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Le Roméo et Juliette grandiose et oxymorique de Thomas Jolly à l’Opéra Bastille

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Paris. Opéra Bastille. 20-VI-2023. Charles Gounod (1818-1893) : Roméo et Juliette, opéra en 5 actes (1867) sur un livret de Jules Barbier et Michel Carré d’après Shakespeare. Mise en scène : Thomas Jolly. Scénographie : Bruno de Lavenère. Lumières : Antoine Travert. Costumes : Sylvette Dequest. Chorégraphies : Josépha Madoki. Avec : Benjamin Bernheim, Roméo ; Elsa Dreisig, Juliette ; Jean Teigen, Frère laurent ; Léa Desandre, Stephano ; Huw Montague Rendall, Mercutio ; Laurent Naouri, Capulet ; Sylvie Brunet-Grupposo, Gertrude ; Maciej Kwaśnikowski, Tybalt ; Jérôme Boutillier, Duc de Vérone. Orchestre et Chœur de l’Opéra national de Paris, direction : Carlo Rizzi

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Avec cette nouvelle production de Roméo et Juliette de Gounod, mise en scène par , portée par et dans les rôles-titres et par à la baguette, l'Opéra national de Paris clôture superbement la saison, élégante façon de faire oublier quelques désagréments récents.

Les Roméo et Juliette de se suivent, mais ne se ressemblent pas ! Après la lecture assez minimaliste d'Éric Ruf à Rouen, c''est aujourd'hui la mise en scène imposante de qui est proposée pour refermer la saison à l'Opéra Bastille. Du théâtre à l'opéra, de Richard III à Macbeth Underworld, s'est affirmé comme un spécialiste de Shakespeare, grand utilisateur de l'oxymore comme figure de style et de pensée, dans ses comédies comme dans ses tragédies. Aussi ne nous étonnerons-nous pas outre mesure que le metteur en scène fasse de cette figure de style l'élément central de sa mise en scène, associant amour et mort, ténèbres et lumière, passion et haine, replaçant les amours mythiques des deux célèbres amants dans le contexte d'un épisode récurrent de peste afin d'en acutiser le drame.

La mise en scène s'ouvre sur un premier tableau représentant un charnier, où s'activent médecins au nez d'oiseau, fumigations et charrettes, qui rappelle l'épidémie de peste sévissant à Vérone, unique allusion à une quelconque problématique sociétale qui s'effacera bientôt pour laisser place à une scénographie grandiose reproduisant le double escalier monumental de l'Opéra Garnier sur le plateau de l'Opéra Bastille (oxymore ou pléonasme ? Dualité comme un rappel de la haine ancestrale des deux familles ?), belle façon, quoi qu'il en soit, de renouer dans un clin d'œil avec la machinerie baroque et le Grand Opéra français du XIXe siècle. Il serait bien vain de chercher un quelconque message politico-social ou philosophique caché dans cette lecture au premier degré, théâtre d'illustration au plus près du livret, qui se résume à un gigantesque et formidable spectacle. Tout y est parfaitement réglé et rien ne manque dans la démesure : un décor unique installé sur une tournette qui se transformera au gré du déroulement de l'action en salle de bal, en chapelle ou en pont sous lequel s'engagera une barque qui servira successivement à l'embarquement pour Cythère et de tombeau, voguant ainsi de la vie à la mort. Cet imposant dispositif scénique sombre dû à Bruno de Lavenère est tour à tour éclairé par des impressionnants candélabres diffusant une lueur crépusculaire, ailleurs transpercé par les éclairages tranchants d'Antoine Travert. Les costumes somptueux, très colorés, conçus par Sylvette Dequest, d'allure baroque ou gothique, participent également de la fête théâtrale, au même titre que les chorégraphies bien réglées de Josépha Madoki (peut être trop nombreuses car gênant parfois la lisibilité du plateau) dont on retiendra tout particulièrement le grand ballet de l'acte IV et celui du poison où apparaissent des doubles fantomatiques de Juliette dans une vision cauchemardesque. Thomas Jolly connait son sujet et la direction d'acteur n'a rien à envier dans sa magnificence à la superbe et opulente scénographie, notamment durant les scènes de combats très acrobatiques.

Dans la fosse, conduit l'orchestre avec beaucoup de relief, de souplesse et d'autorité dans une lecture riche en couleurs, en nuances rythmiques et dynamiques, alternant drame et passion, toujours en parfait équilibre avec les chanteurs.

La distribution vocale de haut niveau, relativement homogène, est largement dominée par (Roméo) et (Juliette), tous deux parfaitement crédibles dans l'incarnation du couple mythique par leur jeunesse, leur implication scénique sans faille, leur diction irréprochable et par la qualité de leur chant qui donne toute sa superbe dans les quatre duos d'amour. Si campe un Roméo plus vrai que nature par la beauté et l'élégance de son timbre, par son legato et son souffle infini, affirmé dès sa fameuse cavatine « Ah ! Lève-toi soleil ! », on admire dans la même mesure la facilité vocale confondante, la fraicheur et les couleurs de la voix d', depuis le lyrisme enflammé de sa célèbre ariette « Je veux vivre » jusqu'au dramatisme douloureux et ô combien périlleux de « Amour, ranime mon courage » à l'acte IV.

Face à eux, le frère Laurent de semble moins convaincant vocalement par manque de graves que son homologue rouennais Jérôme Varnier. Le Tybalt de impressionne par son autorité vocale tandis que le Mercutio de nous gratifie d'une belle Ballade de la Reine Mab. donne au personnage de Capulet beaucoup de relief par son allant dans la scène du bal comme par son intransigeante autorité dans celle l'opposant à Juliette. en Stephano ne parvient pas, malgré la beauté de son chant, à égaler l'irrésistible prestation du contre ténor Bruno de Sá à Rouen dans la pétillante chanson de la « blanche tourterelle ». Dans les seconds rôles, la Gertrude de manque un rien d'ampleur vocale, tandis que Jérôme Boutiller en Duc de Vérone assure avec une autorité non contestable son rôle de justicier. Malgré quelques imprécisions dans le chœur du Prologue, le chœur de l'Opéra de Paris achève de participer au succès de cette nouvelle production chaleureusement acclamée par le public !

Crédit photographique : © Vincent Pontet / Opéra national de Paris  

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Paris. Opéra Bastille. 20-VI-2023. Charles Gounod (1818-1893) : Roméo et Juliette, opéra en 5 actes (1867) sur un livret de Jules Barbier et Michel Carré d’après Shakespeare. Mise en scène : Thomas Jolly. Scénographie : Bruno de Lavenère. Lumières : Antoine Travert. Costumes : Sylvette Dequest. Chorégraphies : Josépha Madoki. Avec : Benjamin Bernheim, Roméo ; Elsa Dreisig, Juliette ; Jean Teigen, Frère laurent ; Léa Desandre, Stephano ; Huw Montague Rendall, Mercutio ; Laurent Naouri, Capulet ; Sylvie Brunet-Grupposo, Gertrude ; Maciej Kwaśnikowski, Tybalt ; Jérôme Boutillier, Duc de Vérone. Orchestre et Chœur de l’Opéra national de Paris, direction : Carlo Rizzi

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