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Opéra Garnier, Paris. 3-V-23. Ballet de l’Opéra national de Paris : The Dante Project. Chorégraphie : Wayne McGregor. Musique : Thomas Adès. Décor et costumes : Tacita Dean. Dramaturgie : Uzma Hameed. Création lumières : Lucy Carter, Simon Bennison. Orchestre et chœur de l’Opéra national de Paris, direction musicale : Thomas Adès. Chef de chœur : Ching-Lien Wu. Avec les danseurs de l’Opéra National de Paris.
Wayne Mc Gregor donne une quatrième œuvre au Ballet de l'Opéra de Paris. Spectacle total et projet fleuve, The Dante Project fait revivre le voyage de Dante dans les trois royaumes de La Divine Comédie : Enfer, Purgatoire et Paradis, sur une partition de Thomas Adès et dans des décors et costumes de Tacita Dean.
Rarement une œuvre qui n'a pas été commandée et créée pour le Ballet de l'Opéra de Paris aura été inscrite si rapidement ou répertoire de la compagnie. À peine deux ans après sa création par Wayne McGregor, chorégraphe résident du Royal Ballet, The Dante Project marque une nouvelle rencontre entre le britannique et les danseurs de la compagnie parisienne, désormais rompus à son écriture chorégraphique. Il s'agit en effet de la cinquième pièce du prolifique et protéiforme chorégraphe anglais à entrer au répertoire, après les créations Genus, en 2007, L'Anatomie de la sensation, en 2011, Alea Sands en 2015 et Tree of codes en 2017.
Comment faire de La Divine Comédie de Dante Alighieri, monument de la littérature, premier roman en langue italienne, un ballet à l'occasion des 700 ans de la mort du poète ? C'est la question que s'est posé Wayne McGregor, chorégraphe résident au Royal Ballet et également directeur artistique de la Biennale de Venise pour la danse. Pour cette création, qui a vu le jour sur la scène du Royal Opera House de Covent Garden en 2021 (dont la captation vient de sortir en DVD), Wayne McGregor a proposé d'emmener le spectateur dans un voyage au cœur des trois royaumes chantés par Dante : Enfer, Purgatoire et Paradis. Trois ballets en un forment ce parcours aux trois univers dissemblables, unifiés par la partition magnétique du britannique Thomas Adès et les décors de la plasticienne, également britannique, Tacita Dean.
Le premier, Enfer, est un univers sombre et peuplé de créatures étranges, aux justaucorps noir tachetés de blanc. Baptisé Inferno, le monumental dessin à la craie sur tableau noir de Tacita Dean qui sert de toile de fond à cet acte dépeint une chaîne de montagnes dont l'orientation et les tonalités ont été inversées. Dante, interprété par Germain Louvet, est guidé par Virgile, ici incarné par Irek Mukhamedov, maître de ballet de la compagnie. La silhouette massive de ce dernier est un roc de solidité pour le jeune poète dans les différentes étapes de ce pèlerinage. Dans la Forêt obscure, on retrouve les égoïstes, puis les passeurs, fugacement et magnifiquement incarnés par Silvia Saint-Martin et Marc Moreau. Un splendide duo donne à voir les jeunes Bleuenn Batistoni et Guillaume Diop dans les rôles incandescents de Francesca et Paolo.
Dante et Virgile parcourent ensuite la Forêt des suicides, où naissent certains passages très inventifs qui ont l'éclat du diamant, comme le duo de Didon et Enée dansé par Hohyun Kang et Pablo Legasa. Les courroucées est l'occasion d'un savoureux duo-dispute entre Héloïse Bourdon et Naïs Duboscq, tandis qu'Hugo Vigliotti et Jack Gasztowtt sont vénéneux à souhait dans les devins. Après l'Adage du Pape, qui réunit Germain Louvet et Andrea Sarri, Dante fait face aux voleurs dans un ensemble masculin particulièrement spectaculaire. En revanche, alors que le ciel s'éclaircit, Dante retrouve Satan, alias Valentine Colasante, dans un duo à la forme datée.
Changement complet d'atmosphère avec Purgatoire, promenade méditative à travers les divers âges de la vie. Dante y revit ses souvenirs d'enfant, puis de jeune homme, au moment de sa rencontre avec Béatrice, ici dansée par la belle et nouvelle étoile Hannah O'Neill. Le couple est donc incarné par trois générations de danseurs, deux élèves de l'école de danse de l'Opéra de Paris, Gauthier Millet-Maurin et Théa Katra, pour Dante et Béatrice enfant, puis Loup Marcault-Derouard et Bleuenn Battistoni pour Dante et Béatrice jeunes. Ils sont entourés de quelques Pénitents inspirés qui l'accompagnent sur ce chemin, danseurs déjà présents au premier acte, dont Guillaume Diop à la forte présence. Une photographie de Tacita Dean plante un grand arbre dans un décor urbain. Très investi, Thomas Adès tient la baguette de sa propre partition, qui commence ici par un chant oriental et intègre de la musique vocale en hébreu, ce qui renforce la dimension panthéistique de son écriture symphonique d'une ampleur presque fantastique.
C'est avec Paradis, l'acte final, que le ballet prend sa pleine puissance et une dimension plus universelle, caractérisée par le film d'une spirale infinie signé Tacita Dean, projeté au-dessus de la scène. En cinémascope, ce fil 35 mm s'inspire des motifs circulaires et planétaires décrits par Dante dans le Paradis. Ce poème est ici transformé en un long chant cosmique d'une grande fluidité, dans une chorégraphie exclusivement abstraite. Apothéose du spectacle, il emmène les Corps Célestes, danseurs hommes et femmes mêlés, dans un flux continu de sentiments et de réminiscences.
Crédits photographiques : © Ann Ray / Opéra national de Paris
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Opéra Garnier, Paris. 3-V-23. Ballet de l’Opéra national de Paris : The Dante Project. Chorégraphie : Wayne McGregor. Musique : Thomas Adès. Décor et costumes : Tacita Dean. Dramaturgie : Uzma Hameed. Création lumières : Lucy Carter, Simon Bennison. Orchestre et chœur de l’Opéra national de Paris, direction musicale : Thomas Adès. Chef de chœur : Ching-Lien Wu. Avec les danseurs de l’Opéra National de Paris.