Les Lieder orchestrés par Liszt : entre grandeur et intimité
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Franz Liszt (1811-1886) : Die Lorelei ; Die drei Zigeuner (S. 374) ; Die Vätergruft (S.281) ; Weimars Toten (S.303) ; Le Juif Errant ; Der Titan (S.79). Franz Liszt d’après Franz Schubert (1797-1828) : Die junge Nonne ; Gretchen am Spinnrade ; Mignons Lied ; Erlkönig ; Der Doppelganger. Sunhae Im, soprano ; Stephanie Houtzeel, mezzo-soprano ; Thomas Hampson, baryton ; Tomasz Konieczny, baryton ; Chorus Viennensis ; Orchester Wiener Akademie, direction : Martin Haselböck. 1 CD Aparté. Enregistré en octobre 2021 et octobre 2022 au Lisztzentrum de Raiding en Autriche. Notice de présentation en allemand, anglais et français. Pas de texte des poèmes. Durée : 60:00
ApartéCentrée sur Thomas Hampson, vétéran et fin connaisseur, voici une tentative de valorisation des lieder et chants avec orchestre de Liszt, ou orchestrés par lui.
Ce n'est pas une intégrale qui nous est proposée ici. Il manque le Mignons Lied, Die Allmacht, Lieder du Guillaume Tell de Schiller, Jeanne d'Arc au bûcher (Dumas), pour ne citer que ceux venant de Schubert ou de Liszt. Mais ce disque permet au moins de faire un tour d'horizon, entre les lieder qu'il a orchestré après les avoir écrits avec un accompagnement de piano (Lorelei), ceux qu'il a écrit directement avec un accompagnement d'orchestre (Der Titan), ceux qu'il a repris à d'autres compositeurs (ici, Schubert) pour y ajouter sa propre orchestration. Surtout, il permet de découvrir des raretés discographiques : Der Doppelgänger (Schubert), Weimars Toten (le premier de tous chronologiquement), Le juif errant et Der Titan. C'est sans doute un lieu commun, de penser que les œuvres vocales avec orchestre ne sont pas la plus haute source d'inspiration de Liszt, mais il y a néanmoins des choses intéressantes à noter et à apprécier.
Dans les lieder de Schubert réorchestrés, on aime les jeux de couleurs orchestrales très efficaces. Les espoirs de Gretchen à sa fenêtre soulignés par des traits de flûte, son rêve érotique proche du délire dans des mélismes de cordes sont remarquables. Les éléments déchainés dans Die Junge Nonne, l'hostilité de la nature et la force tentatrice du Erlkönig sont très bien rendues, et on peut comprendre l'autosatisfaction que Liszt a exprimée à propos de ces pièces-là. Il n'en reste pas moins que la délicatesse des lieder de Schubert cède le pas devant la grandiloquence, fût-elle efficace et impressionnante, et que la poésie se transforme en dramatisme exacerbé. Tout cela ressemble à une fresque-tapisserie wilhelminienne de style « troubadour », fort bien proportionnée et colorée au demeurant, et peut se laisser apprécier comme telle sans forcément la comparer au dessin original de Schubert, tout de finesse et de simplicité.
Assez différentes sont les pièces Weimars Toten, Juif errant et Der Titan, qui se rapprochent plus des mélodrames (acteur et piano) ou des cantates profanes que du monde des lieder. Weimars Toten est une fresque à la gloire des héros culturels de la ville, créée pour le centenaire de Goethe. Le Juif errant, sur un texte de Pierre-Jean Béranger, permet en évitant les écueils de l'antisémitisme et de l'antichristianisme, d'exalter l'obstination à vivre malgré une malédiction implacable. Incroyable obstination tournoyante de ce « toujours, toujours… », et lumineuse prise de conscience « C'est l'humanité que Dieu venge ». C'est clairement moins subtil que les lieder de Schubert, c'est toujours grandiloquent, mais c'est aussi grandiose et très expressif.
Les interprètes sont tous très bons. Sunhae Im, Stephanie Houtzeel et Tomasz Konieczny ont de très belles voix, font de belles phrases et leur expression en allemand est très satisfaisante. Thomas Hampson, autour de qui le programme a sans doute été conçu et qui en assure la moitié, reste celui qui impressionne le plus. A 67 ans, le maître américain chante comme un jeune homme, avec un timbre d'une grande beauté et une gamme d'expressivité à la fois très variée et châtiée. Dans les Drei Zigeuner, il ose une espèce de gouaille discrète, qui jette un pont inattendu et heureux du côté de Kurt Weill, c'est-à-dire de côté de l'expressionisme et de la dérision. Quant à son allemand, il est confondant de naturel. Martin Haselböck dirige avec clarté un excellent Orchester Wiener Akademie, et en tire toutes les couleurs et tous les contrastes souhaitables.
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Franz Liszt (1811-1886) : Die Lorelei ; Die drei Zigeuner (S. 374) ; Die Vätergruft (S.281) ; Weimars Toten (S.303) ; Le Juif Errant ; Der Titan (S.79). Franz Liszt d’après Franz Schubert (1797-1828) : Die junge Nonne ; Gretchen am Spinnrade ; Mignons Lied ; Erlkönig ; Der Doppelganger. Sunhae Im, soprano ; Stephanie Houtzeel, mezzo-soprano ; Thomas Hampson, baryton ; Tomasz Konieczny, baryton ; Chorus Viennensis ; Orchester Wiener Akademie, direction : Martin Haselböck. 1 CD Aparté. Enregistré en octobre 2021 et octobre 2022 au Lisztzentrum de Raiding en Autriche. Notice de présentation en allemand, anglais et français. Pas de texte des poèmes. Durée : 60:00
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