Shéhérazade version flamenco par Maria Pagés à Fourvière

Maria Pagés, reine du flamenco, donne en première mondiale dans le cadre époustouflant du Grand Théâtre romain de Fourvière une version, plutôt peu recherchée, du conte sans doute le plus exploré des Mille et une Nuits ici intitulé De Scheherezade.

Alors que le soleil décline à l'horizon, douze tableaux de flamenco pur et exclusivement féminins, s'enchaînent au rythme effréné des claquements de pied, ou plutôt de ferme talon, qui ponctuent cette belle affirmation de soi qu'est le flamenco, interprétée ici en version féministe soft, sans grande portée communicative. Sur scène, un quatuor à cordes et percussions joue vaillamment la musique créée par Rubén Levaniegos, avec Sergio Menem et David Moniz, pour donner à danser, sur des airs populaires où s'entremêlent des voix rendant particulièrement hommage à la tradition marocaine.

Telles des flamants roses qui se déplaceraient en solo ou en chorégraphie chorales, dépliant leurs longs bras, ces femmes, fluidement voilées de manière unie et colorée, traceraient peut-être symboliquement avec leur corps, en dansant pour un vizir qui les tuera si elles ne résistent pas culturellement, en racontant une histoire sans fin, permettant de tenir jusqu'au petit matin blême, mille et une nuits.

Et les tableaux se suivent comme des nuits sans sommeil, Maria Pagés s'octroyant souvent les solos au cœur de son escadrille et lançant fermement ses longs bras comme des lianes qui chercheraient à se rattacher à l'angoisse de vieillir, difficile à déceler tant le propos est à la fois absent ou trop évident pour cheminer dans la réflexion. Ce n'est plus Dunas, qu'elle avait créé avec Sidi Larbi Cherkaoui, qui permettait au flamenco d'être réveillé par la contemporéanité du chorégraphe belge, doué.

Quand ces danseuses-flammes arrivent entièrement voilées, cachées, le pic de créativité est atteint, avec un semblant de subtile évocation des religions qui cacheraient ces seins que nous ne pourrions voir. Il en va d'une émancipation mais aussi d'une certaine vision du flamenco, à la fois codée, déterminée pour les danseurs, mais aussi à l'ancienne sans grande innovation technique.

La parade du flamant rose recueille un grand émoi et nous allons pantois se demandant ce qu'il fallait éprouver, de-ci, de là, sans y penser. C'est une ovation qui salue la grande du flamenco en cette chaleureuse nuit d'été sur les hauteurs de Lyon, depuis Fourvière, « la colline qui prie »Olé !

Crédits photographiques : © Paul Bourdrel

Tous nos articles des Nuits de Fourvière