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Festival Musica Electronica Nova : immersion en « kaléïdophonie » avec Fluid Mechanics

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Wroclaw (Pologne). Sala Czerwona du Narodowe Forum Muzyki. 13-V-23, 20h. Benjamin de la Fuente (né en 1969), Samuel Sighicelli (né en 1972) : Fluid Mechanics (2021). Ensemble Caravaggio : Bruno Chevillon, guitare basse, contrebasse, électronique ; Éric Échampard, percussion ; Benjamin de la Fuente, violon, guitare électrique, électronique ; Samuel Sighicelli, orgue Hammond, synthétiseurs. Ensemble Court-Circuit : Alexandra Griffin-Klein, violon ; Constance Ronzatti, violon ; Laurent Camatte, alto ; Frédéric Baldassare, violoncelle ; Anne Cartel, flûte ; Pierre Dutrieu, clarinette. IRCAM : João Svidzinski, électronique ; Luca Bagnoli, spatialisation sonore.

Le festival Musica Electronica Nova, que dirige , vient d'ouvrir à Wroclaw, en Pologne. A l'affiche, Fluid Mechanics des compositeurs et : quand les énergies rock et contemporaine se télescopent dans un espace saturé pour traduire les multiples interactions de la vie citadine.


Le public ne s'y est pas trompé, qui remplit ce soir la Salle rouge du NFM, le très beau Narodowe Forum Muzyki. Un public mélangé venu entendre une musique décloisonnée rendant assez bien compte de l'état de la création musicale aujourd'hui. Le mot d'ordre des deux ensembles réunis sur scène – Caravaggio et Cour-Circuit – pourrait se traduire comme ceci : libre circulation et démocratie participative ! En effet, le titre de l'œuvre – Fluid Mechanics (2021) – le dit assez : tour à tour, le son, échappé de diverses sources, enfle, se déplace, se dédouble en strates et submerge la salle. Pas de direction centrale : les dix musiciens, plus les deux techniciens de l' à l'électronique et à la spatialisation sonore, se concertent sans cesse pour interpréter ensemble une musique hybride, en partie écrite, en partie improvisée, en partie acoustique, en partie électronique. De la haute voltige !

Sorti du fond de la salle, un bruit de train roulant et brinquebalant sur ses rails entre en espace comme en gare et finit par l'occuper totalement : auditeurs-voyageurs, vous voici arrivés au cœur de la cité ! Et vous êtes invités à descendre du wagon pour vivre la ville dans tous ses états, entre récits réels et imaginaires, entre tapage collectif et anecdotes personnelles. Ainsi est conçue cette mécanique des fluides, où deux ensembles cohabitent faisant alterner instants narratifs susceptibles de faire naître des images et déchaînements purs. Sur la moitié gauche de la scène, les quatre membres de l' – les deux compositeurs-interprètes, (tour à tour violoniste et guitariste électrique) et (orgue Hammond, synthétiseurs) ainsi qu'Éric Échampard (percussion) et Bruno Chevillon (contrebasse, basse, électronique) ; sur la moitié droite, Court-Circuit, réunissant ce soir une flûtiste (Anne Cartel), un clarinettiste (Pierre Dutrieu), deux violonistes (Alexandra Griffin-Klein et Constance Ronzatti), un altiste (Laurent Camatte) et un violoncelliste (Frédéric Baldassare). Donc, deux pôles, l'énergie pure d'un côté, le lyrisme de l'autre. Toutes les interventions individuelles, qui finissent toujours par entrer en interaction, ont un liant : l'électronique – celle des instruments amplifiés voire modifiés et celle dispensée par João Svidzinski et spatialisée par Luca Bagnoli.

Fluid Mechanics est donc une mosaïque sonore qui se compose de tableaux successifs, autant de scènes de rue, d'ambiances de quartier. L'histoire se passe-t-elle à Paris, comme le laissent à penser les enregistrements de voix et la rengaine d'un limonaire ou d'un carrousel, et fait-elle référence au cinéma – art citadin par excellence – de la Nouvelle Vague (les bruits de talons hauts montant l'escalier de bois, de la serrure de la porte qu'on ouvre puis du trousseau de clés qu'on pose) ? Cette esthétique du patchwork évoque aussi l'univers de Pink Floyd, quand par exemple se perçoit ce qui pourrait bien être la rumeur de tifosis et qui ramène immédiatement à la chanson « Fearless » et sa reprise du chant des supporters du Liverpool Football Club. À ce propos, il est aussi à souligner le rôle moteur de la batterie, omniprésente, qui entraîne tout le monde. La gestuelle du batteur (incroyable Éric Échampard) semble même parfois distribuer les rôles aux autres instrumentistes. Batteur qui se mue en percussionniste tout court, lorsque, dans le dernier mouvement, lequel remémore Noces de Stravinsky, il joue des cloches tubulaires. D'ailleurs, ce qui a de plus bluffant peut-être dans cette pièce, c'est la coexistence et le renouvellement perpétuel de timbres de toutes sortes dans un chaos si bien organisé. On peut toutefois regretter la présence d'un geste dramaturgique, le fluide qui aurait pu huiler la si belle mécanique de la procession de tous ces instantanés sonores, lesquels se présentent comme de simples collages.

Un collectif qui « réjouït » vraiment par sa fête pour les tympans.

Crédits photographiques : © Slawek Przerwa

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