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Hamlet de Brett Dean, décevant spectacle d’ouverture du festival d’opéra de Munich

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Munich. Nationaltheater. 1-VII-2023. Brett Dean : Hamlet, opéra en deux actes sur un livret de Matthew Jocelyn d’après Shakespeare. Mise en scène : Neil Armfield ; décor : Ralph Myers ; costumes : Alice Babidge. Avec Allan Clayton (Hamlet), Caroline Wettergreen (Ophelia), Rod Gilfry (Claudius), Sophie Koch (Gertrude), Charles Workman (Polonius), Jacques Imbrailo (Horatio), John Tomlinson (Fantôme, Fossoyeur, Acteur 1), Sean Panikkar (Laertes), Patrick Terry (Rosencrantz), Christopher Lowrey (Guildenstern)… Chœur de l’Opéra de Bavière, Orchestre national de Bavière ; direction : Vladimir Jurowski

Trois heures d'ennui pesant grèvent la soirée, où une mise en scène désuète ne fait que souligner les faiblesses d'une partition terriblement pauvre.

Créé à Glyndebourne en 2017, Hamlet arrive à Munich par la volonté de , qui l'avait commandé et créé après en avoir suivi la composition. C'est une très bonne chose que l'opéra contemporain bénéficie désormais d'une pareille exposition, mais ce n'est pas vraiment une consolation après près de trois heures d'une platitude musicale qui ferait presque regretter le kitsch en Technicolor de La Tempête de Thomas Adès.

et son librettiste font preuve d'un pieux respect face à leur source : la surabondance de texte confine au bavardage, et le choix de respecter la langue élisabéthaine n'arrange rien. Seule exception, le traitement réservé au monologue To be or not to be est le comble du snobisme, purement et simplement éliminé à part quelques réminiscences dont les premiers mots de l'opéra, … or not to be… : il est vrai que Dean ne se préoccupe ici guère de psychologie, d'intimité, d'affres intérieurs. La question se pose après la représentation plus fortement qu'avant : pourquoi diable choisir d'écrire un opéra sur Hamlet ?

a eu, semble-t-il, des moyens presque illimités, en matière de durée, de nombre de solistes, de chœur, d'orchestre, et il en a abusé à bien mauvais escient : ce qu'il construit est moins une partition orchestrale qu'un sound, qu'une atmosphère sonore unique où la fusion des timbres de l'orchestre semble primer sur toute autre préoccupation – on est parfois soulagés d'entendre une couleur de cordes ou de clarinettes émerger dans ce magma, mais l'impression de saturation permanente, aggravée par un recours excessif au chœur, a de quoi épuiser les spectateurs. Peut-être Dean a-t-il en tête l'orchestre paroxystique des Soldats de Zimmermann, ou, pour en rester à Shakespeare, du Lear de Reimann (remarquablement monté dans la même maison il y a peu), mais chez l'un comme chez l'autre l'orchestre ne vient pas s'interposer entre les spectateurs et les personnages, et surtout son écriture est infiniment plus fluide, plus variée dans ses textures et dans ses couleurs, au service de chaque scène et non comme ici d'une impression d'ensemble. Il y a une réelle ambition dans la partition, et on sent qu'il se passe toujours quelque chose dans ce flux sonore, ne serait-ce que par la multiplication des sources sonores (en plus du chœur, des solistes et de l'orchestre, il y a un ensemble vocal intégré dans l'orchestre, deux trios instrumentaux répartis dans la salle, et de l'électronique) mais toutes les multiples intentions du compositeur finissent par s'annuler mutuellement. Oui, il se passe sans cesse quelque chose, mais à quoi bon ?

Les solistes ne sont pas aidés par ce constant déferlement sonore, d'autant que l'écriture vocale ne fait rien pour individualiser les personnages. est ainsi trop occupée à lutter contre l'orchestre pour pouvoir rendre émouvant son personnage de Gertrude ; de même, la tentative de traiter en duo comique les deux traîtres Gildenstern et Rosencrantz, par la voix de deux contre-ténors, échoue faute de soutien dans l'orchestration. , en Ophelia, est loin de la présence vocale de la créatrice du rôle, Barbara Hannigan, si tant est qu'on puisse comparer un témoignage enregistré à une prestation scénique. Dean lui donne une occasion de briller avec la scène de folie au début du deuxième acte, mais elle reste transparente pendant tout le reste de l'opéra et ne peut faire mieux que des notes, sans donner consistance au personnage.

Même , accueilli par des ovations aux saluts, ne peut sortir son rôle de la gangue orchestrale : Hamlet est dans l'opéra un observateur cynique qui ne laisse guère de place à la mélancolie, mais il a beau se démener, on se dit qu'il se donne beaucoup de mal pour un résultat qui reste terne. Le seul qui réussit à acquérir une véritable présence, avec peut-être (Polonius), est le vétéran , dont les Wotan sur la même scène restent inoubliables, et qui dans son triple rôle (du spectre au fossoyeur) est à la hauteur du drame shakespearien, humour compris.

Pour couronner le tout, la mise en scène n'est autre que celle de la création. Peut-être desservie par le transfert de la petite scène de Glyndebourne au grand plateau du Nationaltheater, elle apparaît ici comme un sommet de convention théâtrale, dans des décors de salle de bal aristocratique vus et revus (et pour montrer le théâtre dans le théâtre on retourne les éléments du décor qui dévoilent leur structure, quelle audace !). La scène paraît souvent surchargée, parfois vide, et la direction d'acteurs se limite à une mise en place sommaire qui ne contribue décidément pas à donner un sens au spectacle. Que , qui dirige la partition avec son enthousiasme habituel, ait été encouragé par le succès critique de la création à importer ce spectacle peut se comprendre, mais l'ensemble tombe à plat hors d'une Angleterre qui, au moment où la mécanique implacable commençait à se mettre en place, pouvait par cet Hamlet se rassurer par la célébration de son mythique patrimoine. L'ennui devient de plus en plus implacable au fil du spectacle ; les spectateurs qui sont partis à l'entracte ont manqué quelques-unes des meilleures scènes, la folie d'Ophélie ou la scène du fossoyeur, mais il est difficile par moments de ne pas les envier.

Crédits photographiques : © Wilfried Hösl

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