Audio, Opéra, Parutions

L’Egisto de Cavalli par Le Poème Harmonique : la grâce

Plus de détails

Pier-Francesco Cavalli (1602-1676) : Egisto, favola drammatica musicale en un prologue et trois actes, sur un livret de Giovanni Faustini. Marc Mauillon, ténor (Egisto) ; Zachary Wilder, ténor (Lidio) ; Sophie Junker, soprano (Clori) ; Ambroisine Bré, mezzo-soprano (Climene) ; David Tricou, ténor (La Notte / Apollo) ; Romain Bockler, ténor (Hipparco) ; Eugénie Lefebvre, soprano (Aurora / Amore / Hora) ; Nicholas Scott, ténor (Dema) ; Floriane Hasler, mezzo-soprano (Didone / Volupia) ; Caroline Meng, mezzo-soprano (Hero / Venere) ; Victoire Bunel, soprano (Semele / Cinea) ; Marielou Jacquard, mezzo-soprano (Bellezza / Fedra) ; Le Poème Harmonique, direction : Vincent Dumestre. 2 CD Château de Versailles Spectacles. Enregistrés à l’Opéra Royal du Château de Versailles du 17 au 22 mars 2021. Notice de présentation en italien, français, anglais. Durée totale : 125:50

 

Les Clefs ResMusica

Château de Versailles Spectacles confie à l'opportunité de poursuivre au disque le geste artistique qu'il avait entamé en 2012 à l'Opéra Comique avec la fable dramatique du maître de l'opéra vénitien.

Deuxième des dix collaborations de Faustini (futur librettiste de La Calisto) avec Cavalli, L'Egisto, créé à Venise, au Théâtre Cassiano, en 1643, année de la mort de Monteverdi, est emblématique de l'opéra vénitien : un cadre bucolique (ici une île de la tentation amoureuse), des allégories, une nourrice pétrie d'expérience (et, comme chez Monteverdi, très gâtée par la partition), et surtout une scène de folie (la plus longue, nous apprend Dumestre, de l'histoire de la musique). L'Egisto fait même appel à quelques fracassées du sentiment (Didon, Phèdre, Semele…) bien décidées à en découdre avec cet Amore récalcitrant, cette fois occupé à tirer ses sempiternelles flèches entre Egisto, Cloris, Climène et Lidio.

Par-delà un prologue immédiatement accrocheur, la partition recèle moult sommets : le Or che del ciel ne le stelle piaggie d'Hipparco, le Amor, chi ti diè l'ali de Clori, le Col mio volto lusinghiero dialogué Beauté/Volupté, le Piangete occhi dolenti de Climène, sans oublier une mention spéciale au très « pluharesque » dialogue pastoral qui ouvre l'Acte III. Bien que l'extrême minceur de son intrigue (une double déconvenue amoureuse) est à deux doigts de le priver du qualificatif d'opéra, L'Egisto est d'une évidente inspiration musicale, surtout dans l'interprétation du Poème Harmonique, la magnificence du résultat musical apparaissant, à l'heure actuelle, la plus convaincante avocate de la nécessaire matérialité de l'objet discographique. L'instrumentarium (épinette, dulciane, lirone, chitarrino, théorbe, guitare baroque, colascione, archiluth, harpe triple, et même un « cornet muet » : énoncer, c'est vibrer déjà) ensorcelle aux mains du geste narratif de , qui, comme il l'a fait récemment pour Lully, sait si bien donner le sentiment, un fois abolies les frontières entre airs et récitatifs, de la mélodie continue.

On retrouve intact, au disque, l'Egisto déjà très engagé à la scène de . Déchirant dès le sublime balancement de Lascio io vivo, e non ho vita, diseur incomparable, le baryténor, qui entre-temps a aussi entrepris le grand voyage aux Enfers, est, dans le rôle de cet amant se prenant pour Orfeo à la recherche d'Eurydice, la figure de proue immédiatement identifiable d'une distribution pléthorique. L'Egisto nécessite un cheptel de douze chanteurs, certains devant aller jusqu'à incarner trois rôles : excepté le très gracieux Lidio de l'impeccable styliste , ou encore les Notte et Apollo du ténor de caractère , l'Hipparco bien typé de , l'accorte Dema de , le gynécée vocal, bien que totalement lumineux, apparaît quelque peu interchangeable, côté soprano (, Eugénie Lefèbvre, ) comme côté mezzo (, , Caroline Meung, ).

Dans le très beau coffret aux merveilles de cette première mondiale, on trouvera aussi un texte très éclairant de Jean-François Lattarico, un copieux livret illustré, un petit mot du chef, une prise de son ne faisant mystère de rien : voici un Egisto en état de grâce.

(Visited 658 times, 1 visits today)

Plus de détails

Pier-Francesco Cavalli (1602-1676) : Egisto, favola drammatica musicale en un prologue et trois actes, sur un livret de Giovanni Faustini. Marc Mauillon, ténor (Egisto) ; Zachary Wilder, ténor (Lidio) ; Sophie Junker, soprano (Clori) ; Ambroisine Bré, mezzo-soprano (Climene) ; David Tricou, ténor (La Notte / Apollo) ; Romain Bockler, ténor (Hipparco) ; Eugénie Lefebvre, soprano (Aurora / Amore / Hora) ; Nicholas Scott, ténor (Dema) ; Floriane Hasler, mezzo-soprano (Didone / Volupia) ; Caroline Meng, mezzo-soprano (Hero / Venere) ; Victoire Bunel, soprano (Semele / Cinea) ; Marielou Jacquard, mezzo-soprano (Bellezza / Fedra) ; Le Poème Harmonique, direction : Vincent Dumestre. 2 CD Château de Versailles Spectacles. Enregistrés à l’Opéra Royal du Château de Versailles du 17 au 22 mars 2021. Notice de présentation en italien, français, anglais. Durée totale : 125:50

 
Mots-clefs de cet article

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Reproduire cet article : Vous avez aimé cet article ? N’hésitez pas à le faire savoir sur votre site, votre blog, etc. ! Le site de ResMusica est protégé par la propriété intellectuelle, mais vous pouvez reproduire de courtes citations de cet article, à condition de faire un lien vers cette page. Pour toute demande de reproduction du texte, écrivez-nous en citant la source que vous voulez reproduire ainsi que le site sur lequel il sera éventuellement autorisé à être reproduit.