Trois soirées aux Musicales de Blanchardeau
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Pléguien. Eglise Notre-Dame de la Soumission. 7-VIII-2023. Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Sonate « La Tempête » op. 31 n°2. Claude Debussy (1862-1918) : Ondine ; Ce qu’a vu le vent d’ouest ; Minstrels. Béla Bartok (1881-1945) : Mikrokosmos n°138, 113, 153, 69, 146. Robert Schumann (1810-1856) : Etudes symphonique op. 13. Avec : Claire Désert, piano
9-VIII-2023. Johannes Brahms (1833-1897) : Quatuor n°2 op. 51. Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Quatuor Razumovsky op.59 n°1. Avec : Quatuor Hermès (Omer Bouchez/Elise Liu, violons ; Yung-Hsin Lou Chang, alto ; Yan Levionnois, violoncelle)
11-VIII-2023. Franz Schubert (1897-1828) : Trio à cordes D. 471. Jean Françaix (1912-1997) : Trio. Wolfgang Amadeus Mozart (1756- 1791) : Divertimento K. 563. Avec : Trio Arnold (Schuichi Okada, violon ; Manuel Vioque-Judde, alto ; Bumjun Kim, violoncelle)
Loin de la foule enchaînée aux grands festivals estivaux, Les Musicales de Blanchardeau continuent d'arpenter les sentiers bretons de la musique chambriste haut de gamme.
Blanchardeau innove cette année : six concerts au lieu de cinq, donnés sans entracte, tous précédés d'un prologue d'une heure dont l'ambition est de donner voix aux musiciens de demain, glanés d'École de Musique en Conservatoire. Festivaliers et passants, auxquels était également proposée une petite restauration, ont pu ainsi entendre un jeune pianiste, un trio, du jazz, et même un compositeur,… avant de s'adonner aux délices des classiques immarcescibles de la musique de chambre.
Claire Désert, une grande dame du piano
Bien qu'ayant dû composer toute la soirée avec un rhume contracté au cœur de l'étrange été 2023, entre touffeur et glaciation, Claire Désert sera sortie la tête haute du combat avec l'ange auquel l'auront successivement confrontée le classicisme beethovénien (une Tempête toute de délié allant et chantant), la révolution Debussy (Ondine, Ce qu'a vu le vent d'ouest, Minstrels : trois des vingt-quatre Préludes, finalement plus descriptifs, surtout sous les doigts de la pianiste, qu'envisagés par le compositeur français, plus soucieux de couleurs et d'atmosphères que de narration), la rigueur Bartók (même quand, comme on peut s'en rendre compte dans les cinq des 153 pièces de son Mikrokosmos élues par Claire Désert, la musique populaire est invitée à infiltrer la musique savante) et enfin le tourment schumannien. C'est dans les Études symphoniques, grand œuvre pianistique de trente bonnes minutes composé par Schumann en 1837 (révisé en 1852) en plein émoi amoureux (il y eut une vie avant Clara : Ernestine) à partir d'un thème de son possible futur beau-père d'alors, que Désert, malgré le rhume à son acmé (elle est obligée de d'interrompre l'arc narratif qu'elle avait savamment tendu variation après variation), semble à son meilleur. Jouant par cœur depuis le début de la soirée, donnant une constante lisibilité aux sautes d'humeur du compositeur, déjà décelables dans cette œuvre juvénile, Claire Désert est une fois encore la passeuse attentive de ces Études symphoniques qu'elle a déjà enregistrées. En bis certain Nocturne en do mineur vient rappeler à point nommé combien Schumann devait à ce confrère né la même année que lui, et qu'il admirait tant : Chopin.
Le Quatuor Hermès, messager des géants
Quinze ans d'âge déjà pour le Quatuor Hermès : on serait tenté de parler déjà de maturité après le défi brillamment relevé de l'invite faite à deux géants de la musique de chambre. En messagers de l'au-delà, les Hermès ressuscitent d'abord la synergie complexe du Quatuor n° 2 de Brahms, deuxième de trois rescapés parmi les vingt que le compositeur avait composés avant de se décider à publier. Autour du premier violon d'Omer Bouchez, jamais agressif, l'osmose manifeste de l'Andante moderato, la dentelle du Quasi minuetto font mouche.
