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Les dix ans de Maison ONA avec Misael Gauchat et Maxime Barthélemy

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« Un coup de foudre professionnel ! » C'est ainsi que parle de sa rencontre avec dans la classe de composition du « CRR 93 » en 2013. Leur passion commune pour l'écriture et le processus allant jusqu'à la page imprimée les conduit à l'édition musicale. Ils assurent aujourd'hui la co-direction d'une maison qu'ils ont fondée il y a dix ans et qu'ils font rayonner à l'international. Ils reviennent pour nous sur l'identité de Maison ONA, son engagement pour la création sonore et les perspectives plurielles de son activité.


RM :
Qu'avez-vous prévu pour ce dixième anniversaire ?

et : Nous voulions le célébrer avec toutes les personnes nous ayant fait confiance. La vingtaine de compositrices et compositeurs de notre catalogue évidemment, mais aussi tous les musiciens et les structures avec lesquels nous sommes en relation (ensembles, orchestres, organisateurs, festivals, producteurs, labels, presse, établissements pédagogiques, institutions et partenaires), une communauté qui s'étend bien au-delà de nos frontières et qu'il aurait été difficile de réunir lors d'un seul évènement. Nous leur avons donc adressé personnellement un faire-part à notre image. Nous allons également programmer des journées portes ouvertes de notre atelier à Marseille, où nous proposerons un temps d'écoute et une initiation aux techniques d'impression. Nous offrons enfin durant dix jours la consultation gratuite de notre catalogue en ligne avec accès aux partitions et aux ressources liées, enregistrements, manuscrits etc.

RM : Quels ont été vos parcours respectifs ?

MG : J'ai pratiqué la musique durant toute ma jeunesse et mon adolescence, en Argentine, au conservatoire de Rafaela, en commençant par le piano puis avec la percussion. J'ai poursuivi à l'université de Santa Fé dans les classes de composition. Mais l'Argentine, à cette époque, n'offrait pas beaucoup de perspectives d'avenir pour moi et j'ai eu rapidement envie d'aller en Europe. Après mon diplôme universitaire en 2009, je suis donc venue me perfectionner en France, notamment dans la classe de Martin Matalon où j'ai rencontré Maxime. Je faisais depuis quelques années déjà du travail de gravure musicale et nous parlions beaucoup ensemble de ce problème spécifique de l'édition. Nous entendions également les compositeurs mais aussi les interprètes se plaindre du travail des éditeurs. On parcourait ensemble des partitions qui soulevaient des questions de notation… De là est né le désir de s'engager dans le métier, pour essayer de faire mieux. Un métier qui, en 2013, semblait en déclin dans la mesure où les outils technologiques offraient au compositeur la possibilité de réaliser soi-même une partition, chose qui, sans parler de toutes les actions qu'un éditeur peut mener pour accompagner un créateur, est déjà tout un art. Nous voulions redonner un souffle à ce métier d'éditeur, ayant une longue et belle tradition en France, mais faire autrement !

MB : Comme Misael, j'ai un accès à la musique relativement tôt, puisque je suis inscrit à l'âge de six ans au conservatoire du Ve arrondissement de Paris, où j'apprends la trompette. Mais le déclic s'est fait après le bac lorsque j'entre au CRR 93 dans les classes de jazz et ensuite d'électroacoustique (Jonathan Pontier) et de composition instrumentale (Martin Matalon). J'y rencontre Misael grâce à qui le projet d'édition va rapidement prendre forme. Je ressens chez elle un engagement et une maturité dans la mesure où elle est déjà insérée dans la chaîne éditoriale. En parallèle, je mène à terme un cursus de DEM dans la classe d'électroacoustique de Denis Dufour au CRR de Paris, avec un appétit pour toutes les classes qu'il m'était possible de suivre. Durant ces années, j'assiste à beaucoup de masterclasses et rencontre beaucoup de compositeurs, notamment Salvatore Sciarrino qui m'invite durant une année dans sa classe en Italie. Puis je pars à Marseille où j'accepte un poste d'enseignant de composition électroacoustique qui venait de se libérer à la Cité de la Musique. Je m'y suis beaucoup investi, durant sept ans ; mais c'est à cette période centrée sur l'écoute de l'autre, paradoxalement peut-être, que je m'éloigne de la composition pour m'engager et développer progressivement notre projet d'édition.

RM : Comment s'initie-t-on à la profession d'éditeur ? Que faut-il apprendre ?

