ses retrouvailles avec l', , mahlérien reconnu de longue date, dresse une vaste fresque « presque parfaite » de la gigantesque Symphonie n° 3 de , avec la contralto en soliste.

Comme la Symphonie n° 2 à laquelle elle fait suite, la Symphonie n° 3 traite également de la Résurrection, mais à une toute autre échelle puisque c'est à une nouvelle cosmogonie que Mahler nous invite. Œuvre grandiose, gigantesque, toute inspirée par la Nature, la Nature consolatrice, chargée d'amour, elle répond à un plan d'ensemble, qui est sans doute le plus ambitieux jamais conçu par un symphoniste : partant de la matière, des rochers, il entrevoit déjà une immense épopée qui gravira une à une les différentes étapes de la Création pour parvenir jusqu'à l'Homme avant de s'élever jusqu'à l'Amour universel conçu comme transcendance suprême. Inspirée comme les précédentes du Wunderhorn, elle se décline en six mouvements comme autant de défis pour l'orchestre et le chef qui le conduit…

Malgré l'ambition du propos et la complexité structurelle de l'œuvre, soutenu par une phalange parisienne presque sans faille (à un cor de postillon près !), en livre une interprétation passionnante, intelligente, claire et équilibrée, « presque parfaite » toutefois pénalisée par un tempo exagérément lent qui nuit à la continuité, à la tension et à l'impact émotionnel du discours.

Le premier mouvement, « le Réveil de Pan » s'ouvre sur une puissante fanfare cuivrée associant dans une même solennité cors, trombones, trompettes et timbales. La progression se fait ensuite sur un rythme de marche inexorable en opposant des épisodes statiques à l'intimité quasi chambriste et des sections plus agitées que agence de façon claire, très analytique, sans jamais céder à une quelconque confusion. L'équilibre entre les pupitres est souverain, les performances solistiques  et la cohésion orchestrale impressionnent, avec de superbes cuivres bien contenus (Benoit de Barsony au cor et Jonathan Reith au trombone). Sur un tempo lent (trop ?), interrompu par de trop longues suspensions rythmiques, Bychkov développe un phrasé contrasté et nuancé, haut en couleurs typiquement mahlériennes (circassiennes, militaires ou mitteleuropa), teinté par instants d'un dramatisme sous-jacent (cordes graves et trombones).

Le deuxième mouvement, « ce que me content les fleurs » insouciant, lyrique, enlevé, séduit par la délicatesse, le lyrisme et la souplesse de son phrasé où se distinguent cordes, petite harmonie et harpe, alors que le troisième mouvement, « ce que me content les bêtes » parait un peu déliquescent, ce bestiaire manquant cruellement d'ironie et de sarcasme, pénalisé de plus par un cor de postillon bien approximatif et hasardeux.  La contralto, se voit quant à elle sanctionnée par un tempo, encore une fois, exagérément lent dans son évocation de l'Homme au travers de son célèbre « Ô Mensch ! » ne retrouvant toute sa superbe (legato, profondeur du timbre) que dans son joyeux et impertinent dialogue avec les anges du chœur de femmes et d'enfants, sur le poème du Wunderhorn « Armer Kinder Bettlerlied » (« Bimm, Bamm »). Le bouleversant Adagio final conclut cette interprétation en beauté, poussant l'émotion à son comble par son intense spiritualité qui franchira tous les degrés de la verticalité dans une prière fervente portée par une mélodie d'une beauté ineffable (quatuor, hautbois, violon solo de Igor Yuzefovich) qui va progressivement se densifier en une coda tourmentée avant que d'atteindre à un majestueux crescendo scandé par les timbales signant l'ouverture des portes du Ciel et l'accession à la Lumière éternelle sur un long accord du tutti…Magnifique !

Crédit photographique : © Marco Borggreve

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Paris. Philharmonie. Grande Salle Pierre Boulez. 13-IX-2023. Gustav Mahler (1860-1911) : Symphonie n° 3 de Gustav Mahler en ré mineur. Christa Mayer, contralto. Chœur de l’Orchestre de Paris et Orchestre de Paris, direction : Semyon Bychkov

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