Mehta et Rattle dirigent les Symphonies n° 2 et 9 de Mahler au Festival Enescu
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Bucarest. Enescu Festival ; Grand Palace Hall.
29-VIII-2023. Georges Enesco (1881-1955) : Œdipe ; Prélude. Gustav Mahler (1860-1911) : Symphonie n°2 en do mineur « Auferstehung ». Christiane Karg, soprano ; Michèle Losier, contralto. Coro del Maggio Musicale Fiorentino (Chef de Chœur : Lorenzo Fratini). Orchestra del Maggio Musicale Fiorentino, direction : Zubin Mehta
30-VIII-2023. Gustav Mahler : Symphonie n°9 en ré majeur. London Symphony Orchestra, direction : Sir Simon Rattle
Au lendemain d'un superbe Otello, Zubin Mehta revient à la Symphonie n° 2 de Mahler, après en avoir réalisé un enregistrement de référence il y a presque cinquante ans, tandis que Simon Rattle fait le jour suivant ses adieux de directeur du LSO avec la Symphonie n° 9 du même compositeur.
Programmé tous les deux ans, le Festival George Enescu de Bucarest s'impose depuis quelques éditions comme l'une des plus importantes manifestations de musique classique au monde. Regroupé sur un mois, il permet d'y entendre les plus grandes formations et les plus grands chefs, comme ces 29 et 30 août où Zubin Mehta puis Simon Rattle ont livré chacun leur interprétation de deux grandes symphonies mahlériennes.
Faisant référence dans l'œuvre par sa version choc de 1975 avec les Wiener Philharmoniker, Zubin Mehta n'a jamais arrêté de diriger la Résurrection, qu'il aborde aujourd'hui encore sans partition. Avec les forces du Maggio Musicale Fiorentino, il entre dans l'Allegro maestoso sans marquer trop les attaques, mais avec tout de même une vraie robustesse, agençant parfaitement tous les groupes de cordes entre eux pour mettre particulièrement en avant les violoncelles et les altos. Dynamique, bien que comme la veille très mesuré dans la gestuelle, le chef qui ouvrait auparavant le concert avec le court Prélude d'Œdipe d'Enesco utilise pour Mahler toute la rondeur des cordes, tout en profitant de la clarté des bois et de la brillance des cuivres de la formation.
L'Andante moderato, plus allant met encore en exergue la petite harmonie, notamment la clarinette solo, tandis que le Scherzo se caractérise plus par la volupté recherchée dans les cordes et les bois que par la rupture liminaire aux percussions. Le percussionniste joue au demeurant toujours un peu trop fort pour s'intégrer parfaitement dans le matériau symphonique. Avec l'Urlicht, entendu quelques heures plus tôt par le baryton Matthias Goerne lors d'un autre concert, la mezzo-soprano canadienne Michèle Losier propose le texte du Knaben Wunderhorn en appuyant beaucoup les mots, peut-être un peu trop pour en délivrer toute l'émotion, pourtant bien présente grâce aux trompettes, hautbois et premier violon.
Juste avant ce mouvement, Mehta avait pris le temps de marquer une vraie pause, qu'il réitère avant de lancer les forces dans le finale, fracassant et parfaitement maîtrisé dans les tonalités des cuivres et dans l'accroche des cordes graves. La harpe s'y démarque également rapidement, avant que la fanfare ressorte de la coulisse droite de la scène, puis que le chef libère à nouveau toute la puissance de l'orchestre dans de grands fracas parfaitement tenus. Le chœur florentin peut alors débuter a cappella tout en douceur, de même que la soprano Christiane Karg, d'abord presque inaudible, puis de plus en plus présente par sa ligne de chant d'une grande pureté. Dans les dernières minutes, tous développent avec puissance les cataclysmes de la résurrection, jusqu'à une coda enflammée.
Le soir suivant, le London Symphony Orchestra entre dans le Grand Palace de Bucarest devant plus de trois mille auditeurs, Simon Rattle ayant auparavant lui-même fait partie du public de l'Athenaeum pour assister au concert du Philharmonique Tchèque et de son confrère Manfred Honeck. Avec cette tournée d'adieux passée auparavant par Berlin, le chef britannique quitte son poste de directeur musical après six années passées à la tête de l'ensemble londonien et propose pour l'occasion une œuvre d'adieu par essence : la Symphonie n° 9 de Mahler.
Souvent interprétée et enregistrée par Rattle, cette œuvre ultime trouve à présent une vision très mature du chef, qui abandonne maintenant tout rubato pour livrer cette partition sans la moindre affèterie, laissant une large place aux cordes dès l'Andante comodo. Chaude et pleine d'affectivité, la lecture du chef, qui n'a jamais changé ses tempi depuis son enregistrement de Birmingham, semble avoir muri, sans pour autant en rechercher un caractère funèbre. Dénuée de tout pathos exagéré, la direction semble ici allégée pour faire ressortir au mieux toutes les parties et profite à plein de la maîtrise du chef face à un orchestre qu'il connaît et qui le connaît parfaitement. Apaisée, la coda du premier mouvement est lancée par la magnifique flûte solo et fait ressortir les splendeurs de toute la petite harmonie.
Après plus de trente secondes de pause, le Ländlers met en avant les bassons puis se développe sans vouloir frapper par ses ruptures ni son grinçant. Loin des cataclysmes de Klemperer ou Karajan, l'approche reste plutôt terrienne avec cette danse champêtre qui permet encore de ressentir les joies de la vie. Même les attaques des cordes au Tempo II ne se veulent jamais trop nerveuses, de même qu'au Rondo-Burleske, dans lequel la justesse des trompettes dynamise un matériau symphonique dont Rattle laisse superbement ressortir le magnifique premier violon et la première alto, avant d'achever fortississimo au risque de mettre en difficulté une partie des bois et de déséquilibrer le triangle et le glockenspiel.
Une dernière pause permet de reconcentrer l'orchestre pour l'Adagio final, traité à l'habitude du chef avec un peu trop de cordes au début, puis magnifié par le cor solo et par les cris des premiers violons, là encore portés par le premier d'entre eux. Reposée, la coda prend le temps de s'étendre jusqu'à l'extinction, avec une mélancolie perceptible, mais sans tristesse.
Crédits photographiques : © Andrada Pavel
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30-VIII-2023. Gustav Mahler : Symphonie n°9 en ré majeur. London Symphony Orchestra, direction : Sir Simon Rattle