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La Sultane de l’amour ou l’orientalisme fantasmé dans la musique française

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Anères. Festival d’Anères. 27-V-2023. Film de Charles Burguet et René Le Somptier : La Sultane de l’amour. Œuvres de Jules Massenet (1842-1912), Camille Saint-Saëns (1835-1921) et Mel Bonis (1858-1937). Michel Lehmann, piano

Cinéma muet et piano parlant : voilà le leitmotiv depuis 23 ans du Festival d'Anères, situé au cœur d'un petit village de 170 habitants dans les Hautes-Pyrénées. Pour ce ciné-concert, c'est un duo entre les images de La Sultane de l'amour de Charles Burguet et René Le Somptier et l'orientalisme de la musique française de la fin du XIXe siècle que propose le pianiste .

Ciné-concert créé dans le cadre du nouveau rendez-vous toulousain « SYNCHRO, festival de ciné-concerts » porté par la Cinémathèque de Toulouse dont la première édition s'est déroulée en novembre dernier, La Sultane de l'amour matérialise le récent partenariat entre les deux festivals.

Film en noir et blanc sorti en 1919, La Sultane de l'amour a fait l'objet d'un long travail artisanal (50 personnes l'ont colorié à la main pendant 4 ans !) pour intégrer la couleur sur les cent mille images de ce film d'une heure quarante, tout cela afin de concurrencer la production cinématographique américaine de l'époque avant que le film tombe dans l'oubli. Dans les années 60, la Cinémathèque de Toulouse a retrouvé quelques copies du film chez des forains. Leur dépôt aux Archives françaises du film a permis d'envisager leur restauration. La dernière effectuée par le CNC et la Cinémathèque de Toulouse est présentée aujourd'hui aux festivaliers.

Responsable d'un programme de recherche « Cinémusique » consacré à l'accompagnement musical des films muets, inscrit sa démarche au cœur des pratiques des musiciens de l'époque, qui improvisaient souvent au cinéma, mais qui réalisaient également un patchwork d'œuvres du répertoire de la musique dite « classique », soit les Motion Picture Moods, selon l'intrigue du film qu'ils mettaient en musique, ou de diverses références toujours justifiées par les images projetées sur grand écran. C'est la deuxième pratique que choisit le pianiste depuis sa première collaboration il y a vingt ans avec la Cinémathèque de Toulouse (et la première au sein du Festival d'Anères !), avec donc une sélection de pièces qui initialement se suffisaient à elles-mêmes.

Pour réaliser ces sélections, s'impose quelques principes : aucune musique composée après la date du tournage du film, et donc ici pas au-delà de 1919 ; et de préférence de la musique dans la sphère culturelle du film, ici la musique française puisque le film est français. Le voyage dans le temps est de fait intégral !

Selon ces règles (succinctes il faut bien l'avouer), de nombreux compositeurs français de l'époque intéressés par l'orientalisme peuvent faire partie de l'aventure : Maurice Ravel, Claude Debussy, Florent Schmitt, etc. Mais leur Orient se construit selon des femmes fatales, des serpents, du venin et autres substances non-recommandées aujourd'hui encore… bien loin des contes des Mille et Une Nuits de cette princesse vertueuse convoitée par l'inquiétant sultan Malik et de son doux prince. Pour retranscrire musicalement l'orientalisme fantasmé des réalisateurs Charles Burguet et René Le Somptier, il a donc fallu remonter un peu plus dans le temps, soit la fin du XIXe siècle, où les compositeurs français ne s'intéressaient pas à l'authenticité du monde qu'ils retranscrivaient, mais cherchaient simplement à faire rêver leur auditoire depuis Paris. De fait, les tournures et autres gammes arabisantes sont très peu présentes durant cette heure et demi de musique.

Michel Lehmann déroule de cette manière un véritable duo entre le son et l'image, la musique de (1842-1912), de (1835-1921) et de (1858-1937) ne tenant pas seulement ici un rôle d'accompagnement, mais assurant dans l'intrigue un rôle à part entière. L'atmosphère choisie par le pianiste anticipe parfois les rebondissements de ce conte sorti tout droit des Mille et Une Nuits. L'enchantement est total, pour une complémentarité idéale entre le cinéma muet et le piano parlant.

Crédits photographiques : La Sultane de l'amour © Cinémathèque de Toulouse ; Michel Lehmann © Jean-Jacques Ader

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Anères. Festival d’Anères. 27-V-2023. Film de Charles Burguet et René Le Somptier : La Sultane de l’amour. Œuvres de Jules Massenet (1842-1912), Camille Saint-Saëns (1835-1921) et Mel Bonis (1858-1937). Michel Lehmann, piano

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