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Montpellier Danse rend hommage à Pina Bausch

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Festival Montpellier Danse
Montpellier. Studio Bagouet / Agora. 29-VI-2023. Anne Martin : Umwandlung. Création, chorégraphie, danse : Anne Martin. Dessin : Gilles Nicolas. Lumière : Rémi Nicolas. Costumes : Julia von Leliwa. Son : Thibault Cohade. Musiques : Arvo Pärt (Trivium extrait), voix de grenouilles, naissance d’une salamandre, Ivo Malec (cloches proches et lointaines), alambic, pompe à eau, glas romain, chute de neige, chant orthodoxe, feu d’artifice. Réalisation vidéo scénique, bande annonce : Jérémy Tran. Assistant vidéo, ingénieur du son : Xavier Boyer.

Opéra Berlioz / Le Corum. 29-VI-2023. Tanztheater Wuppertal Pina Bausch + Terrain Boris Charmatz : Palermo, Palermo, une pièce de Pina Bausch. Création le 17 décembre 1989 à l’Opernhaus Wuppertal. Mise en scène et chorégraphie : Pina Bausch. Scénographie : Peter Pabst. Costumes : Marion Cito. Collaboration musicale : Matthias Burkert. Musiques : Grieg, Paganini, musiques traditionnelles de Sicile, d’Italie du Sud, d’Afrique, du Japon, d’Écosse, musique de la Renaissance, blues et jazz d’Amérique, etc. Direction des répétitions : Michael Strecker, Robert Sturm. Avec Andrey Berezin, Dean Biosca, Naomi Brito, Maria Giovanna Delle Donne, Taylor Drury, Çağdaş Ermiş, Letizia Galloni, Christoph Iacono, Simon Le Borgne, Reginald Levebvre, Alexander Lopez Guerra, Nicholas Losada, Eddie Martinez, Nazareth Panadero*, Franko Schmidt, Azusa Seyama-Prioville, Julie Shanahan, Ekaterina Shushakova, Julie Anne Stanzak, Oleg Stepanov, Julian Stierle, Christopher Tandy, Tsai-Wei Tien, Tsai-Chin Yu.
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Pour sa 43e édition qui vient de se conclure, le festival Montpellier Danse a fait un passionnant travail rétrospectif sur la création chorégraphique de ces 40 dernières années, avec de nombreuses reprises d'œuvres majeures, dont Palermo Palermo de . Non sans laisser aussi le geste nouveau à l'une des danseuses iconiques de Wuppertal, , dans une création particulièrement touchante.

Pour se mettre en appétit d'une expérience bauschienne, quoi de mieux que de redécouvrir d'abord une de ses anciennes « servantes », de ces danseuses iconiques qui ont marqué l'univers de ?

est de celles-là. Après Nazareth Panadero, la fameuse Espagnole débridée qui dansa à Wuppertal de 1979 à 2021 et qui chorégraphie désormais ses propres pièces, à l'affiche à Montpellier les 24 et 25 juin dernier, voici donc une danseuse moins trublionne, mais passée à la postérité pour être celle qui portait un accordéon au beau milieu des fleurs de Nelken (1982) et pour avoir repris le rôle de dans Café Müller (1978).

La revoici 40 ans plus tard, dans un solo de son crû très bouleversant, et qui ne peut s'empêcher de ressusciter un évident univers bauschien. Comme si une interprète dévouée à son chorégraphe ne pouvait, dans le fond, couper un inéluctable cordon. , qui a ensuite conçu des spectacles de chant et accordéon puis enseigné au CNSM de Lyon, ne joue, dans Umwandlung (conversion en allemand) qu'avec son corps. Et c'est un enchantement de revoir cette longue silhouette vêtue d'une robe bauschienne tombant à la cheville, prendre corps peu à peu, et jouer de ces bras magnifiques qui se lèvent au ciel, telle une incantation, et retombent doucement tout en tordant les poignets, avant de remonter par devant.

Cette gestuelle typique de Pina Bausch apparait comme un hommage, mais aussi comme un rappel pour cette danseuse de 68 ans, qui nous montre le temps qui passe mais dont les souvenirs du corps restent intacts. Ce temps qui se déroule aussi sous nos yeux avec une longue lithographie qu'elle déroule au sol sur toute la largeur du théâtre, et qui va se dérouler aussi comme immense décor de fond de scène. On peut alors calculer la longueur du spectacle en comparant ce qui se déroule en fond, à ce qui est déjà au sol. C'est la force, la limite et l'originalité du spectacle. Et s'il y a bien quelques longueurs notamment lorsque la danseuse roule au sol, il y a ce magnifique et tendre hommage à celle qui lui a permis d'exister comme membre d'une incomparable aventure théâtrale et chorégraphique.

Palermo, Palermo, reprise d'une pièce majeure

C'est cette même aventure que l'on revit le lendemain, dans l'immense Corum de Montpellier, écho monumental de l'expérience intimiste de la veille. Palermo Palermo est une pièce majeure de Pina Bausch, créée en décembre 1989 à Wuppertal après une résidence à Palerme, dans un de ces « ballets-voyages » qu'elle a eu coutume de faire à partir de 1984, en allant dans une ville invitante pour y créer une œuvre inspirée par les lieux.

