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L’orgue et le clavecin magnifiquement servis à La Roque d’Anthéron

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Aix-en-Provence, Festival de la Roque d’Anthéron. Eglise St Jean de Malte. 27-VII-2023. Œuvres de Henry Purcell (1659-1695), Georg Muffat (1653-1704), François Couperin (1668-1733), Johann Sebastian Bach (1685-1750). Olivier Houette, orgue.
La Roque d’Anthéron. Abbaye de Silvacane. 28-VII-2023. Jean-Henri d’Anglebert (1629-1691): suite en sol. Freddy Eichelberger, clavecin.

La musique baroque fait partie chaque année de la programmation du festival dirigé par René Martin, où une grande place est laissée au clavecin et, dans une moindre mesure, à l'orgue.

Il est de tradition à La Roque d'Anthéron d'accueillir deux récitals d'orgue : l'un sur l'orgue historique de Cucuron, l'autre sur l'orgue de l'église St Jean-de-Malte à Aix, d'esthétique néo-baroque. C'est , heureux titulaire du grand-orgue Clicquot de Poitiers, qui est cette année invité à jouer sur l'orgue Kern d'Aix. Depuis la tribune, il présente son programme dans un discours pédagogique très clair : il s'agit d'un parcours européen à travers des transcriptions qui illustrent l'influence française à l'époque baroque. Avec un talent accompli, a transcrit lui-même des pièces orchestrales d'Henry Purcell, Georg Muffat, François Couperin et Johann Sebastian Bach pour recréer quatre grandes suites pour orgue. Purcell a été très inspiré, dans ses œuvres théâtrales, par le style lullyste, et c'est par une ouverture à la française que s'ouvre la grande suite de danses qui emprunte à tous les mélanges de jeux caractéristiques de la suite pour orgue en France (duo, trio, basse de trompette, tierce en taille …). Certes, l'orgue de St Jean de Malte, d'esthétique plutôt germanique, n'est pas un orgue français, et on est loin du chœur d'anches de Poitiers. Mais le célèbre air Music for a while en forme de récit de tierce en taille, enrichi de diminutions inédites, est un grand moment. De même que les variations de plus en plus véloces qui concluent la suite en un dialogue sur les grands jeux et qui témoignent de la grande virtuosité de l'interprète. Puis ce sera un Concerto grosso de Georg Muffat, musicien voyageur, dont l'œuvre est une parfaite synthèse des styles italiens et français. Avec François Couperin et sa sonate en trio L'Impériale, on a un autre exemple des « goûts réunis », alliant forme italienne et danses françaises. Le jeune Bach avait lui-même transcrit pour orgue un des mouvements de cette sonate. Et c'est avec Bach qu' termine son tour d'Europe, avec la Suite n° 2 en si mineur qui donne le premier rôle à la flûte traversière, à laquelle se substituent ici parfaitement les jeux flûtés de l'orgue. Par tradition, une suite française se termine par les grands jeux, mais on aurait souhaité ici que la célèbre Badinerie conclusive soit jouée sur les flûtes plutôt que sur les jeux d'anches. En bis, l'interprète offre au public enthousiaste une ultime transcription de Mozart, petit bijou ciselé sur les jeux de détail. La grande musicalité de l'interprétation fait d'Olivier Houette un artiste majeur de cette génération d'organistes français riche de grand talents.

Une expérience d'étirement du temps

C'est le cloître de l'abbaye de Silvacane qui accueille le lendemain Freddy Eichelberger sur un grand clavecin à deux claviers de Philippe Humeau. Le programme annonce une unique Suite en sol de Jean-Henri d'Anglebert. Dans sa présentation, le claveciniste rappelle que l'on peut jouer ces pièces en les organisant par suite de danses d'une même tonalité, mais qu'il est possible aussi d'enchaîner plusieurs mêmes danses d'affilé, comme le faisait le compositeur, qui a lui-même joué pour le roi pendant deux heures un enchaînement de courantes, la danse préférée de Louis XIV. Ici, nous aurons bien des danses différentes (allemande, courante, sarabande, gigue, gavottes …) mais dans une expérience de temps étiré par le jeu des reprises et des doubles. En multipliant les reprises, F.Eichelberger entraine l'auditeur dans un mouvement perpétuel proche de la transe des derviches tourneurs. Arrive le double, et on se dit: on a déjà entendu ça, mais ce n'est jamais pareil, il y a des guirlandes nouvelles, un tourbillon de notes qui nous emmène toujours plus loin, de nouvelles couleurs, des surprises. Et quand il n'y a pas de double écrit par d'Anglebert, F. Eichelberger les invente, en génial improvisateur. Il a une parfaite connaissance de la dynamique de chaque danse, qui reste toujours lisible malgré la profusion des ornements. Quand vient la gigue, il nous semble voir des danseurs, des tourbillons d'étoffes. Et dans les danses lentes, la sarabande centrale et surtout la grande passacaille finale, l'alternance couplet-refrain à n'en plus fini nous entraîne toujours plus loin dans un monde d'une très grande poésie, et on voudrait que ça ne s'arrête jamais. En bis, F. Eichelberger, dont on connait le grand talent d'improvisateur à l'orgue, offre au public un postlude de son cru, et achève ainsi de prouver qu'il est un véritable magicien du clavier.

Crédit photographique : © Christian Glaenzer

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Aix-en-Provence, Festival de la Roque d’Anthéron. Eglise St Jean de Malte. 27-VII-2023. Œuvres de Henry Purcell (1659-1695), Georg Muffat (1653-1704), François Couperin (1668-1733), Johann Sebastian Bach (1685-1750). Olivier Houette, orgue.
La Roque d’Anthéron. Abbaye de Silvacane. 28-VII-2023. Jean-Henri d’Anglebert (1629-1691): suite en sol. Freddy Eichelberger, clavecin.

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