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Saint François d’Assise nomade à Stuttgart

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Stuttgart. Opernhaus. 25-VI-2023. Olivier Messiaen (1908-1992) : Saint François d’Assise, opéra sur un livret du compositeur. Mise en scène : Anna-Sophie Mahler ; décor : Katrin Connan ; costumes : Pascale Martin. Avec : Beate Ritter (Ange), Michael Mayes (Saint François), Moritz Kallenberg (Lépreux), Danylo Matviienko (Frère Léon), Elmar Gilbertsson (Frère Massée), Gerhard Siegel (Frère Élie, voix enregistrée), Marko Špehar (Frère Bernard), Elliott Carlton Hines (Frère Sylvestre), Anas Séguin (Frère Rufin). Chœur de l’Opéra de Stuttgart ; Staatsorchester Stuttgart, direction : Titus Engel

La mise en scène d' est une prouesse logistique plus qu'une interprétation construite.

La metteuse en scène a vu grand pour les huit heures que dure la représentation. L'Opéra de Stuttgart ne lui suffit pas : après les deux premiers tableaux, le public se met en route pour rejoindre les hauteurs du Killesbergpark, magnifique parc urbain, pour les trois tableaux suivants, avant de redescendre à l'Opéra pour les deux derniers. On suit donc l'opéra d'abord avec l'orchestre sur la scène et les chanteurs sur le proscenium, puis en montant les pentes du parc sous forme enregistrée, ensuite sur la scène en plein air du Killesberg (avec l'orchestre lui aussi présent, mais naturellement avec amplification), et enfin à l'Opéra avec l'orchestre en fosse : entre les différentes parties, on oublie un peu ce qu'on est venu faire là. La valeur ajoutée est surtout le chant des oiseaux qu'on entend à travers les écouteurs fournis et autour de la scène en plein air, mais c'est bien peu pour un tel déploiement de moyens.

s'intéresse beaucoup aux situations d'écoute et à la relation entre public et musiciens, c'est plus qu'évident, mais son intérêt pour l'opéra de Messiaen se limite trop à des aspects plus extérieurs, la construction en huit stations ou le lien avec la nature, qui font du spectacle une expérience all inclusive au moins autant que la rencontre avec une œuvre. Comme toutes les mises en scène après celle de la création, elle s'écarte de la littéralité naïve que voulait Messiaen, à juste titre, mais il ne suffit pas de remplacer les rites chrétiens par ceux d'une sorte de communauté baba cool pour rendre visibles les enjeux d'une œuvre difficile à faire exister sur scène.

Pendant l'essentiel de la journée, au contraire, on assiste à une mise en espace(s) fluide, un peu trop agitée dans la partie en plein air : Mahler souligne avec une insistance contre-productive la suspension de la coupure entre scène et salle, qui n'est pas franchement une invention récente. Il y a une certaine beauté dans le premier tableau, où le proscenium est seulement orné d'un lièvre mort, animal totémique de la peur qu'expriment les premiers mots de l'opéra. Dans la suite de la scène, cet animal aura droit à un enterrement, plein de la compassion franciscaine pour les êtres les plus humbles. La mise en scène, hélas, ne fait rien pour rendre compréhensible la monumentalité pour le moins maladroite des deux dernières scènes (stigmates et mort).

L'interprète du rôle-titre est l'autre problème majeur de la soirée. Certes, le souvenir irradiant de José van Dam ne doit pas empêcher d'autres musiciens de s'approprier ce rôle, mais manque à tout point de vue de la clarté (dans la diction comme dans le timbre) qui faisait toute la force de l'incarnation du créateur du rôle. Sa voix est trop engorgée, sa diction trop peu assurée pour donner consistance au personnage, et il finit cette longue journée à bout de souffle, privant la scène finale d'une bonne partie de son émotion. Mayes tente visiblement de donner une vision plus humaine, plus chaleureuse du personnage, ce qui est bienvenu, mais ses limites vocales ne lui permettent pas d'aller jusqu'au bout. chante l'Ange, le personnage le plus émouvant de l'œuvre, dont la plus belle scène est hélas celle que nous entendons sur écouteurs : la lumière du rôle et son émotion sont présentes, mais là encore la diction n'est pas assez nette pour la mettre au niveau de Christiane Eda-Pierre ou de Christine Schäfer. Les différents frères, eux, sont beaucoup plus convaincants, à commencer par Marko Špehar et , mais c'est le Lépreux de Moritz Kalleberg qui offre les plus beaux moments d'émotion de la soirée. La réussite musicale de l'ensemble est entre les mains de , fidèle défenseur de tous les répertoires contemporains, qui donne à la musique de Messiaen un naturel et une éloquence remarquables, avec un orchestre qui le suit idéalement.

Mais on finira pourtant par un regret. Certes, il est méritoire pour une maison comme l'Opéra de Stuttgart de monter des spectacles aussi ambitieux et de remettre l'opéra de Messiaen au centre de toutes les attentions. Mais, comme chacune des trois productions à l'Opéra de Paris, comme le spectacle de Hermann Nitsch à Munich (donné trois fois seulement !), ce spectacle festivalier ne sera sans doute jamais repris en raison de sa complexité. Le monde de l'opéra, en cette période d'après-Covid, peut-il continuer à fonctionner par des coups de ce genre, prestigieux et frappants, pour spectateurs avertis ? Ne serait-il pas plus que jamais temps de penser en termes de construction de répertoire, de fidélisation du public, de conquête de nouveaux spectateurs, plutôt qu'en termes de prestige et d'attention médiatique ?

Photos : © Martin Sigmund

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Stuttgart. Opernhaus. 25-VI-2023. Olivier Messiaen (1908-1992) : Saint François d’Assise, opéra sur un livret du compositeur. Mise en scène : Anna-Sophie Mahler ; décor : Katrin Connan ; costumes : Pascale Martin. Avec : Beate Ritter (Ange), Michael Mayes (Saint François), Moritz Kallenberg (Lépreux), Danylo Matviienko (Frère Léon), Elmar Gilbertsson (Frère Massée), Gerhard Siegel (Frère Élie, voix enregistrée), Marko Špehar (Frère Bernard), Elliott Carlton Hines (Frère Sylvestre), Anas Séguin (Frère Rufin). Chœur de l’Opéra de Stuttgart ; Staatsorchester Stuttgart, direction : Titus Engel

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