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Salzbourg. Haus für Mozart. 4-VIII-2023. Christoph Willibald Gluck (1714-1787) : Orfeo ed Euridice, version extraite de l’opéra Le feste d’Apollo. Mise en scène : Christof Loy ; décor : Johannes Leiacker ; costumes : Ursula Renzenbrink. Avec : Cecilia Bartoli (Orfeo), Mélissa Petit (Euridice), Madison Nonoa (Amore). Il Canto di Orfeo ; Les Musiciens du Prince ; direction : Gianluca Capuano
La mise en scène paresseuse de Christof Loy rend plus évidentes les difficultés de Cecilia Bartoli dans une version inhabituelle de l'œuvre.
Parme 1769 : Gluck adapte son Orfeo et Euridice viennois pour en faire un des actes d'un spectacle de fête, Le Feste d'Apollo, en un prologue et trois actes. Les deux autres actes ont été enregistrés en 2006 par Christophe Rousset ; cet Orphée nouvelle version reste inédit au disque. L'intérêt, pour Cecilia Bartoli, semble être que le rôle titre a été adapté pour un castrat soprano. Hélas, avec tout le respect dû à la carrière immense de cette musicienne d'exception, on déchante vite. L'émission est engorgée, perturbée par la surcharge expressive qu'elle tente d'associer à chaque note : la séduction mélodique qui fait tout le prix de la partition se retrouve constamment entravée. Il reste quelques beaux moments, quelques accents qui rappellent sa bouleversante Norma sur la même scène, mais les difficultés vocales sont trop patentes pour rendre justice à la partition. Ces limites rendent particulièrement vain le choix de tempo du lamento Che farò senza Euridice : une source française, dit le programme, note vivace con disperazione, mais la chanteuse peine trop visiblement à suivre ce choix pour nous permettre d'en apprécier la pertinence.
Le choix de cette version, mal justifié dans le programme, est d'autant moins compréhensible que le spectacle de Christof Loy ne respecte pas la partition : non seulement il y ajoute quelques danses issues d'autres versions plus habituelles, mais il retranche le lieto fine pour conclure le spectacle par une répétition du chœur initial déplorant la mort d'Eurydice. Sur les huit scènes du livret original, deux sont donc purement et simplement supprimées. Dans une œuvre à la dramaturgie déjà si fragile, c'est un massacre, que la mise en scène n'essaie à vrai dire pas vraiment de justifier. Christof Loy a choisi de centrer le spectacle sur Orphée comme chanteur : on ne sait pas trop ce qu'apporte cette mise en abyme, Cecilia Bartoli incarnant un chanteur qui incarne Orphée, dans le décor neutre d'une sorte de grand escalier lambrissé descendant jusqu'à la fosse d'orchestre. On veut bien y voir le reflet de l'âme d'Orphée, enfermé par la disparition d'Eurydice dans un monde étouffant et sans couleurs, mais ce qui ne devrait être qu'un point de départ n'est pas mis à profit pour dessiner une évolution, un chemin qui est pourtant au cœur de la dramaturgie de l'œuvre.
On se croirait revenu dans un spectacle de Pier Luigi Pizzi dans les années 1980, avec une direction d'acteurs qui est censée porter tout le message, mais ne dépasse pas la convention d'une mise en espace. Christof Loy avait réussi avec brio à faire vivre l'intrigue pourtant impossible d'Ariodante avec la même Bartoli sur la même scène ; on ne comprend pas ce que ce spectacle qui respire l'ennui de la première à la dernière image entend montrer. Le chœur entre avec les danseurs au début du spectacle, avec une lenteur pesante, et va s'asseoir sur les marches inférieures, où on l'oublie vite ; la chorégraphie signée par Loy lui-même est insignifiante au possible, et on ne peut pas s'empêcher de voir en même temps les images inoubliables de celle créée il y a un demi-siècle par Pina Bausch. Les exégètes ont pu, lors de la création du spectacle au festival de Pentecôte, donner les clefs du moindre détail de la direction d'acteurs de Loy : hélas, on n'en voit rien.
Le peu d'intérêt de la soirée est dans la fosse, où Gianluca Capuano et les Musiciens du Prince sont fidèles au poste pour servir la diva. Il y a une réelle poésie dans la retenue pudique des moments les plus doux, qui incite l'auditeur à tendre l'oreille pour écouter au plus près les délicatesses instrumentales de la partition, même si on se demande par moments s'il n'y a pas là aussi un peu d'affectation. Il faut cependant bien tendre l'oreille, puisque c'est là seulement que se niche l'émotion dans cette si courte et si interminable soirée.
Crédits photographiques : © SF/Monika Rittershaus
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