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La Côte-Saint-André. Musée Hector Berlioz. Exposition « Enfer & damnation ! ». Jusqu’au 31 décembre 2023. En collaboration avec AIDA-Festival Berlioz. Bruno Messina, directeur artistique du musée. Antoine Troncy : Responsable du musée, chargé des collections
Toujours en lien avec le thème du festival Berlioz – cette année il s'agit des mythes – le musée Hector-Berlioz de la Côte-Saint-André abrite jusqu'à la fin de l'année 2023 son exposition temporaire, « Enfer et damnation ! », consacrée au personnage de Faust et à l'illustre légende dramatique berliozienne.
Le dimanche 7 juillet 1935 fut inauguré le musée Hector-Berlioz dans la maison natale du compositeur. Pour fêter l'évènement, on donna La Damnation de Faust sous les halles de la ville. A-t-on oublié ou ignoré que l'ouvrage devenu sans doute le plus populaire de Berlioz (avec sa Symphonie Fantastique) avait été de cette manière si étroitement lié à la création de ce musée ? Bruno Messina, directeur artistique du musée et du festival, et Antoine Troncy, responsable du musée, s'emploient à nous le rappeler au cœur de cette exposition qui rassemble documents provenant de diverses sources : fonds du musée, de la BnF, ou collections privées. Comme cette affichette du concert en question, qui en précisant le nombre d'exécutants – 200 – atteste de l'importance de l'évènement.
Trois salles à rez-de-jardin rythment le parcours du visiteur. La première présente l'origine du mythe de Faust, qui remonterait au XVIᵉ siècle, et sa découverte par Berlioz après que Goethe s'en soit emparé. Dans une première vitrine, on découvre plusieurs traductions françaises de l'ouvrage de Goethe édité en 1808, comme celles de Jacobus Rodleinmann (1882) et d'Henri Blaze de Bury (1847), mais surtout celle de Gérard de Nerval dont la lecture de sa première édition (1828) impressionna « étrangement et profondément » Berlioz, ainsi l'écrit-il dans ses Mémoires. Elle renferme aussi une lettre du compositeur à son père où il relate sa première rencontre avec le poète. Sur les murs, les lithographies d'Eugène Delacroix illustrant l'édition de Charles Motte représentent les différentes scènes du récit, les costumes des personnages le situant à l'époque Renaissance. Au fond de la salle une reproduction agrandie de la toile de Joseph Thierry montre la « Chevauchée de Faust et de Méphistophélès devant le gibet de Montfaucon ».
Berlioz, à ce point fasciné qu'il ne se sépara plus de l'ouvrage, le mit en musique, composant d'abord ses Huit scènes de Faust, premier jet de ce qui deviendra la Damnation de Faust près de vingt ans plus tard. La genèse de l'œuvre est retracée dans la deuxième salle d'exposition : depuis les huit épisodes piochés dans le poème, l'ouvrage prend une autre tournure : envisagé d'abord « opéra de concert », il devient « légende dramatique », rassemblant dix tableaux qui s'enchaînent sans obéir à un genre défini.
Berlioz compose avec facilité, la partition terminée à Paris s'étoffant au fil de ses voyages en Autriche, en Hongrie, en Bohème…On découvre des extraits de partitions autographes qui témoignent de ces évolutions, notamment l'un de sa fameuse Marche Hongroise qui contribuera au succès de l'œuvre en Europe centrale, tandis que celle-ci sera longtemps dénigrée en France après sa création à l'Opéra Comique en 1846. Si nul n'est prophète en son pays, l'engouement viendra bien après, en particulier grâce à Édouard Colonne qui en dirigera près de cent-cinquante représentations : affiches et programmes de concerts, gravure le représentant devant son orchestre, lithographie allégorique d'Hector Dumas pour sa centième exécution, figurant le spectre de Berlioz remerciant le chef, billet de concert, et même très belles vignettes chromolithographiques à collectionner offertes par la marque Liebig ! Autant de documents émouvants et précieux qui nous font aussi retrouver les grands interprètes du passé : Berthe Auguez de Montalant qui créa le rôle de Marguerite à l'Odéon, et surtout Ninon Vallin et Charles Panzera.
A la fin du XIXᵉ siècle s'opère un tournant : on cède à la tentation de la mise en scène, et c'est Raoul Gunsbourg, directeur de l'Opéra de Monte-Carlo qui le premier s'y adonne. On crée des décors – ceux d'Alfonse Visconti sont présentés ici sous forme de planches aquarellées et d'une maquette – des costumes, on ajoute des lumières et des effets spéciaux grâce à l'usage nouveau de l'électricité, on écrit des livrets de mise en scène… On édite aussi des cartes postales des représentations pour un public de plus en plus friand de visuel, alors que la photographie se popularise. Dans cette troisième et dernière salle, sont exposés ces éléments, sauf les costumes dont on peut regretter l'absence (mais l'un devrait arriver bientôt). Chaque image présentée est accompagnée d'un extrait sonore que l'on peut écouter grâce à un audio-guide, puisé dans la version historique de l'Orchestre des Concerts Lamoureux dirigé par Igor Markevitch (Deutsche Grammophon 1958). Une projection d'un extrait de représentation à Salzbourg, encadrée de la silhouette de Maurice Renaud et de celle plus récente de Samuel Ramey en Méphistophélès, nous enseigne que la version scénique de La Damnation de Faust a encore de beaux jours devant elle, bien qu'elle n'ait pas été envisagée par son auteur. Et pour clore le parcours, une petite madeleine berliozienne et cinématographique est offerte : la savoureuse et impressionnante prestation de Louis de Funès dirigeant la Marche Hongroise (Marche de Rokóczi) dans le film La Grande vadrouille de Gérard Oury : une scène culte !
Crédits photographiques : © Jany Campello/ResMusica
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