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Quelques échos renaissants et baroques du Festival de Wallonie à Namur

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Namur- Festival de Wallonie.
5-VII-2023 : Église Saint-Loup : « la gloire de l’Angleterre »: Robert White (1538-1574) : Christe, qui Lux es III & IV, Exaudiat te, Dominus; William Byrd (ca 1538-1623) : messe à quatre voix, avec son propre grégorien mais sans le Credo; Thomas Tallis (1505-1585) : O sacrum convivium; Sancte deus; Miserere nostri; Loquebantur variis linguis; William Mundy (1529-1591) : Vox Patris Caelestis Tenebrae, Nigel Short, direction.
11-VII-2023 : Grand Manège – Namur Concert Hall: Antonio Caldara (1670-1736) : La Dafne, opéra en trois actes sur un livret de Giovanni Biavi d’après Ovide; avec Julie Vercauteren ( Dafne, Venus); Nicolas Kutzelamn : Febo; Pierre Derhet : Aminta, Mars; Samuel namotte : Peneo, Mercure. Concerto Soave, Jean-Marc Aymes, clavecin et direction.
12-VII-2023 : Grand Manège Namur concert Hall: Johan, Sebastian Bach : Magnificat en ré majeur, BWV. 243; Jan Dismas Zelenka (1679-1745) : Te Deum à double chœur en ré majeur, ZWV. 146 Avec Anne Sophie-Petit et Hélène Walter, sopranos; William Shelton er Leopold Gilloots-Laforge, contre-ténors; Gwilym Bowen et Sean Clayton, ténors; Stéphan Macleod et Philippe Favette, basse. Les Ambassadeurs-La Grande Écurie, Alexis Kossenko, direction

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Le Festival de Wallonie à Namur a fait encore et toujours cette saison la part belle au répertoire vocal et choral. La programmation ingénieuse et assez aventureuse propose la (re)découverte de partitions rares ou quasi inconnues tournant toutes autour du thème transversal imposé par la Fédération des différents festivals de Wallonie : l'Utopie. 

La Gloire de l'Angleterre à l'époque Tudor

Le 5 juillet, soit au lendemain du quadricentenaire de la disparition de William Byrd, , l'ensemble vocal anglais fondé voici une bonne vingtaine d'années, et toujours dirigé par Nigel Short – ex-membre des prestigieux King's singers – propose, dans une configuration quasi chambriste (douze choristes) mais très sonore, un programme centré autour la messe à quatre voix du vénérable maître anglais jubilaire, entourée de pages sublimes mais parfois aussi très spectaculaires signées , Thomas Tallis ou .

Ces quatre figures musicales majeures du XVIᵉ siècle anglais ont toutes la particularité d'avoir été éduquées dans la foi catholique. Dans ce programme vespéral, se place dans la dynamique du « nouveau renaissant anglais » mais veille au-delà de l'équilibre des pupitres et de la parfaite justesse d'intonation à une expressivité retrouvée, à la fois suave et hédoniste, d'avantage soucieuse de la rhétorique des textes : la sonorité plus fondue des pupitres, notamment celui des high treble s'avère moins clivée, dans ses affekts…que celle de leurs glorieux aînés.


L'agencement du programme est particulièrement intelligent, avec comme fil rouge, la production du méconnu (1538-1574), précocement disparu : chaque partie du concert est introduite par l'une des quatre version du Christe qui lux es qu'il nous a laissées – alternant intonations grégoriennes et plages extatiques enfouissant le « thème » de départ dans une dense trame polyphonique ; et c'est le splendide et si intériorisé Exaudiat te dominus du même auteur, éclatant les six voix en deux chœurs de registres opposés qui referme opportunément les débats. La messe à quatre voix de William Byrd – donnée sans le credo – replace le propre de la messe catholique dans un contexte liturgique par cette même alternance avec le plain-chant. L'exécution s'en révèle suprêmement maîtrisée et fait rimer mise en valeur de l'austérité scripturale avec somptueuse réalisation vocale : par le choix du diapason, les soprani sont plus sombrement reléguées dans le medium de la tessiture ce qui permet par effet de clair-obscur l'exploration des moindres entrelacs polyphoniques confiés aux autres voix.

Thomas Tallis est retenu pour quatre de ses motets les plus célèbres : les deux premiers – O sacrum convivium à 5 voix et Sancte Deus à 4, sont donnés avec la même intimité et le même raffinement de nuances, là où pour les deux autres pages dominent les audaces polyphoniques (le double canon du Miserere nostri ) et surtout harmoniques (fantastique et évocateur choc des fausses relations en particulier au fil du Loquebantur variis linguis). Cette dernière plage placée opportunément avant l'entracte, évoque avec magnificence les diverses langues inconnues parlées par les Apôtres nimbés de l'Esprit pentecôtiste : par une disposition spatiale jusque là inédite, les douze choristes se répartissent équitablement les sept voix de ce si dense motet, donné avec toute l' énergie profuse et la flamboyante ferveur requises.

