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Metz. Opéra-Théâtre de l’Eurométropole de Metz. 2-VI-2023. Antonín Dvořák (1841-1904) : Rusalka, conte lyrique en trois actes sur un livret de Jaroslav Kvapil. Mise en scène : Paul-Émile Fourny. Décors : Emmanuelle Favre. Costumes : Giovanna Fiorentini. Lumières : Patrick Méeüs. Chorégraphie : Alba Castillo et Bryan Arias. Avec : Yana Kleyn, soprano (Rusalka) ; Insung Sim, basse (Vodník) ; Milen Bozhkov, ténor (le Prince) ; Emanuela Pascu, mezzo-soprano (Ježibaba) ; Irina Stopina, soprano (la Princesse étrangère) ; Marie-Camille Vaquié-Depraz, soprano (Premier Elfe) ; Rose Naggar-Tremblay, mezzo-soprano (Deuxième Elfe) ; Lidija Jovanović, mezzo-soprano (Troisième Elfe) ; Lamia Beuque, mezzo-soprano (Le Garçon de cuisine) ; Matthieu Lécroart, baryton (le Garde-forestier / Le chasseur). Chœur de l’Opéra-Théâtre de l’Eurométropole de Metz (cheffe de chœur : Nathalie Marmeuse ; direction : Michel Capperon). Ballet de l’Opéra-Théâtre de l’Eurométropole de Metz (cheffe de ballet : Laurence Bolsigner-May ; Maîtresse de ballet : Maud Wachter). Orchestre national de Metz Grand Est, direction : Kaspar Zehnder
Débarrassée des oripeaux du conte de fée, la mise en scène de Paul-Émile Fourny met l'accent sur les aspects fondamentaux de l'opéra de Dvořák. Servi par une très belle lecture orchestrale et un plateau sans faille, l'ouvrage est chaleureusement salué par le public messin.
Entre le kitsch des lectures traditionnelles de Rusalka, et leur cortège de lacs, dryades, clairs de lune et châteaux princiers, et les visions psychanalytiques destinées à dévoiler les sens cachés du texte, Paul-Émile Fourny a fait le choix d'une mise en scène esthétisante qui remet au centre de l'ouvrage les principaux enjeux du conte. Il s'agit bien, avec l'amour que se portent mutuellement le Prince et la nymphe Rusalka, d'une histoire qui met en scène l'impossibilité pour deux êtres qui s'aiment de résoudre sereinement les problèmes posés par la différence, par le choc des cultures et par l'incompréhension et l'incommunicabilité qui en résultent. Au froid glacial du monde aquatique dont est issue la jeune nymphe, suggéré ici par de splendides images vidéo projetées sur un rideau d'avant-scène et qui évoquent le fond du lac, s'oppose le monde supposé chaleureux des humains auxquels aspire Rusalka. Cette dernière demeure, hélas, irrémédiablement inaccessible aux feux de la passion qui animent le Prince et la Princesse Étrangère, lesquels seraient presque présentés comme les ardeurs futiles d'un monde voué au paraître et à l'illusion. La scénographie d'Emmanuelle Favre est en effet construite autour de reproductions du superbe casino de la ville de Constanța, en Roumanie, présenté dans cette lecture comme le château du Prince. Le premier acte propose en fond de scène une maquette de ce bâtiment, et le deuxième acte se situe à l'intérieur, devant la baie vitrée Art Nouveau qui illumine le plateau. Le troisième acte révélera le Prince endormi dans la maquette de son château. Dans cet univers de toute beauté, dont la binarité est parfaitement assumée et dont l'esthétique correspond idéalement à l'époque de la conception de l'opéra de Dvořák, évoluent différents personnages plus ou moins fantasmatiques, sortis tout droit de l'imaginaire de Paul-Émile Fourny, lui-même inspiré de l'esthétique néo-gothique d'un Tim Burton. Silhouettes sombres et inquiétantes, humains vêtus de noir et de rouge cramoisi, nymphe et elfes habillés de blanc, roi des Ondins en bleu aquatique. La direction d'acteurs, fluide et parfaitement contrôlée, montre une fois de plus l'engagement de tous les participants, ainsi que les bienfaits du travail d'équipe.
L'opéra de Dvořák est très bien défendu sur le plan musical, et le plateau ne souffre d'aucun point faible. Les rôles dits secondaires sont tous excellemment tenus, autant par les vétérans que par les jeunes chanteurs. Issus pour la plupart des pays d'Europe de l'Est, les protagonistes font valoir un chant plus athlétique que ce qu'on a l'habitude d'entendre dans cet opéra. Irina Stopina, en Princesse Étrangère, dispose désormais d'un instrument résolument spinto, et s'impose par l'ardeur de son jeu et de son chant. Plus lyrique, la voix chaude et richement timbrée d'Emanuela Pascu en Jezibaba contraste avec celle des chanteuses vieillissantes que l'on entend parfois dans ce rôle. Le Bulgare Milen Bozhov est un Prince vaillant et héroïque, à l'aigu parfois un peu court, mais tout à fait à sa place dans ce rôle. En Rusalka, la soprano dano-russe Yana Kleyn fait valoir elle aussi un instrument plutôt corsé, mais elle chante sa partie avec une belle musicalité. C'est sans doute au Vodnik de la basse sud-coréenne Insung Sim que l'on doit le plus beau chant, son instrument vibrant et superbement timbré rendant idéalement justice aux beaux airs de ce personnage. Très belles prestations également du Chœur et du Ballet de la maison, ainsi que de l'Orchestre national de Metz Grand Est. Sous la baguette à la fois lyrique et enflammée du chef Kaspar Zehnder, l'orchestre a révélé les splendeurs instrumentales d'une partition fortement inspirée par l'écriture wagnérienne, mais qui n'en garde pas moins ses spécificités empruntées au folklore slave. Une très belle soirée, chaleureusement fêtée par un public enthousiaste et, il convient de le noter, à nouveau particulièrement nombreux.
Crédit photographique : © Luc Bertau – Opéra-Théâtre Eurométropole de Metz
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Metz. Opéra-Théâtre de l’Eurométropole de Metz. 2-VI-2023. Antonín Dvořák (1841-1904) : Rusalka, conte lyrique en trois actes sur un livret de Jaroslav Kvapil. Mise en scène : Paul-Émile Fourny. Décors : Emmanuelle Favre. Costumes : Giovanna Fiorentini. Lumières : Patrick Méeüs. Chorégraphie : Alba Castillo et Bryan Arias. Avec : Yana Kleyn, soprano (Rusalka) ; Insung Sim, basse (Vodník) ; Milen Bozhkov, ténor (le Prince) ; Emanuela Pascu, mezzo-soprano (Ježibaba) ; Irina Stopina, soprano (la Princesse étrangère) ; Marie-Camille Vaquié-Depraz, soprano (Premier Elfe) ; Rose Naggar-Tremblay, mezzo-soprano (Deuxième Elfe) ; Lidija Jovanović, mezzo-soprano (Troisième Elfe) ; Lamia Beuque, mezzo-soprano (Le Garçon de cuisine) ; Matthieu Lécroart, baryton (le Garde-forestier / Le chasseur). Chœur de l’Opéra-Théâtre de l’Eurométropole de Metz (cheffe de chœur : Nathalie Marmeuse ; direction : Michel Capperon). Ballet de l’Opéra-Théâtre de l’Eurométropole de Metz (cheffe de ballet : Laurence Bolsigner-May ; Maîtresse de ballet : Maud Wachter). Orchestre national de Metz Grand Est, direction : Kaspar Zehnder