MG et MB : Il n'y a pas de formation initiale pour devenir éditeur de musique contemporaine. Les secteurs de la profession sont nombreux, avec en commun la base contractuelle et juridique fondamentale qu'il faut maîtriser à différentes étapes de la vie de l'œuvre : dépôt aux sociétés de gestion collective, contrat avec le compositeur et artistes associés ; licence lorsque les musiques font l'objet d'un enregistrement ou d'une synchronisation à l'image, contrat de location, etc. C'est un socle de connaissances qu'il nous a fallu acquérir, avec les quelques livres disponibles à ce sujet et en recueillant les conseils et les témoignages de compositeurs mais aussi d'interprètes qui avaient déjà une expérience avec les éditeurs. Il fallait que l'on soit irréprochables dans ce domaine pour asseoir notre réputation. Rien que dans la formulation des termes, on peut percevoir les contours d'un projet éditorial.

Il était également important pour nous de travailler avec des personnalités “porteuses”, la plupart ayant déjà eu des relations compositeur/éditeur et qui souhaitaient instaurer un autre rapport avec nous. Quand nous avons débuté, la profession était en crise et des maisons historiques ont fait le choix de se séparer de certains compositeurs. Leurs attentes, associées à notre vision des choses, ont donné au projet une ligne directrice très claire. Nous avons limité notre capacité d'accueil afin d'être très présents au quotidien, et de publier l'ensemble de leurs œuvres quelque soit la complexité du projet : la base de notre relation, c'est ce contrat moral de confiance. Le fait d'être “petit” et “digital natif” nous permet d'être agiles en terme de décision, de communication sur plusieurs canaux, et de valoriser le catalogue de manière efficace. Nous avons aussi cette particularité de fabriquer nous-mêmes les partitions dans notre atelier basé à Marseille. Cela nous permet de concrétiser l'objet que nous publions. On y met aussi beaucoup de créativité en variant les techniques d'impression (numérique, sérigraphie, presse typographique) ou en proposant des éditions limitées. Comme tout projet émergeant, nous avons passé beaucoup de temps à expérimenter les supports, les contraintes de chaque technique. Bref, une longue phase de recherche et développement d'un savoir-faire autour de la surface imprimée. Nous avons appris en faisant, en travaillant, en nous perfectionnant et en prenant compte des retours reçus.

« Le défi pour nous est d'exister en tant qu'éditeur exclusivement dédié à la musique de création« 

RM : Comment vous partagez-vous la tâche ?

MB : Nous assurons la codirection de Maison ONA et sommes épaulés par une équipe : Cara, webmaster du site internet, Nathan pour la communication ; Charlotte et Valentin sont à l'atelier de Marseille pour la fabrication et la préparation des commandes. Selon les projets et les publications, nous faisons aussi appel à des copistes, graphistes, relecteurs et traducteurs. Et enfin nous avons des partenaires sur les segments de la distribution, diffusion, synchro, plateformes d'écoute.

MG : Nous sommes très différents l'un de l'autre et de ce fait complémentaires. Et en général, toujours d'accord ! Les décisions sont prises en commun, mais nous nous sommes répartis le travail : j'accompagne les compositeurs de l'axe instrumental du catalogue ; Maxime s'occupe plutôt de l'axe électroacoustique et il gère tout ce qui est contractuel (de commande, de location, d'édition) et ce qui est à la périphérie des publications, à savoir les notices, les détails graphiques. Nous avons aujourd'hui 200 publications imprimées. De la partition pour instrument seul à l'opéra, des pièces de musique de chambre, pour ensemble dirigé, orchestre etc. ; des œuvres à dimension ou durée variables, laissant parfois place à l'improvisation ou ayant un objectif pédagogique, sans oublier des œuvres mixtes, acousmatiques etc. Une grande diversité qui s'est constituée au fil des projets.

RM : D'où vient l'appellation Maison ONA ?

MB et MG : Nous l'avons beaucoup cherchée, en sachant ce qu'on ne voulait pas ! Éviter le patronyme, choisir quelque chose qui sonne… En fait, l'origine est graphique, puisée dans la police de caractères que l'on utilise (Futura), ce sont trois formes géométriques quasiment parfaites (le cercle, le carré et le triangle), des éléments visuels très stables repris dans notre charte graphique. ONA a des résonances positives dans beaucoup de langues. Mais avant tout : être une maison, et créer du lien entre les œuvres et les publics.

RM : Se lancer dans l'édition musicale aujourd'hui ne semble pas évident, avec les PDF et autres saisies pirates qui circulent librement et fragilisent le métier. Comment envisagez-vous l'avenir de la profession?