Le « clou» du concert demeure toutefois, en milieu de seconde partie, indiscutablement le rarissime Vox patris caelestis de (de trois à six voix selon les sections) probablement composé dans le contexte de la contre-réforme imposée par la Bloody Mary : il s'agit d'une très vaste antienne mariale –près de vingt minutes ! – paraphrasant, sur le plan textuel, par ces multiples allusions érotiques à peine voilées, le Cantique des Cantiques, planante évocation de la félicité virginale au cours de laquelle les deux pupitres de soprani (utilisées toutes quatre dans le registre de high trebles) s'en donnent à « chœur » joie , diamantant l'ensemble avec une jubilation dévastatrice.

Au vu du triomphe remporté et de l'insistance du public, Tenebrae convoque à nouveau Tallis pour un unique bis – par ailleurs le seul anthem anglican de la soirée – le célébrissime If ye love me donné avec l'ardeur pacifiée et l'impalpable intériorité requises, pour prendre congé en douceur de l'assistance.

De la réhabilitation de la Dafne d'


Le 11 juillet, le de , avec le concours d'un excellent quatuor de solistes vocaux propose la réhabilitation de la Dafne, court opéra (moins de 100 minutes) en trois actes d', sur un livret de Giovanni Biavi, plus ou moins inspiré d'un épisode des Métamorphoses d'Ovide.

Le présent ouvrage créé à Salzbourg le 4 octobre 1719 tient d'avantage de la sérénade pastorale que du drame opératique, même si la trame du mythe est respectée ; Dafné, fille du Roi-Fleuve Pénéo, fière de sa pureté virginale, est victime des assiduités tant du berger Aminta que de Febo, l'avatar humain du Dieu Apollon, dupé par Cupidon. La belle à bout de forces et poursuivie dans son intimité par ses deux amoureux transis, invoque Jupiter : celui-ci l'exauce et la métamorphose en laurier (daphné en grec ancien), tandis que son père, inconsolable retourne à l'état de fleuve. Febo accablé de chagrin cueille un rameau de l'arbre, qui sera désormais son insigne accroché à sa lyre, avant de retrouver son état de dieu et de regagner les Cieux. Venus, Mars et Mercure l'accueillent et compatissent à son chagrin.

Caldara a concocté une partition très fleurie et poétique, proposant, outre le petit chœur initial et la conclusion moralisatrice, essentiellement un beau panel d'arias da capo (à la section centrale souvent très brève) dont la fraicheur mélodique le dispute à l'alacrité musicale, peut être au détriment de la variété expressive ou de l'exploration psychologique des personnages. Il y a bien ça et là quelques facilités d'écriture, le chœur final est par exemple assez pauvre harmoniquement et un peu prosaïquement expédié. Mais la partition vaut globalement un large coup d'oreille !

L'action se concentre comme souvent dans ce type d'œuvres d'avantage dans les récitatifs, plus conçus comme autant de dialogues dramatiques plutôt que comme véritables introductions aux divers airs ou duos. Caldara témoigne d'une connaissance intime des sortilèges vocaux doublée, sur le plan de l'accompagnement instrumental, d'une imagination sans bornes et de vraies trouvailles, tels l'utilisation des deux hautbois (impeccable Elsa Papasergio et Christophe Mazeaud) ou du basson craintif et boudeur (formidable Jérémie Papasergio) à la moindre déconvenue sentimentale, ou encore le tapis ineffable de pizzicati des cordes pour accompagner le délicat air Ucceletti e Zeffiretti de Febo. Le premier violon Alessandro Ciccolino, à la fois parfait Konzertmeister et habile soliste cornaque l'ensemble orchestral discipliné et chatoyant de timbres, idéalement mis en valeur par l'acoustique du Grand Manège namurois.

