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Tchaïkovski et Liszt par Zubin Mehta et le RSO de Bavière : un bain d’héroïsme slave

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Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893) : Symphonie n° 5 op. 64. Franz Liszt (1811-1886) : Mazeppa. Orchestre symphonique de la Radio bavaroise, direction : Zubin Mehta. 1 CD BR Klassik. Enregistré en public à la Philharmonie am Gasteig, à Munich en février et mars 2013. Notice de présentation en anglais et allemand. Durée : 59:55

 

En concert, assure souvent le spectacle. Dans ces deux œuvres si démonstratives de Tchaïkovski et de Liszt, l' déploie la beauté et la puissance de ses pupitres. Pourtant, c'est avec Mazeppa que ce disque mérite avant tout d'être entendu.

Quatre versions de la Symphonie n° 5 de Tchaïkovski existent sous la baguette de . La première et la plus célèbre est celle réalisée, en 1967, dans le cadre de l'intégrale des symphonies avec le Philharmonique de Los Angeles (Decca). La nouvelle parution extraite des archives de la Radio de Munich paraît aujourd'hui en CD. Il est intéressant de la comparer avec deux autres lectures, l'une captée en 2017 par Arte Concert avec le Philharmonique d'Israël lors du Festival de Tsinandali et l'autre, disponible, la même année, avec le Philharmonique de Berlin (Digitalconcerthall.com).

Avec Los Angeles, Mehta réalisait une version massive, spectaculaire, tonitruante, “américaine” pour tout dire, dans le sens où le “show” des cuivres était assuré et l'émotion des cordes affirmée la main sur le cœur… Avec le Philharmonique d'Israël et en tournée, la construction des phrases est moins dans l'instant. Il est vrai que Mehta était alors âgé de 81 ans (il avait 31 ans à Los Angeles, ceci explique peut-être cela). L'orchestre s'ouvre progressivement avec des cordes « schleppend » (paresseuses) puis une belle fusion des timbres de la petite harmonie. Point de solistes exceptionnels comme à Munich ou Berlin, mais un élan qui dessine le fatum dans une progression dramatique constante.

Sous la baguette de Mehta, deux orchestres s'imposent et de manière fort différente : le Philharmonique de Berlin et le Symphonique de la radio de Bavière. Avec Berlin, c'est l'élégance des phrases, un art de la suggestion et des couleurs splendides. L'esprit de la symphonie emprunte aux atmosphères de La Dame de Pique. Mehta avec Berlin demeure bien plus marquant que Kirill Petrenko avec la même formation.

Tout aussi instructive est la comparaison avec deux autres interprétations du RSO de Bavière, avec deux autres chefs et captées également en concert : il s'agit de Paul Kletzki en 1967 (Emi, collection Great Conductors) et Mariss Jansons en 2009 (BR Klassik). Si les timbres de l'orchestre si caractéristiques sont restés presque à l'identique, les conceptions sont très différentes entre Kletzki, Jansons et Mehta. Dans une prise de son “hénaurme”, Kletzki est un narrateur proprement génial, animant chaque mouvement comme s'il s'agissait d'une succession de fresques. Quel engagement, quelle prise de risques et quelle hauteur de vue si touchante ! Que ce soit dans son intégrale avec Oslo (Chandos) ou bien, dans quelques opus en concert avec le RSO de Bavière, Mariss Jansons inscrit sa démarche dans la filiation d'un Mravinsky dont il fut l'assistant à Léningrad : clarté du développement pensé comme une arche et richesse des respirations intérieures au sein d'une même phrase. Pas une baisse de tension ne rompt la magie dans un orchestre compact, d'une beauté irradiante (quelle valse !), mais avec le contrôle absolu de la passion qui était débordante chez Kletzki.

offre un dialogue chambriste. On ne sait s'il s'agit d'un choix déterminé tant les pupitres prennent le temps de s'installer à l'instar de la clarinette devenue instrument quasi-concertant. Mehta multiplie les épisodes, les dialogues entre la petite harmonie et les cuivres (somptueux cor solo). L'Andante prend les allures d'un concerto grosso ! Mehta associe le caractère pastoral à l'esprit du ballet. La liberté de la respiration, la finesse des détails, la netteté des sons bouchés des cors, le contrôle des dynamiques, tout cela est d'autant plus stupéfiant, que la prise de son est fouillée. Le troisième mouvement paraît un peu “extérieur” sans véritable enjeu. On ressent l'expression de la puissance de l'orchestre et une joie intérieure qui a évacué tout drame. Nulle précipitation et presque une certaine lourdeur dans le finale retenu de manière excessive. Avec une telle formation, cela crée, paradoxalement, un effet de tension saisissant. Une apothéose sous contrôle.

Mazeppa est le sixième poème symphonique de Liszt d'après Victor Hugo (poème extrait des Orientales). En 1994, et avec le Philharmonique de Berlin, Mehta réalisait, pour Sony, une splendide version, exprimant la pensée du compositeur qui ne chercha pas à transcrire une action, mais la dimension psychologique et philosophique d'une situation historique, en l'occurrence, de la légende du Polonais Ivan Stepanovitch Mazeppa, chef des cosaques d'Ukraine. Liszt ne nous présente que la partie la plus violente du récit décrite comme l'homme mortel lié à la selle du génie. Le leitmotiv attaché au héros subit d'incessantes métamorphoses. L'Allegro agitato s'amplifie jusqu'à la chute du cavalier dont les cordes, le basson puis le cor expriment le désarroi (Andante). La délivrance par les cosaques (Allegro marziale) lance le finale, en une splendide apothéose. Presque deux décennies plus tard et avec deux minutes de moins à l'horloge, Mehta offre la lecture de référence moderne de la partition, bouillonnante de vie, passionnée et “sanguinaire”. La prise de son (littéralement de “démonstration”) nous place au cœur de l'orchestre magnifié par des pupitres lancés sans retenue, rauques et étincelants. Nous voici plongés dans un combat épique. Grisant !

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Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893) : Symphonie n° 5 op. 64. Franz Liszt (1811-1886) : Mazeppa. Orchestre symphonique de la Radio bavaroise, direction : Zubin Mehta. 1 CD BR Klassik. Enregistré en public à la Philharmonie am Gasteig, à Munich en février et mars 2013. Notice de présentation en anglais et allemand. Durée : 59:55

 
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