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Festival Pablo Casals : dans l’esprit du maître des lieux

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Prades. Festival Pablo Casals du 3 au 5-VII-2023
3-VII : Abbaye Saint-Michel de Cuxa : Jean-Sébastien Bach (1685-1750) : Concertos pour violon et orchestre en la mineur BWV 1041 et en mi majeur BWV 1042 ; Concerto pour 2 violons et orchestre en ré mineur ; Concerto pour 3 violons et orchestre en ré majeur BWV 1064R. Orchestre de l’Opéra Royal de Versailles ; Leonor de Lera et Ludmila Piestrak, solistes ; Théotime Langlois de Swarte, direction et violon solo
4-VII : Église de Mosset : Oeuvres de Beethoven et Reicha : Asako Imori, violon ; Vlad Osadchiy, alto ; Cyprien Keiser, violoncelle ; Mariam Mnatsakanyan, violon ; Madeleine Athané-Best, violon ; Maria Panchunk, alto ; Cyprien Lengagne, violoncelle ; Hervé Joulain, cor
5-VII :
11h: Église de Corneilla de Conflent : Oeuvres de Rossini et Enesco. Jorge Gimenez, violoncelle ; Ivy Wong, contrebasse ; Eugène Tzikindelean, Camille Aubrée, Ivan Orlin Ariza, Joachim Bouillier, violons ; Gatien Leray, Dana Zemtsov, altos, Alec Fuduka et Cyprien Keiser, violoncelles.
21h : Abbaye Saint-Michel de Cuxa : Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Sonate n°3 pour violoncelle et piano ; Robert Schumann (1810-1856) : Adagio et Allegro op.70 ; Anton Webern (1883-1945) : Drei kleine Stücke op.11 ; Johannes Brahms (1833-1897) : Sonate n°2 en fa majeur, op.99 pour violoncelle et piano. Daniel Müller-Schott, violoncelle ; Nathalia Milstein, piano.

Avec la musique de Bach et la présence du violoncelle sur toute la durée du Festival , c'est l'esprit du maître des lieux qui plane sur cette troisième édition concoctée par qui honore les cinquante ans de la mort du violoncelliste catalan.

Soliste invité de l'Orchestre de l'Opéra Royal de Versailles, le violoniste tient le devant de la scène à l'Abbaye Saint-Michel de Cuxa pour une soirée Bach où quatre concertos du Cantor, pour un, deux et trois violons, sont au programme. Enfant du pays, issu d'une famille de musiciens, le violoniste baroque aujourd'hui très plébiscité s'est formé au Conservatoire régional de Perpignan, commençant tôt l'apprentissage du répertoire baroque qu'il poursuit à Toulouse avant de se perfectionner au Conservatoire Supérieur de Paris dans la classe de Michaël Hentz.

Le concert est sans entracte, qui passe d'un concerto à l'autre (et d'une ambiance colorée à une autre) via d'habiles transitions et autant de manières de préluder agréablement, mettant notamment en valeur les instruments du continuo (théorbe, violoncelle et clavecin) entendus séparément. arrive quant à lui du fond de la nef, archet actif et force bariolages (Fantasia de ) avant de jouer un choral de Bach (Auf meinen lieben Gott), invitant progressivement tous les pupitres de l'orchestre à le rejoindre : l'échauffement est salutaire avant de démarrer tous ensemble et dans l'élan (le soliste « colla parte ») le Concerto pour violon et orchestre en la mineur, BWV 1042. La lumière est intense, le tempo vivacissimo et l'archet du soliste dans l'envol. On admire l'aisance et le naturel du geste du violoniste, la sonorité rayonnante (celle de son Steiner de 1675) et la clarté virtuose de son jeu. La ligne mélodique est merveilleusement conduite dans le mouvement lent ; la sonorité chaude et soyeuse du soliste est nourrie par un léger vibrato qui ajoute un rien de moelleux à la qualité du boyau. Le troisième mouvement est emmené dans la décontraction et l'élégance du geste du violoniste, en synergie avec un orchestre rompu à ce répertoire.

Tous les détails du contrepoint ressortent dans le Concerto en mi majeur, moins aérien mais tout aussi gorgé d'énergie, avec ce courant qui passe entre le soliste et l'orchestre. sait calmer le jeu durant ses courtes cadences où il maintient l'écoute suspendue au devenir de son archet félin. Le mouvement lent en mineur est sublime, qui fait apprécier l'articulation d'une ligne qu'il cisèle avec art. Le dernier mouvement est pure virtuosité, un poil trop vite peut-être de la part du soliste pour être parfaitement calé avec l'orchestre.