On peut compter sur une habile et discrète mise en espace, avec quelques accessoires, nécessaires à la compréhension de l'action, mais utilisés de manière décalée et humoristique : l'arc offert par Fébo à sa bien-aimée est aussitôt retourné à l'expéditeur d'un geste péremptoire, à la canne à pêche de Daphné, Fébo attache un disque solaire reluisant d'amour, le bouquet de fleurs d'Aminta est métamorphosé en oiseaux de pacotille par le dieu facétieux, Peneo s'emberlificote drôlement dans son encombrant filet de pêche…

La distribution vocale appelle bien des éloges : la soprano est une Dafne piquante, à la voix lustrale et au timbre vif argent, vocalisant avec agilité, et en parfaite adéquation avec la fraîche jovialité de la partition. Tout au plus peut-on regretter quelques aigus un peu durement projetés en tout début de prestation dans l'acoustique généreuse de l'Arsenal namurois, mais rapidement la sensible et intelligente soprano belge s'accommode du lieu et par sa maîtrise et son musicalité, livre une prestation des plus convaincantes. Le contre-ténor savoyard Nicolas Kuntezlmann est un Febo d'eau et de feu, d'une remarquable aisance vocale, à l'impeccable prononciation et d'une incroyable versatilité expressive : tour à tour persifleur amoureux face aux prétentions d'Aminta ou pathétiquement meurtri dans les ultimes scènes lors de la métamorphose de sa bien-aimée. Déjà bien connu pour ses apparitions opératiques très contrastées quant aux répertoires concernés, le ténor Pierre Derhet, au timbre délicat et homogène sur toute l'étendue de la tessiture, en totale adéquation avec son personnage, campe un Aminta touchant par sa naïveté et son aveuglement érotique. donne à Peneo toute l'autorité et le hiératisme un rien marmoréen attendus, et se joue avec une facilité déconcertante des traits virtuoses doublés d'une inventive et adéquate ornementation au fil de ses interventions les plus funambulesques. Minime réserve : peut-être manque –t-il, d'avantage baryton que basse noble, de l'assise vocale requise dans le registre le plus grave. Voilà une bien belle réhabilitation, magnifiquement servie. Certes il ne s'agit pas d'un total inédit : mais la (re)découverte de cette attachante et indéniable perle au sein du catalogue pléthorique d' est à marquer d'une pierre blanche.

Une passionnante mais aussi frustrante confrontation des œuvres de J.S Bach et Zelenka

Le lendemain mercredi 12 juillet, toujours au sein du Namur concert Hall du Grand Manège, à la tête de « ses » Ambassadeurs-La grande Écurie et d'une assez inégale brochette de solistes nous livre sa vision du célébrissime Magnificat BWV 243 de Johann Sebastian Bach, dans sa version définitive en ré majeur, couplé intelligemment au bien plus rare Te Deum ZWV 146 du grand Jan Dismas Zelenka, exact contemporain du Cantor de Leipzig (qui l'estimait grandement, semble-t-il !) originaire de Bohème et en poste à la très catholique cour de Dresde.

Avouons une relative mais réelle déception doublée d'un sentiment de frustration au terme de ce concert. Certes, on retrouve avec délices le sens de la couleur, la verve rythmique, l'effervescence jubilatoire, le sens du théâtre et de l'expressivité doublé d'une attention presque maniaque aux détails de l'articulation et des phrasés, aux rebonds rythmiques quasi chorégraphiques du discours, aux effets rhétoriques …bref les marques de fabrique des concerts et productions placés sous la direction d'.

Mais, d'une part on ne peut que regretter les (trop ?) nombreuses défaillances des trompettes naturelles souvent poussives : certes – et surtout dans de telles conditions de température et d'humidité- nous connaissons la difficulté dans le maniement de ces cuivres anciens au « naturel ». Néanmoins, l'intonation ce soir est vraiment très erratique et pose la question d'un certain intégrisme organologique face à un résultat aussi peu probant. D'autre part et surtout, nous restons très dubitatif quant à la distribution vocale confiée de part et part des deux œuvres à une distribution de solistes vocaux – même pour les chœurs les plus festifs. Certes, à la suite des travaux et recherches du musicologue Joshua Rifkin, plusieurs interprètes ont été tentés de restituer les œuvres du Cantor dans les conditions a minima qu'il dénonçait lui-même dans ses lettres de doléances aux autorités du cru, réclamant au minimum trois voix par pupitres, à mots couverts !
Est-il nécessaire de se remettre dans de telles conditions dénoncées par l'auteur au détriment de la perspective globale et des contrastes souhaités, surtout pour le Magnificat antienne mariale primordiale pour la fête de de la Visitation, avec les fastes déployés dans les diverses églises de Leipzig …avec cette opposition entre masse chorale et verset solistes ? Nous avouons comprendre encore moins cet effectif anémié à un par partie vocale dans le Te deum à double chœur de Zelenka, conçu pour Dresde, une ville où la Cour locale disposait de moyens musicaux et vocaux faramineux et financièrement quasi extensibles à l'infini…L'équilibre des masses sonores est plus d'une fois compromis. Il faut dès lors jongler avec l'acoustique par la disposition même de l'effectif instrumental. Ce qui impose une pause de dix bonnes minutes – sans réel entracte – entre les deux œuvres.

