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Paris. Théâtre du Châtelet. 8-IX-2023. Flouz, un cirque financier, imaginé et porté par le metteur en scène Olivier Fredj. Œuvres et extraits d’œuvres de Philip Glass, John Cage, John Adams, Julius Eastman, Moondog, Daft Punk et les titres de Matias Aguayo. Comédiens : Alphonse, Nadir Chebila, Hosmane Chelgoui alias Haiss, Emma FC, Frédéric Guiri, Mara, Jacques Mazeran et Pazzo ; avec la participation sur scène des détenus du centre pénitentiaire de Meaux, du Samusocial et de l’Ephad Huguette Valsecchi de la ville de Paris ; acrobates formés par Abdel Senhadji de la Compagnie XY. Création lumières : Nathalie Perrier. Scénographie : Thomas Lauret ; Shani Diluka, conception musicale, piano ; Matias Aguayo, musique électronique ; Ensemble Intercontemporain, direction : Jérôme Comte
Le flouz, l'oseille, le fric, le pognon, le blé, la thune… Objet de toutes les interrogations, l'argent est au centre du débat dans Flouz, cirque financier d'Olivier Fredj, et au cœur des questions d'exclusion et de réclusion.
Deuxième volet d'une trilogie, le spectacle invite sur scène, aux côtés des comédiens, musiciens et acrobates professionnels, ceux qu'on laisse trop souvent à la marge et dont l'expérience de vie et la manière dont ils en parlent nous interpellent et nous bouleversent.
Devant le rideau noir qui masque la scène, durant le prologue, trône un distributeur de billets renommé B(lé)NP. Un piano s'entend au loin, celui de Shani Diluka, en charge de la partie musicale, tandis qu'arrivent des rangs du public les personnages en frac et haut de forme de Watch, premier volet du triptyque de la compagnie Paradox Palace accueilli en 2022 sur cette même scène du Châtelet. Ils viennent passer le témoin aux personnages de Flouz, détenus de prison, résidents du Samusocial et d'un Ehpad, qui ont collaboré à l'écriture de la pièce ; avec le rideau noir qui se lève, se révèle le décor, celui de l'intérieur de cette « machine à argent » : des structures métalliques de hauteurs différentes et de longs tubes blancs et flexibles aux fonctions multiples. Sur une des plateformes s'est installé le DJ Matias Aguayo dont la musique électronique va relayer celle de la pianiste. Arriveront sur scène, un peu plus tard, les neuf musiciens de l'Ensemble Intercontemporain dirigés par un de leurs collègues, le clarinettiste Jérôme Comte.
Le spectacle déroule ses thématiques (la santé, la religion, les riches, la manche, les impôts, etc.). Les titres se lisent sur l'écran où s'affichent également, et durant toute la durée de la performance, des prix comme autant d'échos à la vie chère. S'enchaînent alors les récits de chacun, narration en prose ou poèmes slamés, rimés et parfois chantés (issus d'un travail en amont dans les ateliers d'écriture) d'une société d'exclus (SDF, mendiants, migrants, isolés, incarcérés, exploités…). Ils nous parlent de leurs galères, usant parfois de métaphores qui mettent à distance le pathos, cherchant au contraire la complicité du public qu'ils parviennent même à faire rire ! « Il y a dans les invisibles de la société une théâtralité qu'aucun acteur professionnel ne peut porter sur scène », nous dit Olivier Fredj : la diction n'est pas parfaite et le par cœur parfois fragile, mais le ton et l'enthousiasme sont toujours convaincants.
Pour mener tout ce petit monde et ménager la fluidité de la représentation, William Wallet (fringant Nadir Chebila qui a écrit ses propres textes), en frac blanc à rayures, est le Monsieur loyal de la soirée, modérateur des esprits en révolte, qui doit galvaniser son auditoire avec des propos censés être rassurants et consensuels : « Les enfants, à chaque doute que vous vivrez, demandez-vous toujours, rappelez-vous sans fin ; d'où vient l'argent ? ». À ses côtés circule son chien Ploutos (le dieu du fric) avec l'ourson Pactole qui voyage souvent dans sa gueule.
Le Steinway de Shani Diluka est installé à jardin sur une plate-forme mobile qui sera par deux fois poussée au centre de la scène où la pianiste est souveraine ; à charge, pour elle aussi, de conduire le spectacle, épaulée par les solistes de l'Intercontemporain et en lien avec le DJ Matias Aguayo et ses platines de mixage : « La musique que j'ai sélectionnée reflète celle qui rythme le monde […] comme une sorte de métronome organique qui nous rappelle le rapport aliénant du temps à l'argent », écrit-elle dans sa note d'intention. De Philip Glass à Julius Eastman, de Daft Punk à John Cage et Moondog, c'est la musique des minimalistes américains et sa pulsation dynamisante qui résonne et sert de fil rouge à la narration, entendue le plus souvent en polyphonie avec les voix des comédiens ; doucement mélancolique, Bird's Lament de Moondog, qui débute la représentation, prend des allures de refrain, revenant plus d'une fois sous les doigts de la pianiste tandis que Tirol Concerto de Philip Glass, joué par les musiciens de l'EIC, contribue à l'un des climax sonores de la soirée. L'électronique de Matias Aguayo redessine l'espace d'écoute et se met au service de la dramaturgie, accompagnant de ses rythmes techno l'un des numéros – Le défilé des classes sociales – les plus drôles de la soirée.
Car il s'agit pour le metteur en scène Olivier Fredj de rester festif et joyeux, dans l'esprit du théâtre de rue, invitant également les acrobates et leurs pirouettes (Cie XY) qui relancent périodiquement le mouvement et créent une synergie au sein de la compagnie : la scène en partage et pas seulement pour ceux qui l'habitent mais pour l'ensemble du « cirque de la société ».
Crédit Photographique : © Théâtre du Châtelet
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Paris. Théâtre du Châtelet. 8-IX-2023. Flouz, un cirque financier, imaginé et porté par le metteur en scène Olivier Fredj. Œuvres et extraits d’œuvres de Philip Glass, John Cage, John Adams, Julius Eastman, Moondog, Daft Punk et les titres de Matias Aguayo. Comédiens : Alphonse, Nadir Chebila, Hosmane Chelgoui alias Haiss, Emma FC, Frédéric Guiri, Mara, Jacques Mazeran et Pazzo ; avec la participation sur scène des détenus du centre pénitentiaire de Meaux, du Samusocial et de l’Ephad Huguette Valsecchi de la ville de Paris ; acrobates formés par Abdel Senhadji de la Compagnie XY. Création lumières : Nathalie Perrier. Scénographie : Thomas Lauret ; Shani Diluka, conception musicale, piano ; Matias Aguayo, musique électronique ; Ensemble Intercontemporain, direction : Jérôme Comte