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Rachmaninov et Scriabine par Kotaro Fukuma : une virtuosité chantée

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Alexandre Scriabine (1872-1915) : Pièce op. 2 n° 1 ; Étude op. 8 n° 12 ; Sonate-Fantaisie WoO 6 ; Sonate n° 2 op. 19 ; Pièce pour la main gauche op. 9 n° 2 ; Fantaisie op. 28. Sergueï Rachmaninov (1873-1943) : Morceaux de fantaisie op. 3 ; Sonate n° 2 op. 36. Kotaro Fukuma, piano. 1 CD Naxos. Enregistré au Community Center de Lake Sagami-Ko de Kanagawa, au Japon, en octobre 2022. Notice de présentation en anglais et japonais. Durée : 60:22

 

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associe des œuvres de Scriabine et de Rachmaninov, placées sous le thème de la “fantaisie”. Le jeu racé de l'interprète nous convie à un voyage des plus subtils dans ces univers du romantisme finissant.

Au fil du temps et de ses albums, approfondit une voix pianistique sans se figer dans un répertoire. Il aborde tour à tour la musique française, espagnole et slave avec la nonchalance… rigoureuse qui le caractérise, jonglant entre le classicisme de Beethoven et, aujourd'hui, le romantisme flamboyant de Scriabine et Rachmaninov. A chaque fois, il joue “juste”. De ce langage, de ce toucher, il émerge une sensation peu commune, alliant agilité – peaufinée avec les transcriptions si véloces et éthérées du musicien – et une forme d'élégance dans l'élasticité et la clarté des phrasés.

La rare Sonate-fantaisie en sol dièse mineur de 1886 – à ne pas confondre avec la Sonate-Fantaisie op. 19 (Sonate n° 2) – est une charmante pièce de genre dans laquelle les parfums sont contrariés par un rythme classique qui emprunte tout autant aux mondes de Beethoven que de Chopin. ne force jamais le son, prenant tout son temps également dans la fameuse Etude “Pathétique”, la pièce la plus proche, dans le catalogue de Scriabine, de l'écriture de Rachmaninov. Il privilégie la plus grande lisibilité des voix intermédiaires si souvent noyées par le lyrisme de la main droite et des basses orgueilleuses. Dans la Sonate n° 2 de Scriabine, l'esprit fantasque est des plus ordonnés, l'abandon et le vertige de la bourrasque conclusive maîtrisés. L'interprète préfère jouer des miroitements du chaos qu'en subir la transpiration.

Glisser d'un Nocturne pour la main gauche d'une immobilité quasi contemplative à la tempête de la Fantaisie op. 28 est audacieux, mais fonctionne au disque. Ce prodigieux jaillissement laisse scintiller une mélodie d'une si grande beauté en haut des vagues d'une mer démontée. Kotaro Fukuma ne lâche jamais prise et concentre son attention sur le moindre détail. L'interprétation ordonne davantage le mouvement d'une sonate imaginaire, qu'elle se laisse séduire par le souffle du poème symphonique, celui d'un Roberto Szidon (DG) dont la lecture demeure la plus exaltée de la discographie.

Le choix des Morceaux de Fantaisie de Rachmaninov, pièces de jeunesse nées de la plume d'un étudiant tout juste sorti du Conservatoire de Moscou possèdent, sous les doigts de Kotaro Fukuma, quelque chose du Wanderer schubertien. Les élans lyriques et la nostalgie un brin suranné de l'écriture évitent, heureusement, une lecture, la “main sur le cœur”. Avec une interprétation autant travaillée sur le son, on croirait presque que ces partitions possèdent une véritable unité, ce qui n'est pas le cas. Admirablement dosé, l'inusable Prélude en ut dièse mineur se souvient sans emphase de Boris Godounov. La Mélodie en mi majeur, insauvable la plupart du temps tient la route, tout comme le gracieux Polichinelle qui n'en finit plus de songer à Liszt. Sans oublier la Sérénade, sorte de fantasme d'une Espagne importée en territoire slave. Kotaro Fukuma qui sait son Iberia, y fait preuve d'un détachement non dénué d'humour.

La Sonate n° 2 de Rachmaninov – dans la version révisée de 1931 – conclut l'album. Là encore, à la clarté de la réalisation se superpose le sens de la phrase longue, d'une méditation qui ne sombre sous les coups d'une énergie orgueilleuse. La construction est impeccable, bâtie en vagues successives, sans rupture de tensions. Les couleurs y seraient presque ravéliennes. Rien ne permet de céder au panache à bon marché. L'interprète est venu chanter et non combattre le clavier, prenant de grands risques non point tant dans le finale – les doigts assurent – mais dans le mouvement central gorgé de suaves dissonances. Le jeu ample respire et met à jour la mécanique d'une harmonie complexe. Le finale, précisément, sans le tumulte bruyant trop souvent servi, laisse venir l'apothéose et naître la griserie. Elles ne cachent pas l'objet de cette musique qui n'est autre que l'expression du chant. Un nouveau très beau disque de Kotaro Fukuma.

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Alexandre Scriabine (1872-1915) : Pièce op. 2 n° 1 ; Étude op. 8 n° 12 ; Sonate-Fantaisie WoO 6 ; Sonate n° 2 op. 19 ; Pièce pour la main gauche op. 9 n° 2 ; Fantaisie op. 28. Sergueï Rachmaninov (1873-1943) : Morceaux de fantaisie op. 3 ; Sonate n° 2 op. 36. Kotaro Fukuma, piano. 1 CD Naxos. Enregistré au Community Center de Lake Sagami-Ko de Kanagawa, au Japon, en octobre 2022. Notice de présentation en anglais et japonais. Durée : 60:22

 
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