Fascinant Into the Hairy de Sharon Eyal à Montpellier Danse

Ultra condensée, la nouvelle création de Sharon Eyal et Gai Behar, Into the Hairy, est la sensation de Montpellier Danse. Un fascinant exercice de style pour sept danseurs virtuoses.

Collés, serrés, c'est une nuée d'insectes qui apparaît sur le plateau de l'Opéra Comédie de Montpellier. Ces sept danseurs virtuoses ne se désolidariseront pratiquement jamais du groupe compact, comme reliés entre eux par un fil invisible. Pendant 45 minutes intenses et très ramassées, ce septuor entreprend dans Into the Hairy un fascinant rituel organique aux feux sombres et presque sataniques.
Avec les reflets moirés de leurs carapaces, ils ressemblent aux centaines de scarabées collés côte à côte par Jan Fabre dans ses œuvres plasticiennes. Les yeux chargés de noir, ils avancent groupés. Leurs bras forment des antennes et leurs jambes se soulèvent comme des pattes d'insectes. Leur corps est recouvert d'une peau en dentelle ajourée en lycra noir, signée de la styliste Maria Grazia Churi, directrice artistique de Christian Dior Couture. Leurs ongles sont prolongés et ornés de bijoux qui scintillent dans l'obscurité du plateau.

La silhouette en S des danseurs et danseuses, torses bombés et reins creusés, est projetée vers l'avant par le déhanchement induit par la position sur demi-pointes, jambes fléchies, caractéristique du style de la chorégraphe israélienne. Cette posture inconfortable renforce le sentiment d'étrangeté de la chorégraphie, qui se déploie autour du centre, comme se tissent les rayons d'une toile d'araignée.

Petit à petit, les danseurs entament une métamorphose à la Kafka, se muant en organisme vénéneux et toxique, démultipliant leur tentative de phagocyter, d'avaler, l'autre. Deux personnages issus du monde animal : la reine et le mâle, établissent un rapport de force semblable à celui d'une mante religieuse, séduisant, puis avalant sa proie. L'organisme carnivore se referme alors sur lui-même, disparaissant dans le noir, et laissant les dernières notes de la partition de Koreless, un musicien britannique appartenant à la nouvelle génération des compositeurs de musique électronique, s'envoler vers les cintres de l'Opéra Comédie.

Cette nouvelle pièce de Sharon Eyal et son co-créateur Gai Behar pour le festival Montpellier Danse est un chef-d'œuvre ciselé, une pièce maîtresse qui met en scène un sacrifice rituel et sanguinaire, à retrouver en tournée, notamment du 12 au 14 avril 2024 à la Grande Halle de La Villette, à Paris.

Crédits photographiques : Into the Hairy © Katerina Jebb