Le violoniste profite du temps de l'accord (la corde en boyau est sensible à l'hygrométrie du lieu) pour s'adresser au public (et même le faire rire !) avant le Concerto pour deux violons en ré mineur qui convie à ses côtés la violoniste madrilène , fondatrice et directrice de l'ensemble L'Estro d'Orfeo. C'est le théorbe qui prélude cette fois, laissant résonner ses basses profondes avant que ne débute ce joyau de l'art concertant. Le premier mouvement est pris à une allure folle, Théotime Langlois de Swarte mettant au défi sa partenaire. On préfère le mouvement lent, plus à même de délier les archets et de faire entendre les solistes en écho, qui osent des pianissimi aux marges du silence. Le final est éblouissant de lumière et de virtuosité partagées.

Placé en bord de scène et projetant le son vers l'orchestre, le clavecin ne s'entend pas véritablement. Aussi la claveciniste, tournant le dos au public, est-elle, à son tour, invitée à préluder avec quelques mesures de la Toccata 915 en sol mineur avant que le violoniste, dans la même tonalité, n'ornemente avec grâce le largo du Concerto pour hautbois que le Cantor de Leipzig a transcrit pour le violon ; avant de nous ramener par quelques détours astucieux au Ré majeur du Concerto pour trois violons BWV 1064R qui sollicite la présence de la troisième soliste de la soirée, . Il s'agit de la transcription du Concerto pour trois clavecins de Vivaldi, une musique à laquelle Bach s'est beaucoup abreuvé. Le tempo du premier mouvement est plus sage, qui permet au contrepoint de se déployer dans sa richesse et son invention. Le mouvement lent offre aux solistes un espace à l'ornementation. La ligne chante et donne parfois la vedette au violoncelle. La tenue de l'orchestre est exemplaire et les cadences des solistes quasi acrobatiques pour terminer la soirée dans l'éblouissement.

Mais Théotime Langlois de Swarte (tout juste 27 ans) a concocté avec l'Orchestre de l'Opéra de Versailles très coopératif une sortie en beauté ; avec rien moins que trois bis. Après la célèbre badinerie de la Suite pour orchestre n°2 de Bach, il invite le public, et toujours dans la bonne humeur, à chanter le choral Jésus que ma joie demeure tiré de la célèbre cantate du Cantor avant de terminer par l'Été des Quatre saisons de Vivaldi avec un orchestre chauffé à blanc et un violon solo survolté.

Ombre et lumière avec

Plus sage et intimiste, toujours dans l'Abbaye Saint-Michel de Cuxa, le concert du surlendemain invite le violoncelliste allemand et la jeune pianiste (28 ans) Nathalia Milstein dans un programme 100% germanique issu du grand répertoire violoncellistique, n'étaient ces 32 mesures de l'op. 11 de Webern préludant à l'imposante Sonate n°2 de Brahms qui en balaie trop rapidement le souvenir.

Jouant un Goffriller de 1727 reposant sur une grande longueur de pique, aborde la Sonate n°3 pour violoncelle et piano de Beethoven avec une belle élégance, rejoint par le piano tout aussi éloquent de sa partenaire Nathalia Milstein. Le son est racé, richement timbré et d'une grande homogénéité, qui convient bien à cette sonate radieuse où les deux instruments complices échangent sans arrêt leurs rôles. Dans le scherzo, toujours très original chez Beethoven, il fait chanter le trio de manière presque brahmsienne. Le mouvement lent est mené avec finesse s'enchaînant à un final baigné d'une très belle lumière.

Le son du violoncelle dans Adagio et Allegro op.70 de Robert Schumann est plus incarné, l'interprète mettant en scène la schizophrénie schumanienne, entre sentiment survolté et vague dépressive. L'osmose des deux instruments est du plus bel effet. La qualité du son est encore autre dans les « haïkus » weberniens, filtrée et très pure pour ciseler le contour de ces trois miniatures où fusionne d'autant le jeu des deux instrumentistes.

