À Rouen, Roméo et Juliette de Charles Gounod : si ce n’est toi, c’est donc ton frère !
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Rouen. Théâtre des Arts. 15-VI- 2023. Charles Gounod (1818-1893) : Roméo et Juliette, opéra en 5 actes sur un livret de Jules Barbier et Michel Carré d’après Shakespeare. Mise en scène et scénographie : Éric Ruf. Costumes : Christian Lacroix. Lumières : Bertrand Couderc. Chorégraphie : Glyslein Lefever. Avec : Amitai Pati, Roméo ; Olga Kulchynska, Juliette ; Jean-Fernand Setti, Le Comte Capulet ; Philippe-Nicolas Martin, Mercutio ; Bruno de Sá, Stéphano ; Jérôme Varnier, Frère Laurent ; Sarah Laulan, Gertrude ; Julien Henric, Tybalt ; Arnaud Richard, Gregorio ; Halidou Nombre, Le Duc de Vérone ; Vincent Eveno, Le Comte Pâris ; Benoit-Joseph Meier, Benvolio ; Julien Clément, Frère Jean. Chœur Accentus /Opéra de Rouen Normandie. Orchestre de l’Opéra de Rouen-Normandie, direction : Pierre Dumoussaud
L'Opéra de Rouen-Normandie reprend la production de Roméo et Juliette mise en scène par Éric Ruf, donnée à l'Opéra-Comique. Mais attention, un Pati peut en cacher un autre, car c'est ce soir Amitai Pati, et non son frère Pene Pati, qui endosse le rôle-titre face à la belle Juliette d'Olga Kulchynska.
Cette coproduction aura connu bien des déboires liés à la pandémie avec au jeu des chaises musicales la famille Pati remplaçant Jean-François Borras initialement prévu dans le rôle-titre. Mais après tout qu'importe le flacon, s'il est de qualité, pourvu qu'on ait l'ivresse ! Et l'ivresse c'est bien la musique de Charles Gounod qui nous l'apporte à profusion dans cet opéra célèbre, crée en 1867 au Théâtre-Lyrique du Chatelet à Paris. Un opéra qui ne compte pas moins de quatre duos d'amour dont le succès jamais démenti dépendra toujours du couple vedette, charismatique par la voix et par la jeunesse.
Dans sa note d'intention Éric Ruf nous dit vouloir prendre quelques distances avec le romantisme de l'ouvrage de Gounod pour s'attacher à « l'urgence à vivre » qui anime les deux héros… Aussi transpose-t-il l'action loin de Vérone et de la Renaissance pour la situer dans l'Italie du Sud pendant l'entre deux guerres, période où la vendetta fait rage entre les clans des différentes familles, donnant ainsi plus de relief à l'aspect sociétal du livret. Il reprend, dans un souci d'économie et de respect écologique pour cette version lyrique réactualisée, les décors, les costumes et la mise en scène déjà utilisée pour la version théâtrale donnée en 2015 à la Comédie Française. En homme de théâtre confirmé, le comédien français met l'accent sur la direction d'acteur, tirée au cordeau, et sur l'occupation de l'espace scénique en profitant largement de la puissance de la musique et de l'importance des effectifs, notamment dans les scènes de combats et d'affrontements qui paraissent parfaitement réglés, dignes de West Side Story. La scénographie sobre est constituée d'un décor unique fait de façades claires défraichies qui se transforme successivement en salle de bal, en place de village, en balcon, en chambre ou encore en catacombes pour la scène finale.
Dans la fosse, Pierre Dumoussaud mène l'orchestre normand avec une vigueur haute en couleur alternant le drame et l'effusion lyrique dans un équilibre constant avec les chanteurs.
L'imposante distribution vocale, pièce maitresse de l'opéra, ne souffre d'aucun reproche, dominée par le couple vedette constitué du ténor Amitai Pati (Roméo) dont on admire le timbre onctueux, la diction, la souplesse de la ligne, la richesse en nuances avec de beaux aigus filés soutenus par un sublime legato, et de la soprano Olga Kulchynska (Juliette), superbe comédienne dotée d'une impressionnante agilité vocale dont le timbre quelque peu acide s'apparie parfaitement avec celui du ténor samoan dans les quatre duos d'amour successifs : celui de la rencontre au bal du I, celui plus passionné du balcon au II, celui plus sensuel de l'accomplissement du désir au IV, et enfin celui de l'ultime adieu de la scène finale au V. Face à eux, le Mercutio du baryton Philippe-Nicolas Martin nous offre une dynamique et brillante Ballade de la Reine Mab, tandis que le Frère Laurent de Jérôme Varnier impressionne par le charisme paisible et compatissant de sa basse profonde. Le baryton-basse Jean-Fernand Setti campe un Capulet plein d'entrain dans son invitation à la danse lors du bal initial. Bruno de Sá en Stéphano apporte une note comique par sa voix de contreténor et son implication scénique simulant la blanche tourterelle dans un irrésistible couplet « de dugazon » au III. Restent à saluer la Gertrude bien chantante de Sarah Laulan, le fringant Tybalt de Julien Henric et le juste Duc d'Halidou Nombre, ainsi que l'excellent chœur Accentus / Opéra de Rouen qui complètent avec brio cette belle production.
Crédit photographique : Marion Kerno : Agence Albatros
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Rouen. Théâtre des Arts. 15-VI- 2023. Charles Gounod (1818-1893) : Roméo et Juliette, opéra en 5 actes sur un livret de Jules Barbier et Michel Carré d’après Shakespeare. Mise en scène et scénographie : Éric Ruf. Costumes : Christian Lacroix. Lumières : Bertrand Couderc. Chorégraphie : Glyslein Lefever. Avec : Amitai Pati, Roméo ; Olga Kulchynska, Juliette ; Jean-Fernand Setti, Le Comte Capulet ; Philippe-Nicolas Martin, Mercutio ; Bruno de Sá, Stéphano ; Jérôme Varnier, Frère Laurent ; Sarah Laulan, Gertrude ; Julien Henric, Tybalt ; Arnaud Richard, Gregorio ; Halidou Nombre, Le Duc de Vérone ; Vincent Eveno, Le Comte Pâris ; Benoit-Joseph Meier, Benvolio ; Julien Clément, Frère Jean. Chœur Accentus /Opéra de Rouen Normandie. Orchestre de l’Opéra de Rouen-Normandie, direction : Pierre Dumoussaud