Si Brahms doutait, Yan Levionnois rappelle combien Beethoven, déjà sûr de son fait (« Qu'ai-je à faire de vos minables archets quand l'esprit me parle »), savait qu'il travaillait « pour les temps futurs » plus que pour les instrumentistes de son temps dépassés par ses Razumowsky: de cette « musique de cinglé » les Hermès tirent un Allegro d'une chaleur infinie, un Adagio déchirant, tout en suspension, un Allegro final centré autour d'un magnifique échange de pizzicati.
Et enfin, pour tous ceux qui redoutent, Présidence des Musicales comprise, que la musique contemporaine puisse faire sourciller un public patiemment éduqué, dès l'An I du festival (1982), au bon goût et à l'hypnose mélodique des grands classiques, les Hermès se lancent dans une des douze pièces du Voyage en Italie du sicilien Giovanni Sollima : Federico II. Un irrésistible bloc rythmique de huit minutes. Entre rock et musique celtique. Un triomphe, au final !
Le Trio Arnold, l'étoffe des grands
Fondé en 2018, le Trio à cordes Arnold réunit ponctuellement trois jeunes solistes jouant déjà sur les grandes scènes de la planète. Le répertoire du trio à cordes n'est pas vraiment un vivier à tubes, comme le prouve une fois encore le programme des Arnold. Schubert en a composé trois : un de deux lignes (D 111), un en un mouvement (D 471) et un complet (D 581). Sur la carte de visite du D 471, on prend immédiatement connaissance de l'aisance des trois musiciens. Souriant, et pour tout dire mozartien en diable, ce bref mouvement professe l'admiration du jeune Schubert à l'endroit du génie de Salzbourg.
Bien qu'âgé de pile 90 ans, le Trio du Français Jean Françaix est une découverte pour tous. Quinze minutes principalement facétieuses, voire blagueuses, d'une bonne humeur à peine voilée par leur Andante, par la dissonance calculée au cœur de leur Rondo-Vivo. Le Trio, raconte Manuel Vioque-Judde, connut un tel succès qu'on l'exécuta 500 fois l'année de sa création.
S'ensuit le gros morceau (50 minutes) du Divertimento K. 563 de Mozart. Une œuvre de commande mais aussi une aubaine pour le compositeur qui fit, dans le cadre relativement nouveau du genre, éclater le cadre de la musique de pur divertissement. L'œuvre, habile, reste lumineuse et sans histoire, malgré le suc mélancolique d'un Adagio délicatement pressé par le violon de Schuichi Okada, et un bref passage nuageux sur une des variations de l'Andante.
L'art des Arnold se caractérise par un savant dosage des entrelacs, une volonté de parité entre leur voix respectives et, contre toute attente, la visée d'une certaine ampleur symphonique, ainsi qu'entérinée par le bis : l'auditeur est suspendu à cette pièce lentissime qu'il serait prêt à attribuer à Charles Ives. Erreur : revoici l'Andante du Trio de Françaix, que les Arnold, militants et pédagogiques, ont malicieusement décidé de redonner à la barbe de leur auditoire, mais cette fois littéralement méconnaissable sans la sourdine prévue par le compositeur !
Crédits photographiques © Charles le Nouail
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Pléguien. Eglise Notre-Dame de la Soumission. 7-VIII-2023. Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Sonate « La Tempête » op. 31 n°2. Claude Debussy (1862-1918) : Ondine ; Ce qu’a vu le vent d’ouest ; Minstrels. Béla Bartok (1881-1945) : Mikrokosmos n°138, 113, 153, 69, 146. Robert Schumann (1810-1856) : Etudes symphonique op. 13. Avec : Claire Désert, piano
9-VIII-2023. Johannes Brahms (1833-1897) : Quatuor n°2 op. 51. Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Quatuor Razumovsky op.59 n°1. Avec : Quatuor Hermès (Omer Bouchez/Elise Liu, violons ; Yung-Hsin Lou Chang, alto ; Yan Levionnois, violoncelle)
11-VIII-2023. Franz Schubert (1897-1828) : Trio à cordes D. 471. Jean Françaix (1912-1997) : Trio. Wolfgang Amadeus Mozart (1756- 1791) : Divertimento K. 563. Avec : Trio Arnold (Schuichi Okada, violon ; Manuel Vioque-Judde, alto ; Bumjun Kim, violoncelle)