Exit Above : La Tempête selon Anne Teresa De Keersmaeker au Festival d’Avignon

Première française très attendue et à guichet fermé de Exit Above, la nouvelle création d'Anne Teresa De Keersmaeker au Festival d'Avignon. Une expérience chorégraphique riche, intense et jubilatoire.

C'est la figure de l'ange, décrite par Walter Benjamin face a un mur de tempête, qui ouvre Exit Above after the tempest, la nouvelle pièce d'Anne Teresa De Keersmaeker, plus proche et peut-être moins cérébrale que ses créations des dernières années, mais tout aussi fascinante. Bien sûr, le nombre d'or est toujours là, matérialisé au sol par des marquages multicolores façon terrain de sport. Mais la simplicité et l'authenticité de la danse, portée par les solistes et les jeunes interprètes de Rosas nous plongent dans une époque où les choses semblaient paradoxalement plus légères.

Depuis Fase, son premier duo avec Michele Anne de Mey en 1983, la musicalité forme toujours la colonne vertébrale de l'œuvre d'Anne Teresa De Keersmaeker, qui s'est, cette fois, intéressée aux origines de la pop, à travers le folk venu du Mississippi. Une walking song, écrite et interprétée par la chanteuse d'origine éthiopienne Meskerem Mees accompagnée à la guitare sèche par Carlos Garbin, rend en effet hommage au chanteur et musicien de blues Robert Johnson. La voix pure et naturelle de la jeune chanteuse (une révélation !) ponctue avec délicatesse les solos, duos et ensembles des danseurs dans une qualité d'écoute impressionnante qui n'a d'égale que la qualité du mouvement. L'air lui-même devient intense.

Allant à rebours de la fureur du monde, Anne Teresa De Keersmaeker continue de créer les conditions de la tension extrême et du dépouillement, par la précision de sa composition et de son écriture. L'ultra modernité n'est pourtant jamais absente avec cette danse ample et syncopée, toujours basé sur la spirale, bras offerts vers le ciel, comme ceux des derviches.

La chorégraphe a une capacité impériale à aborder tous les genres, y compris le hip-hop, dont viennent visiblement certains danseurs. Du folk le plus pur à la techno, en passant par le slam, Anne Teresa De Keersmaeker, intègre et assimile tous les mouvements artistiques contemporains pour les faire siens, merveilleusement servie par des danseurs virtuoses qui peuvent tout danser.

Comme dans toutes ses créations depuis quarante ans, la chorégraphe flamande gère les ruptures de rythme et l'alternance des énergies avec habilité et intelligence. Elle y intègre des danses universelles, à l'unisson, comme la danse inaugurale de l'ange ou la danse finale, qui auront vocation, plus tard, à être apprises comme la danse de la chaise du deuxième mouvement de Rosas danst Rosas, régulièrement reprise par des étudiants et danseurs amateurs. On pourra vérifier si ce spectacle peut devenir culte, à l'instar de ses plus grandes pièces Fase, Mozart concert arias, Drumming ou Rain, au cours de la très large tournée française et européenne de la saison 2023-2024, qui passera notamment par la Biennale de danse de Lyon en septembre et le Théâtre de la Ville – Sarah Bernhardt à Paris en octobre.

À la fois savant et instinctif, frugal et riche, Exit Above after the tempest est jubilatoire. C'est une poussée de sève et d'énergie brute. Dans la rage du beat, toute une génération nous regarde.

Crédits photographiques : © Anne Van Aerschot

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