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L’Île des Jamais trop tard, un conte symphonique environnemental à la Seine Musicale

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Boulogne-Billancourt. La Seine Musicale. 2-VII-2023. Sarah Lianne Lewis (née en 1988) : L’Île des Jamais trop tard, conte symphonique sur un texte de Stéphane Michaka. Céline Milliat-Baumgartner, récitante. Vanessa Wagner, piano. Orchestre national de Bretagne, direction : Grant Llewellyn

Créée en mars dernier à Rennes, cette commande de l' à la compositrice et à l'écrivain faisait étape à la Seine Musicale avant de tourner la saison prochaine dans le cadre du récent Consortium créatif.

L'idée de l'ONB et de , qui y est actuellement en résidence, était celle d'une œuvre tournée vers la mer et visant à sensibiliser le public jeune et moins jeune aux défis environnementaux. a pu venir aux oreilles des mélomanes par ses adaptations mises en musique de classiques de la littérature : L'Île mystérieuse, Moby Dick, Alice au pays des merveilles… mais il est aussi l'auteur de nombre d'histoires originales, dont un tout récent roman maritime. Ici, il a imaginé un conte situé sur une petite île de l'Atlantique nord (quelque chose comme Saint-Pierre ou Miquelon, ou une île au large de l'Écosse), dans lequel Lise, une fille de dix ans, voit arriver sur une plage des animaux polaires chassés par la fonte de la banquise, et essaye de les comprendre et de les aider. Quand on dit « conte », c'est au sens de Perrault et non de Maupassant : les animaux parlent, l'humain se transforme en animal, le merveilleux et le mythologique se manifestent en plusieurs endroits. Et les messages passent, au gré des péripéties, et pas seulement les plus évidents : catastrophe environnementale en marche, inaction des grandes personnes (des puissants) pour lesquelles il n'est « jamais trop tard », difficulté à aborder sereinement le sujet, importance de l'empathie et de l'imagination…

La comédienne , debout sur un haut podium en avant-scène, parvient à faire ressentir la richesse du sujet et à donner vie aux personnages, faisant vivre les dialogues et passant d'un registre à l'autre avec aisance (narratif, humoristique, dramatique). Son entente est très bonne avec les quarante musiciens sur scène, qui pendant près d'une heure ne connaissent presque pas de pause. La musique de est un flot en mouvement permanent donnant à entendre une matière en perpétuelle transformation, sans thème aisément identifiable. La jeune compositrice galloise regarde certainement du côté de Debussy, et sa manière, ici, n'est pas sans faire penser à Camille Pépin. Elle ne verse jamais dans la facilité de l'illustration littérale, alternant tonalité, atonalité, polytonalité, passages rythmés et épisodes évanescents, et ménage des moments de grâce au piano de , seule ou avec l'orchestre, sans céder à la tentation du style concertant.

Ce conte symphonique environnemental, présenté comme le premier du genre, était conseillé à partir de 7 ans : la richesse du traitement tant musical que textuel du sujet est en effet conséquente, et sollicite fortement l'attention, même celle des adultes. Plusieurs comédiens pour faire vivre le texte, un travail de lumière et de mise en scène ou en espace, et peut-être un partage du temps légèrement différent entre musique et parole (des intermèdes musicaux moins longs, plus de moments d'indépendance pour le texte) aideraient sûrement à faire davantage naître l'émotion et à rendre l'œuvre plus accessible au jeune public. Mais sachons gré aux protagonistes de s'être emparés avec sincérité de ce sujet essentiel et d'avoir choisi pour le traiter la voie de l'exigence. À l'issue de cette représentation dans le très bel Auditorium, malheureusement un peu dégarni de la Seine Musicale, on ne peut que souhaiter à ce conte symphonique, hymne à la beauté du monde et à l'imagination, que s'applique à lui les derniers mots de son texte : « le voyage ne fait que commencer ! »

Crédits photographiques : © Sarah Lianne Lewis ; © Caroline Doutre

 

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