On se souvient de l'image si forte qui débute le spectacle : ce mur de parpaing occupant tout le cadre de scène et qui d'un coup, s'effondre avec fracas. À la création, il n'échappa à personne que le Mur de Berlin était tombé le mois précédent. Pina Bausch avait-t-elle eu un rêve prémonitoire ?

Ce qui semblait une image d'espoir à l'époque, apparait aujourd'hui comme la déflagration sociale d'une humanité instable et en danger. Arrivent alors, après l'effroi de cette chute et dans un brouillard de poussière, des humains tourneboulés, qui tremblent et trébuchent, marchent délicatement parmi ces dangereux parpaings, et laissent alors débuter une longue suite de sketches, gags, saynètes, situations déchirantes, violentes ou drôles, comme on les verra pendant les vingt années suivantes de la carrière de Pina Bausch.

Quiconque a vu une grande part des productions de Pina Bausch retrouvera ses marques sans être surpris. La force de la chorégraphe allemande fut de créer un style inouï puis de faire toujours un peu pareil, mais toujours différemment. Reste que l'on retrouve ces images familières des éléments (l'eau, les arbres, la terre…), les bassines d'eau dans lesquelles les danseurs trempent leur vêtement ou inondent leur partenaire, ces fers à repasser servant de  fourneaux pour cuire un aliment que l'artiste mange ensuite à une table de bar, ces courts monologues ou débuts de conversation avec le public, ces filles qui font le poirier, grimpent sur les portants des coulisses, se maquillent exagérément, sont poursuivies par les hommes, jouent de leurs longues chevelures et longues robes, marchent en talons aiguilles… Et ces hommes qui s'habillent, se déshabillent, fument, maltraitent généralement les femmes, regardent la télévision, aguichent le spectateur, et tous dansent, dans des séquences toujours trop courtes, avec féminité ou virilité des suites de solos ou d'ensembles faisant toujours très forte impression, et suscitant un peu de beauté dans un monde de dureté des liens hommes-femmes, et d'une humanité désespérée mais résistante, dans un monde qui vrille. Avec quelques bulles d'espoir comme cette magnifique scène de six pianos consciencieusement alignés où six pianistes répètent les premières mesures du Concerto pour piano de Tchaïkovski en se répondant les uns les autres.

Le plus beau, dans l'affaire, lorsque l'on revoit ces pièces aujourd'hui, c'est de découvrir de nouveaux visages (notamment et arrivés de l'Opéra de Paris) et peut-être plus encore, de revoir les anciens, comme la brune Espagnole Nazareth Panadero et la blonde Australienne , figures iconiques des « femmes » de Pina, si différentes et sachant tout faire et tout oser. Elles nous ont accompagnées au fil des découvertes des œuvres nouvelles du , année après année… Les redécouvrir sur scène, presque immuables, est comme revoir des figures familières et  bienfaisantes. Elles font aussi du bien à l'œuvre, elles qui transmettent ainsi un peu de Pina, dont il s'agit de faire revivre des pièces avant tout créées sur les révélations de bouts de vie des danseurs de la création. Comment danser ce qui ne vous appartient pas ? Et qui relève de l'intime d'un autre ? C'est tout le défi de la compagnie aujourd'hui dirigée par l'élu surprise, le Français Boris Charmatz. L'enjeu est immense, mais il fallait sans doute un « hurluberlu » (selon ses propres mots) comme lui pour oser ce pari.

Alors, deux types de publics vont profiter du spectacle : ceux qui connaissent déjà l'univers de Pina Bausch et retrouvent leurs repères dans des spectacles qui ne voulaient justement pas en donner, et ceux qui découvrent pour la première fois le style, l'univers, le monde de Pina Bausch. Les uns comme les autres pourront aussi le faire à Paris à la Grande Halle de La Villette du 6 au 12 juillet pour la reprise d'un autre ballet iconique, Café Müller. Et l'on envie fortement ces derniers, tant son œuvre a toujours eu pour but de surprendre, étonner et détonner.

Crédits photographiques : Umwandlung » : Jérémy Tran ; Palermo, Palermo : Olivier Look, et Evangelos Rodoulis ; Nazareth Panadero par Olivier Look

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Opéra Berlioz / Le Corum. 29-VI-2023. Tanztheater Wuppertal Pina Bausch + Terrain Boris Charmatz : Palermo, Palermo, une pièce de Pina Bausch. Création le 17 décembre 1989 à l’Opernhaus Wuppertal. Mise en scène et chorégraphie : Pina Bausch. Scénographie : Peter Pabst. Costumes : Marion Cito. Collaboration musicale : Matthias Burkert. Musiques : Grieg, Paganini, musiques traditionnelles de Sicile, d’Italie du Sud, d’Afrique, du Japon, d’Écosse, musique de la Renaissance, blues et jazz d’Amérique, etc. Direction des répétitions : Michael Strecker, Robert Sturm. Avec Andrey Berezin, Dean Biosca, Naomi Brito, Maria Giovanna Delle Donne, Taylor Drury, Çağdaş Ermiş, Letizia Galloni, Christoph Iacono, Simon Le Borgne, Reginald Levebvre, Alexander Lopez Guerra, Nicholas Losada, Eddie Martinez, Nazareth Panadero*, Franko Schmidt, Azusa Seyama-Prioville, Julie Shanahan, Ekaterina Shushakova, Julie Anne Stanzak, Oleg Stepanov, Julian Stierle, Christopher Tandy, Tsai-Wei Tien, Tsai-Chin Yu.
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