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Hervé Koubi défend une danse inclusive et métissée

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Plus connu à l'étranger que dans son propre pays, enchaîne les tournées qui le mènent sur les plus grandes scènes du monde, comme le 8 juillet dernier à Monte-Carlo lors du festival F(ê)aites de la danse ! où il a présenté un extrait de sa nouvelle création en cours, Sol Invictus, dont l'avant-première aura lieu le 22 juillet dans le cadre du festival Vaison Danses.

est né et a grandi à Cannes où il a notamment étudié la danse chez Rosella Hightower, en marge de ses études de pharmacie. Sa carrière de danseur va le mener successivement au Centre Chorégraphique National de Nantes Claude Brumachon et Benjamin Lamarche, au Centre Chorégraphique National de Caen avec Karine Saporta et dans la compagnie Thor à Bruxelles avec Thierry Smits. En 2000, il développe son projet chorégraphique avec l'envie d'explorer la tradition et la transmission, à travers une danse qui rassemble et unit en mixant de nombreuses influences, y compris celles de ses racines algériennes. Cela donnera des pièces comme Ce que le jour doit à la nuit en 2013, Les nuits barbares en 2015 ou encore Odyssey en 2019. « Percuté » comme il aime à le dire par les danses urbaines dès 2009, il expérimente avec ses danseurs venus de tous les horizons une danse qui dépasse les cadres et les appartenances techniques.

Depuis presque 20 ans, il enchaîne les tournées mondiales, mais reste boudé dans la capitale française. Pourtant, le public l'acclame à chacune de ses apparitions, comme le 8 juillet dernier à Monte-Carlo lors du festival F(ê)aites de la danse ! où il a présenté un extrait de sa nouvelle création en cours, Sol Invictus, dont l'avant-première aura lieu le 22 juillet, au théâtre Antique de Vaison-la-Romaine, dans le cadre du festival Vaison Danses. Elle sera également présentée le 19 septembre prochain au Miroir, à Gujan-Mestras, dans le cadre du festival Cadences, avant la première officielle au Monaco dance forum, le 15 décembre prochain. Des occasions à ne pas manquer pour voir ce chorégraphe unique et généreux, au sommet de sa créativité.

ResMusica : La Compagnie est née il y a plus de 20 ans. Où est-elle implantée ?

Hervé Koubi : Ma compagnie a trois maisons : Cannes où je suis né et où j'ai été formé en partie à l'école Rosella Hightower. J'ai également une base à Brive-la Gaillarde depuis mes tout début, en 2000 et, depuis 2021, la compagnie a une résidence longue à Calais, qui nous soutient énormément. J'ai toujours eu des projets ambitieux, avec beaucoup de monde en plateau, et il a fallu que je bataille pour trouver les moyens. Cela explique sans doute pourquoi j'ai trois maisons !

RM : Vos débuts ont été infusés par vos recherches identitaires sur le bassin méditerranéen.

HK : Les questions de filiation, de mémoire, de traces m'ont beaucoup occupées à mes débuts. L'histoire du bassin méditerranéen a été une grande source d'inspiration pour moi pendant près de 20 ans et cela restera toujours présent en moi, du fait même de ma double culture, et même si j'explore d'autres horizons aujourd'hui.

RM : Vous venez de présenter un extrait de votre nouvelle pièce, Sol Invictus, à Monaco. Comment s'est faite la rencontre avec , chorégraphe-directeur des Ballets de Monte-Carlo ?

HK : La collaboration avec Monaco est relativement récente. fait partie de mes héros. Quand j'ai commencé la danse, c'était déjà quelqu'un de très connu. Je l'admire et je l'apprécie énormément, aussi bien humainement qu'artistiquement. Quand je l'entends parler de danse, j'ai l'impression que l'on regarde dans la même direction même si, dans la forme, on ne fait pas du tout la même chose. Son invitation est une marque de confiance qui m'a beaucoup touchée. Son engagement pour que Sol Invictus soit présentée en première mondiale, en décembre, lors du Monaco Dance forum, a lancé le mouvement pour que le spectacle soit programmé dans bien d'autres structures. J'ai vraiment de la chance de l'avoir rencontré et chacune de nos rencontres me donne des ailes, notamment parce que lui aussi, à ses tout débuts a connu quelques difficultés pour se faire accepter sur la scène française où il est maintenant reconnu, comme dans le monde entier, comme un immense chorégraphe.


RM : En marge du spectacle, vous avez permis au public de F(ê)aites de la danse ! de danser, en proposant une chorégraphie que chacun a pu s'approprier.

HK : Je suis toujours émerveillé de voir comment la danse arrive à nous rassembler. Le sport ou la musique peuvent également provoquer ça. On m'avait donné carte blanche à Monaco, avec comme seul consigne de faire danser les gens. C'est venu comme ça, de manière assez spontanée. C'est un peu mon dada de rassembler. Dès mes débuts j'avais cette idée d'action culturelle, d'ateliers. A l'époque, c'était regardé avec mépris alors qu'aujourd'hui c'est presque un passage obligé. Je crois que cette attirance pour le danser ensemble vient aussi de mon parcours. J'ai commencé mes premières chorégraphies en parlant des rassemblements dansés, des discothèques et des bals. C'est à la mode aujourd'hui mais à mes débuts on me l'a beaucoup reproché.

« Depuis 2009, je travaille beaucoup avec des danseurs issus des pratiques urbaines, mais pas uniquement. »

RM : Comment avez-vous rencontré et intégré les danses de rues à votre travail ?

