Les eaux célestes de Camille Pépin

Pour son nouvel album Les Eaux célestes, la compositrice Camille Pépin présente un ensemble d'œuvres inspirées par le cosmos en collaboration avec les musiciens de l'Orchestre national de Lyon.

Cinq compositions pour des effectifs allant de l'ensemble de douze musiciens à l'orchestre symphonique sont réunies dans ce disque. Toutes les pièces sont construites autour d'un programme et s'inscrivent ainsi dans la droite ligne du poème symphonique et de la musique narrative.

Aux Confins de l'orage fait intervenir le grand orchestre. Camille Pépin met en avant sa recherche de timbres célestes notamment par l'emploi de certaines percussions (vibraphone, cloche, crotales, gongs…), de la harpe et du célesta mais l'on se retrouve finalement face à une écriture orchestrale assez conventionnelle avec un orchestre-masse où les instruments fonctionnent par familles et l'union des cuivres et des cordes pour symboliser l'orage. L'œuvre, non exempte de lyrisme et d'une certaine beauté, s'inscrit dans la tradition d'un Bruckner ou d'un Sibelius avec des accents hollywoodiens.

Même si le morceau n'est pas explicitement qualifié comme tel, Les eaux célestes reprend les codes du poème symphonique, les quatre mouvements relatant les différents chapitres d'une légende chinoise. L'écriture, faisant des références explicites à Debussy, est plus transparente, moins ancrée dans le médium-grave et utilise davantage les solistes de l'orchestre. Là aussi, le style est narratif, filmesque même avec un final en apothéose.

Avant les éclats de l'aurore est une œuvre spatialisée pour douze musiciens qui sied bien au disque malgré forcément une perte d'effet par rapport à une écoute en concert. Les quatre mouvements sont inspirés d'un quatrain en tatar de Pouchkine. Camille Pépin a eu le souhait d'évoquer un halo sonore et récrée ainsi une musique impressionniste avec une recherche de couleurs orchestrales, de formules mélodies et rythmiques dont celle du deuxième mouvement rend hommage à Petrouchka de Stravinsky.

Laniakea pour orchestre symphonique évoque là aussi le cosmos car c'est le nom d'un superamas de galaxies. Ici encore, on a l'impression d'une musique de film à grand spectacle qui pourrait en effet se passer dans l'espace. On verrait presque les vaisseaux spatiaux traverser l'atmosphère. Cependant, malgré la densité de l'écriture et la nuance forte prédominante, l'esprit de l'auditeur va parfois s'égarer dans d'autres sphères célestes.

Enfin, La source d'Yggdrasil pour orchestre symphonique clôt le disque. La pièce se révèle finalement assez semblable à Aux confins de l'orage et à Laniakea de par ses répétitions de motifs rythmiques, ses moments de tutti forte en climax où l'orchestre est traité comme une masse et ses passages plus impressionnistes de recherches de couleurs sonores. Saluons ici, comme dans l'ensemble du disque, la qualité sonore de l'enregistrement ainsi que l'interprétation de l'Orchestre national de Lyon placé sous la direction de Ben Glassberg.

Au final, cet album déconcerte quelque peu du fait du style des œuvres présentées. Il y a une beauté et une force indéniables dans l'œuvre de Camille Pépin qui expliquent son succès mérité. Cependant, dans ce XXIᵉ siècle déjà bien entamé, on se retrouve face à un ensemble de pièces qui utilisent certes certains procédés compositionnels modernes mais qui s'inscrivent dans la droite ligne du tout premier XXᵉ siècle, comme si Debussy et Bruckner avaient rencontré Cage sans prendre en compte 80 ans d'évolutions stylistiques.