La Sonate n°2 de Brahms en fa majeur (1886), écrite 24 ans après la première, est un chef d'œuvre de la maturité que les deux artistes prennent à bras le corps. Le premier mouvement fait apprécier l'assise et l'envergure sonore du piano ; tout comme cette lumière qui ressort de son jeu dans le mouvement lent, centre névralgique de la Sonate où le chant éperdu du violoncelle sonde les abîmes de l'âme. Le Scherzo est d'une solidité à toute épreuve sous l'archet du violoncelliste comme sous les doigts de la pianiste. Ils ne font qu'une bouchée d'un dernier mouvement aussi fluide que bien conduit.

De jeunes talents déjà confirmés

En lien avec de nombreuses institutions pédagogiques européennes, le festival, soucieux de transmission, sélectionne chaque année de jeunes musiciens encore en formation qui participent à l'Orchestre du Festival et se produisent sur scène lors des concerts en matinée (11h) donnés dans les hauts lieux de la Catalogne romane…

À l'église de Mosset d'abord, où deux compositeurs tiennent l'affiche, Beethoven et Reicha, nés dans la même année 1770. (violon), (alto) et (violoncelle), qui travaillent ensemble depuis quelques temps déjà, donnent une remarquable interprétation du Trio n°3 en sol majeur de Beethoven : équilibre et synergie des archets, assise rythmique, élégance de la ligne, attention au timbre. Le Scherzo très beethovénien fait merveille, rugueux et obsessionnel comme peut l'être la musique du maître de Bonn.

Mariam Mnatsakanyan et Madeleine Athané-Best (violon), Maria Panchunk, alto et Cyprien Lengagne (violoncelle) accueillent , cor solo de l'Orchestre national de France (qui encadre les jeunes cornistes de l'Orchestre du Festival) dans le Grand Quintette pour cor et quatuor à cordes op.106, une rareté en quatre mouvements du Pragois Antoine Reicha où le cor, mis en vedette, dialogue volontiers avec le premier violon. L'écriture est originale, qui ne manque pas d'intérêt, plein de rebondissements dans l'exécution vivante qu'en donne le quintette, l'œuvre s'achevant par un final quasi opératique.

Deux formations très atypiques s'invitent dans l'église romane de Corneilla de Conflent, joyau du patrimoine catalan située au pied du Canigou. Le violoncelliste est au côté de la contrebassiste Ivy Wong (musicienne de la Suisse romande) dans Le Duo de Gioachino Rossini, une pièce en trois mouvements traversée par la verve et le talent de mélodiste de l'Italien. Rafraîchissante et sans prétention, elle n'en met pas moins en valeur le très bel archet du jeune violoncelliste.

De toute autre envergure est l'Octuor op.7 du compositeur (également violoniste, pédagogue et chef d'orchestre) conduit de main de maître, depuis son violon, par le Roumain : à ses côtés, Camille Aubrée, Ivan Orlin Ariza, Joachim Bouillier (violon), Gatien Leray, Dana Zemtsov (alto), Alec Fuduka et (violoncelle), tous merveilleux musiciens donnant une version éblouissante de cette œuvre si exigeante et rarement jouée. Elle est écrite en 1900, un an après La nuit transfigurée d'Arnold Schönberg dont on ressent l'influence.

L'Octuor est en quatre mouvements, magistralement construit ; la musique est effusive et enflammée, avec des sommets d'intensité prodigieux. Enesco fait chanter tous les instruments, distribuant les thèmes aux altos comme aux violoncelles et animant le discours de contrepoints vivants. La pièce ménage de grandes ruptures dramatiques tout en laissant affleurer l'esprit de la musique populaire (fluctuation du tempo) et une manière d'improvisation sous l'archet du premier violon. Aucun relâchement n'est possible dans cette musique galvanisante qui nous tient captifs. Saluons l'engagement des huit musiciens dont le bonheur de participer à une telle aventure se lit sur chacun des visages.

Crédit photographique : © Festival

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21h : Abbaye Saint-Michel de Cuxa : Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Sonate n°3 pour violoncelle et piano ; Robert Schumann (1810-1856) : Adagio et Allegro op.70 ; Anton Webern (1883-1945) : Drei kleine Stücke op.11 ; Johannes Brahms (1833-1897) : Sonate n°2 en fa majeur, op.99 pour violoncelle et piano. Daniel Müller-Schott, violoncelle ; Nathalia Milstein, piano.

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