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Féérique Veille de Noël à Francfort avec Rimski-Korsakov

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Nikolaï Rimski-Korsakov (1844-1908) : La Veille de Noël, opéra en quatre actes, sur un livret du compositeur d’après la nouvelle de Nicolas Gogol La Nuit avant Noël. Mise en scène : Christof Loy. Décor : Johannes Leiacker. Costumes : Ursula Renzenbrink. Lumières : Olaf Winter. Chorégraphie : Klevis Elmazaj. Georgy Vasiliev, ténor (Vakula) ; Julia Muzychenko, soprano (Oksana) ; Enkelejda Shkoza, mezzo-soprano (Sohkola / Femme au nez violet) ; Alexey Tikhomirov, basse (Chub) ; Andrei Popov, ténor (le Diable) ; Anthony Robin Schneider, ténor (Panas) ; Sebastian Geyer, ténor (le Maire) ; Peter Marsch, ténor (le Diacre) ; Bianca Andrew, soprano (la Tsarina) ; Thomas Faulkner, basse (Patsyuk) ; Barbara Zechmeister, mezzo-soprano (le Femme au nez normal) ; Gorka Culebras et Pascu Ortì, danseurs ; Chœur (chef de chœur : Tilman Michael) et Frankfurter Opern- und Museumsorchester, direction : Sebastian Weigle. 1 DVD Naxos. Enregistré du 17 au 19 décembre 2021 à l’Opéra de Francfort. Sous-titres : anglais, allemand, français, coréen et japonais. Notice de présentation de 20 pages bilingue (anglais, allemand). Durée : 153:13

 

L'Opéra de Francfort apporte une pierre de taille à la réhabilitation des opéras de avec cette Veille de Noël sous les houlettes inspirées de et de .

Les opéras du compositeur russe, principalement reconnu pour son génie symphonique (inusable Sheherazade) et pour son rôle (aujourd'hui contesté) d'orchestrateur de Moussorgski, refont progressivement surface. Et leur spécificité apparaît désormais en pleine lumière. Si leur inspiration mélodique, en-deçà de celle de Boris Godounov ou d'Eugène Onéguine, se voit contrainte de puiser dans le répertoire populaire, leur opulence instrumentale envoûte instantanément. A l'opposé de l'intimisme tchaïkovskien, ils brillent généralement par leur ambition panthéiste, voire, comme dans cette Veille de Noël, rien moins qu'une volonté d'englober le cosmos.

La Veille de Noël, créé en 1895, reprend le conte éponyme de Gogol (déjà fourbisseur en 1880, de l'argument d'une autre nuit rimskienne, celle de Mai) sur lequel s'était déjà penché Tchaïkovski (Vakula le forgeron et son avatar révisé Les Souliers de la Reine). Rimski-Korsakov, sur son propre livret, narre en musique, non seulement l'amour du forgeron Vakula pour la belle Oksana, ceux de Solokha, maîtresse en séduction de tous les notables du village de Dikanka, mais élargit le spectre avec celui du Dieu du Printemps pour la Déesse vierge Kolyada, la réunion des deux divinités permettant de faire advenir le solstice, sous le regard du Diable en personne, quant à lui fort marri que plus personne ne croie en lui.

