The Dante Projet, la divine comédie abstraite du Royal Ballet

À la veille de son entrée au répertoire de l'Opéra national de Paris en mai 2023, une captation de l'œuvre de Wayne McGregor, interprétée par les danseurs virtuoses du Royal Ballet, fait bientôt sa sortie en DVD.

The Dante Project a été créé à Londres en octobre 2021 par Wayne McGregor dans le cadre de diverses célébrations autour du 700ᵉ anniversaire de la mort du poète dont le spectacle tient son nom. Le chorégraphe résident du Royal Ballet s'est donc penché sur une adaptation très personnelle du poème fondateur, La Divine Comédie, composé par Dante Alighieri au début du XIVᵉ siècle et représentatif de la civilisation médiévale.

À l'instar de l'allégorie dont elle s'inspire, la pièce est structurée en trois parties : l'enfer, le purgatoire et le paradis. On y retrouve également les figures symboliques de Dante, Virgil et Béatrice, incarnés par les talentueux Edward Watson, Gary Avis et Sarah Lamb. Néanmoins, les choix esthétiques portés par les différents créateurs ayant collaboré sur ce projet font de ce spectacle une pièce belle et bien contemporaine, en prenant le parti de synthétiser et de transposer de façon graphique et épurée la matière première qui lui sert de point de départ.

Le fait que les costumes et la scénographie soient signés par la même personne, l'artiste britannique Tacita Dean, confère à ces divers éléments, ainsi qu'à l'ensemble de la pièce, une certaine cohérence visuelle appréciable. En effet, on remarquera comment la créatrice parvient à faire émerger trois ambiances distinctes, mais complémentaires, à travers une utilisation habile des couleurs : le gris et le noir pour l'errance, les pastels pour la vie terrestre, et enfin le blanc et les couleurs vives pour l'élévation, le tout souligné ou renforcé par les lumières, création multicolore de Lucy Carter et Simon Bennison.

En revanche, force est de constater que la danse ne parvient malheureusement pas à reproduire un tel effet. Bien qu'exécutée à la perfection par les artistes d'exception du Royal Ballet, la chorégraphie néo-classique de Wayne McGregor est quelque peu bavarde et monotone tout au long de la pièce. Qu'il s'agisse d'un personnage identifiable ou d'un groupe de danseurs, les variations gestuelles sont peu marquées, et les solos, duos et passages d'ensemble s'enchaînent sans relâche et sans véritable temps de respiration ni rupture rythmique, et ce malgré une musique orchestrale de Thomas Adès pourtant très expressive.

Quelle que soit la partie, Dante et Virgil dansent peu et déambulent, le visage affecté pour l'un, le regard sage pour l'autre, autour et au milieu de figures davantage identifiables par leurs changements de costume que par la singularité de leur gestuelle. Les bras, les jambes et les dos ondulent, les portés s'additionnent et les pirouettes se succèdent dans un espace scénique étonnamment central, à tel point que tout perd un peu de son impact. De son côté, la composition musicale arythmique et théâtrale de Thomas Adès a quant à elle tendance à sursignifier l'atmosphère voulue et les émotions supposées en découler, au risque de se révéler parfois contre-productive.

Pour conclure, The Dante Project est une pièce avec quelques faiblesses, mais dont on peut apprécier la transposition bien pensée d'un voyage initiatique à la structure intemporelle.