La lumière crépusculaire de Gesualdo au sommet de l’expressivité
Plus de détails
Carlo Gesualdo (1566-1613) : Tenebrae responsoria fera quinta. Les Arts Florissants ; Miriam Allan, soprano ; Maud Gnidzaz, soprano ; Mélodie Ruvio, contralto ; Paul Agnew, ténor et direction ; Sean Clayton, ténor ; Edward Grint, basse. 1 CD Harmonia Mundi. Enregistré en septembre 2018 à Ambronay. Livret en français, anglais et allemand. Durée : 76:14
Harmonia MundiAvec les Réponds pour l'office du Jeudi Saint, Paul Agnew prolonge l'exploration par les Arts Florissants des six Livres de madrigaux de Gesualdo.
La personnalité complexe et tourmentée de Carlo Gesualdo, Prince de Venosa, (il fut l'assassin de sa première épouse, adultère) ne doit pas faire oublier qu'il est un compositeur très savant, véritable magicien de l'expressivité harmonique. « Qui, à l'époque, avait un niveau technique suffisant pour interpréter ses œuvres ? » se demande Paul Agnew dans le texte du livret. Ce répertoire madrigalesque ne pouvait s'adresser qu'à des chanteurs très spécialisés, capables de rendre toute l'expressivité du texte. Et c'est bien le cas ici, où les six chanteurs sont parfaitement rompus aux subtilités de ce répertoire. Il faut rappeler la théâtralité très particulière de ces offices de ténèbres. À la tombée de la nuit, le début de l'office était annoncé par des battements de bâtons de bois (pas de cloches durant la Semaine Sainte !) et faisait alterner psaumes, lectures et répons, alors que l'on éteignait progressivement les bougies pour aboutir à l'obscurité totale à la fin de l'office. C'est cette atmosphère très particulière que Paul Agnew a parfaitement restituée dans cet enregistrement, qui se conclut par le strepitus, étonnant tapage censé évoquer le tremblement de terre qui a suivi la mort du Christ. Les effets dramatiques suggérés par la musique elle-même, en étroite relation avec les mots du texte, font de cette liturgie un véritable théâtre sacré.
Co-directeur musical de l'ensemble fondé par William Christie, le ténor Paul Agnew nous a prouvé ces dernières années qu'il maîtrisait parfaitement les subtilités du style magrigalesque, chez Monteverdi d'abord, chez Gesualdo ensuite. C'est le cas aussi de chacun des chanteurs réunis ici, avec une mention particulière pour la profondeur de la voix de basse d'Edward Grint. Les six interprètes nous offrent une parfaite illustration de la richesse des lignes mélodiques et des incroyables surprises harmoniques qui émaillent ces répons. L'alternance avec les versets en plain-chant restitue parfaitement l'atmosphère contemplative de l'office, qui s'enrichit du contraste entre la polyphonie et la sobriété de la monodie grégorienne. Il faut remarquer la très bonne homogénéité des voix dans les épisodes en plain-chant. Le Miserere qui conclut traditionnellement l'office annonce les faux-bourdons d'Allegri, enrichi de nombreux chromatismes caractéristiques de l'écriture de Gesualdo. On assiste dans cet enregistrement exceptionnel à la naissance de l'expressivité baroque, dans une interprétation d'un mysticisme incarné.
Plus de détails
Carlo Gesualdo (1566-1613) : Tenebrae responsoria fera quinta. Les Arts Florissants ; Miriam Allan, soprano ; Maud Gnidzaz, soprano ; Mélodie Ruvio, contralto ; Paul Agnew, ténor et direction ; Sean Clayton, ténor ; Edward Grint, basse. 1 CD Harmonia Mundi. Enregistré en septembre 2018 à Ambronay. Livret en français, anglais et allemand. Durée : 76:14
Harmonia Mundi