Vaste programme donc pour les 2H30 du cinquième des quatorze opéras de Rimski-Korsakov ! Grinçant comme Le Nez (autre conte urbain de Gogol), lyrique comme La Fille des neiges, mais également cosmique, La Veille de Noël, version , offre comme ces boules à neige que l'on retourne enfant, le pur émerveillement d'un maelström d'atmosphères. Le metteur en scène allemand a comme saisi ce voyage intimo-spatial, où le terre à terre prend régulièrement de la hauteur, dans l'obturateur de l'appareil-photo de nos aïeux, dont les plaques sont agrandies aux dimensions d'un rideau de scène dans un jeu positif/négatif : blanc pour les intérieurs aux murs percés d'étoiles, noir pour les espaces infinis constellés d'astres en rotation. Un fort bel espace mental que cette chambre obscure poétiquement meublée (une armoire, un sapin, et même une Lune), où un système de filins, pas toujours saisis à bonne distance par un filmage qui en brise la magie (notre seule réserve à l'endroit du filmage habile de Myriam Hoyer), propulse en apesanteur un scénario où diable, sorcière et divinité dansante sont conviés à fendre les airs. L'humour ravageur de Gogol élargit la palette d'un metteur en scène que l'on n'a pas souvenir d'avoir souvent rencontré sur ce terrain. Gogol dont Loy, reconnaissant, fait exhiber in fine le portrait exécuté par Vakula, forgeron mais aussi peintre amateur, ce qui permet d'inviter l'auteur russe à partager la liesse des festivités de cette Veille de Noël que lui-même avait couchée sur le papier.

En contrebas de cette belle vision poétique, l'Orchestre de l'Opéra et du Musée de Francfort en impose. anime puissamment une partition qui a tout pour séduire : des scènes de comédie à la Feydeau, des grands ensembles choraux célébrant Noël, de conséquentes plages de musique pure, des fins d'actes galvanisantes. La Veille de Noël donne à chacun de ses onze solistes matière à exister. L'on est immédiatement transporté dans le mythe de la Russie chantée : le mezzo chaleureusement poitriné d', le diable nasal d', le Chub abyssal d'. Vocalement on donnerait sans hésiter la nationalité (vocale) russe aux pitoyables notables (, ), à la charmante Tsarina de . Tous et toutes n'étant pourtant que faire-valoir des deux jeunes premiers de ce touchant conte initiatique : le Vakula de , à la fois robuste et sensible, l'Oksana de , délicieuse inconséquente qui fait volte-face quand elle réalise qu'elle est allée trop loin, qui ne s'en laisse pas conter lorsqu'il s'agit de dominer le chœur maison en grande forme.

Jusque là quasi-seul aux commandes des opéras de son compatriote, Dmitri Tcherniakov, dont Le Tsar Saltan vient de triompher à l'Opéra du Rhin, avait eu à cœur de réhabiliter Rimski-Korsakov. Dans ce sillage étoilé, après Le Coq d'or croqué à Aix et Lyon par Barrie Kosky, voici, à Francfort, La Veille de Noël célébrée par .

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Nikolaï Rimski-Korsakov (1844-1908) : La Veille de Noël, opéra en quatre actes, sur un livret du compositeur d’après la nouvelle de Nicolas Gogol La Nuit avant Noël. Mise en scène : Christof Loy. Décor : Johannes Leiacker. Costumes : Ursula Renzenbrink. Lumières : Olaf Winter. Chorégraphie : Klevis Elmazaj. Georgy Vasiliev, ténor (Vakula) ; Julia Muzychenko, soprano (Oksana) ; Enkelejda Shkoza, mezzo-soprano (Sohkola / Femme au nez violet) ; Alexey Tikhomirov, basse (Chub) ; Andrei Popov, ténor (le Diable) ; Anthony Robin Schneider, ténor (Panas) ; Sebastian Geyer, ténor (le Maire) ; Peter Marsch, ténor (le Diacre) ; Bianca Andrew, soprano (la Tsarina) ; Thomas Faulkner, basse (Patsyuk) ; Barbara Zechmeister, mezzo-soprano (le Femme au nez normal) ; Gorka Culebras et Pascu Ortì, danseurs ; Chœur (chef de chœur : Tilman Michael) et Frankfurter Opern- und Museumsorchester, direction : Sebastian Weigle. 1 DVD Naxos. Enregistré du 17 au 19 décembre 2021 à l’Opéra de Francfort. Sous-titres : anglais, allemand, français, coréen et japonais. Notice de présentation de 20 pages bilingue (anglais, allemand). Durée : 153:13

 
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