Mais surtout et malheureusement le quintette de solistes vocaux – retenus pour Bach – et sensiblement différent de celui invité pour la même production voici quelques semaines à Tourcoing – manque sensiblement d'homogénéité qualitative, tant du point de vue de la puissance vocale que de l'expressivité : on est, par la confusion entretenue, à la limite de chaos au fil des écheveaux polyphoniques les plus denses (Magnificat , Omnes generationes, Sicut locutus est) des grands ensembles polyphoniques. Des deux soprani, seule Hélène Walter tire avec conviction – et un timbre royal – son épingle du jeu, au détriment d'une Anne-Sophie Petit étrangement absente et atone (serait-elle souffrante ?). Le ténor William Shelton au timbre mordoré certes adéquat mais à la conduite vocale très (voire trop) affirmée détonne quelque peu – notamment dans son Deposuit et plus encore au fil du sublime duo Et misecordia ejus où il couvre plus d'une fois sans vergogne le superlatif contre-ténor William Shelton, vraiment exceptionnel de timbre et de conduite de la phrase. Tout aussi irréprochable apparaît l'excellente et rutilante basse Stephan Macleod, soliste habituel des Savall, Suzuki, Herreweghe, et lui-même à présent directeur musical d'ensemble en Suisse francophone.

En seconde partie de concert, l'effectif est renforcé de trois autres solistes issus du chœur de chambre de Namur (Léopold Gilloots Laforge, Sean Clayton et -to us trois très honorables) et propose donc le beaucoup plus rare Te Deum de Zelenka à double chœur. Les qualités très réelles mais aussi les défauts liés à la perspective sonore et à l'absence d'un « vrai » effectif choral demeurent identiques, mais l'occasion est trop rare de pouvoir entendre en concert, en totale découverte pour plus d'un mélomane, cette musique souvent géniale pour bouder notre plaisir. C'est une partition composite et totalement inattendue par ses rencontres stylistiques hardies (le fameux stile misto ) alliant italianismes alla Vivaldi (n° 8 Et rego eos), travail contrapuntique intense (le spectaculaire mouvement initial, la fugue finale très virtuose), rhétorique baroque poussée à son paroxysme ( Judex crederis) trouvailles instrumentales inédites ( les ritournelles de flûtes sans basses continues des numéros 3 et 9), et même résurgence inopinée de l'intonation grégorienne (n°7 Salvum Fac ).

Malgré les réserves que nous avons formulées, l'occasion de confronter les deux génies contemporains et complémentaires dans deux œuvres significatives de leur production, est suffisamment rare et précieuse pour ne pas fêter cet évènement musical comme il se doit malgré les quelques réserves de mise.

Crédits photographiques : © Bastien Lansbergen ; Tenebrae © Sim Cabetty Clarke ; Jean Marc Aymes au clavecin © Bastien Lansbergen ; William Shelton © RSB Artists

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5-VII-2023 : Église Saint-Loup : « la gloire de l’Angleterre »: Robert White (1538-1574) : Christe, qui Lux es III & IV, Exaudiat te, Dominus; William Byrd (ca 1538-1623) : messe à quatre voix, avec son propre grégorien mais sans le Credo; Thomas Tallis (1505-1585) : O sacrum convivium; Sancte deus; Miserere nostri; Loquebantur variis linguis; William Mundy (1529-1591) : Vox Patris Caelestis Tenebrae, Nigel Short, direction.
11-VII-2023 : Grand Manège – Namur Concert Hall: Antonio Caldara (1670-1736) : La Dafne, opéra en trois actes sur un livret de Giovanni Biavi d’après Ovide; avec Julie Vercauteren ( Dafne, Venus); Nicolas Kutzelamn : Febo; Pierre Derhet : Aminta, Mars; Samuel namotte : Peneo, Mercure. Concerto Soave, Jean-Marc Aymes, clavecin et direction.
12-VII-2023 : Grand Manège Namur concert Hall: Johan, Sebastian Bach : Magnificat en ré majeur, BWV. 243; Jan Dismas Zelenka (1679-1745) : Te Deum à double chœur en ré majeur, ZWV. 146 Avec Anne Sophie-Petit et Hélène Walter, sopranos; William Shelton er Leopold Gilloots-Laforge, contre-ténors; Gwilym Bowen et Sean Clayton, ténors; Stéphan Macleod et Philippe Favette, basse. Les Ambassadeurs-La Grande Écurie, Alexis Kossenko, direction

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