HK : J'ai été formé de manière assez académique avec, dès mes débuts, une sensibilité pour les danses hip-hop. Dans mon premier projet chorégraphique, j'avais déjà une danseuse hip-hop. J'ai également eu une collaboration pendant deux-trois ans avec des danseurs hip-hop du Limousin. En 2009, j'ai décidé de me rendre en Algérie, pays de mes origines, pour rencontrer des danseurs et j'y ai rencontré des danseurs hip-hop autodidactes. Ça a été une vraie révélation. D'un seul coup, mon écriture s'en est trouvé renouvelée ; j'avais trouvé des personnes capables de réaliser ce que j'avais en tête. Depuis 2009, je travaille beaucoup avec des danseurs issus des pratiques urbaines, mais pas uniquement.

RM : Comment avez-vous trouvé vos danseurs ?

HK : Je fais mes recrutements sans tenir compte des nationalités ni des looks. Je les choisi pour leur technique et leur faculté à être ensemble, à faire une équipe, sur le plateau comme en dehors car cela se voit. Il se trouve que j'ai aujourd'hui pratiquement autant de nationalités que de danseurs sur le plateau. J'ai dix-sept danseurs actuellement, c'est beaucoup mais c'est une ambition artistique que j'ai toujours eue. On attend plutôt d'un jeune chorégraphe qu'il fasse ses preuves sur un solo ou un duo. Mais l'idée de rassembler par la danse a toujours été en moi. J'ai voulu créer un chœur dansant, une puissance construite par l'ensemble tout en respectant les individualités de chacun. C'est ce que j'aime et qui continue à me bouleverser.

RM : Comment travaillez-vous avec eux ?

HK : Ils me forcent à sortir de ma zone de confort, à m'interroger. Je leur propose un phrasé chorégraphique qu'ils vont appréhender par la sensation car ils ont appris à danser dans la rue, pas dans un studio de danse. C'est très intéressant. Je me compare souvent à un jardinier, et plutôt un jardinier de jardin à l'anglaise. On sait ce qu'on veut à l'arrivée mais on travaille avec du vivant. On plante des graines, on essaie d'en prendre soin, on construit… La création du geste part de moi. Je le donne aux danseurs qui me renvoient des réponses que je retravaille ensuite et met en espace. Mon travail est très écrit, il y a une structure mais j'aime voir mes danseurs surfer. Je créé la vague pour qu'ils surfent dessus. Au fil des représentations, je suis très heureux de voir mes danseurs se libérer, comprendre de mieux en mieux mes intentions et surtout s'approprier les chorégraphies en donnant l'impression de la liberté.

RM : Travaillez-vous seul à la chorégraphie ?

 HK : Je suis accompagné par l'un de mes anciens danseurs, , qui a co-signé deux chorégraphies avec moi. Il est algérien et a dansé avec moi pendant 10 ans. Il est mon assistant et co-chorégraphe depuis 6-7 ans. On est très complices même s'il préfère rester dans l'ombre. Je lui dois beaucoup car il me permet d'aller là où je veux et même plus loin. Il vient des danses urbaines et a été chorégraphe en Algérie. Nous sommes très complémentaires.

RM : Quelles sont vos influences chorégraphiques ?

HK : Mon travail est très écrit et je suis sensible à des écritures à la Trisha Brown. Il y a une élégance à l'écriture, une organicité qui me parlent. Il y a une sorte de filiation française de Trisha Brown, à commencer par le travail de Dominique Bagouet. Je sais que ça peut surprendre mais je retrouve quelque chose de Trisha Brown chez Bagouet. Il y en a d'autres mais je ne veux pas rentrer dans les comparaisons. En tout cas, je ne me reconnais pas dans les formes très frontales de la danse très à la mode aujourd'hui ou de l'uniformité excessive.

« Je n'ai pas l'impression de faire des spectacles de danse hip-hop, même si on voit que mes danseurs viennent de là. »

RM : Sol Invictus, votre nouvelle pièce, sera présentée en première mondiale en décembre à Monaco mais on va déjà la voir dans des festivals cet été. Pouvez-vous nous en parler ?

HK : Nous sommes toujours en création mais j'assume complètement son côté métissé, entre mes danseurs qui viennent de la rue et moi de la danse académique. Je suis convaincu que j'ai trouvé mon type d'écriture. J'y suis allé naturellement et malgré les critiques qui me reprochaient de faire travailler des danseurs d'un autre monde. Je n'ai pas l'impression de faire des spectacles de danse hip-hop, même si on voit que mes danseurs viennent de là. L'idée de départ est de rassembler par la danse et d'apporter une étincelle au milieu de l'obscurité. Si demain il devait y avoir la fin du monde, la danse pourrait être le dernier geste pour célébrer la vie. C'est un spectacle joyeux et optimiste avec l'ambition de créer une pièce qui rassemble, y compris sur scène avec des nationalités très différentes. L'avant-première de Vaison Danse sera une grande étape pour nous avant la première officielle en décembre et la quarantaine de dates programmées l'an prochain, essentiellement à l'étranger.

RM : Quels sont vos choix musicaux pour Sol Invictus ?

 HK : Il y aura Steve Reich, Beethoven revisité (le fameux allegro de la symphonie numéro 7) et la musique composée par Maxime Bodson avec qui je travaille depuis longtemps. Il y aura également de la musique de Mikael Karlsson que j'ai rencontré pendant le Covid. Je voulais que sa musique, qui sera sur un tableau entier, soit jouée live donc elle a été enregistrée à New-York avec de vrais musiciens. Cela faisait très longtemps que je voulais travailler sur les musiques répétitives américaines mais je n'osais pas m'y attaquer. Mais là c'était le bon moment pour les confronter à mon écriture.

Crédits photographiques : Photos du spectacle © Manuel Vitali ; portrait © Charlène Bergeat

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