MG et MB : Le contexte plutôt difficile dans lequel nous avons démarré s'est embelli au fil de ces dix ans, même d'un point de vue institutionnel. Il nous a fallu apprendre comment un éditeur interagit avec tous les métiers de la musique. Pour l'édition contemporaine, des dispositifs d'aide qui n'existaient pas en 2013, se sont mis en place ou se sont consolidés à travers la SACEM et le CNM : il existe aujourd'hui une commission de soutien à la publication des œuvres nouvelles sur la partie gravure des budget : aide à “l'édition contemporaine”, d'une part, et d'autre part des aides au “développement éditorial” ou à l'export. Le défi pour nous est d'exister en tant qu'éditeur exclusivement dédié à la musique de création, secteur qui est certainement le plus risqué et le plus difficile sur le plan économique. Toutes les autres structures ont un axe d'activité complémentaire pour soutenir celui de la création (pédagogique, classique ou autre répertoire). Le modèle économique d'un éditeur s'inscrit sur du très long terme, la durée légale du droit d'auteur étant le cadre temporel du domaine protégé. Pour une jeune entreprise indépendante comme la nôtre, l'économie est donc relativement fragile ; il nous faut parier sur des projets qui vont pouvoir résister dans la durée. C'est sans doute un modèle économique aux antipodes d'une façon d'entreprendre actuelle, contraire à la logique de vitesse et de succès immédiat d'un projet.

Au terme de ces dix années, nous avons fait le choix, tous les deux, d'arrêter nos activités annexes pour nous consacrer pleinement à ce projet d'édition et en accélérer le développement.

Pour revenir à la question, les partitions au format digital qui circulent ne sont pas un problème de notre point de vue, nous proposons d'ailleurs un accès à l'intégralité du catalogue en ligne au prix symbolique de 1€ par mois. Quant à l'avenir de la profession, il est en partie lié à la manière dont les musiques que nous défendons seront perçues par les publics dans les décennies à venir. Aujourd'hui, on fait le grand écart entre héritage et technologie.

RM : Quelles sont, plus concrètement, vos sources de revenus?

MB : Nous sommes actifs dans le champ de la création musicale, qui est une sphère bien particulière ! Il y a des usages, des circuits, un réseau à construire. Notre point de départ est qu'une œuvre soit visible, une partition accessible, un enregistrement disponible, pour que les interprètes puissent s'en saisir. La vente et la location des partitions est un élément de réponse à la question, mais pas le principal moteur économique de notre modèle. Nous mettons l'accent sur l'objet, de par sa qualité et le fait qu'il est fabriqué dans notre atelier. Nous avons envie de mettre entre les mains de l'interprète une réalisation graphique qui lui donne envie de s'investir, de mettre en vibration cet objet. Une nouvelle œuvre demande beaucoup d'exigence aux musiciens, la moindre des choses est que l'objet soit ergonomique, clair — et beau si possible.

S'il est important de ne pas être en perte sur la vente des partitions, on compte davantage sur les droits générés par l'œuvre jouée : plus les partitions sont disponibles, plus l'œuvre sera diffusée (concert, enregistrement, disque, etc.) et génère donc des rentrées d'argent via les droits d'exécution publique ou de reproduction mécanique. Nous proposons également des offres d'abonnement pour accéder au catalogue et aux partitions en ligne, destinés aux particuliers mais aussi aux institutions. Dans cette même logique de rayonnement, nos partitions sont aujourd'hui disponibles à des milliers de jeunes musiciens dans les plus grands établissements (Conservatoires, Universités, Hochschule etc.). Nous communiquons principalement en anglais et nos publications sont traduites. Les œuvres que nous éditons sont graphiquement assez complexes et les notices, indispensables à l'interprétation, doivent pouvoir être accessibles à tous les musiciens. Évidemment, l'argent n'est pas l'objectif d'un projet tel que le nôtre, il y a pour cela des moyens bien plus faciles. Mais cet ensemble de recettes et de dépenses trouve sa logique sur la durée, en amortissant progressivement l'investissement réalisé pour chaque œuvre à l'échelle du catalogue.

RM : La spécificité de Maison ONA est d'éditer la musique acousmatique, fixée sur support donc sans l'intermédiaire de la partition : Ferrari, Parmegiani, Bayle, Henry, Schaeffer, Dufour comptent parmi vos compositeurs. Pourquoi éditer une musique sans partition et comment s'effectue le travail ?

MB : Au regard de la ligne esthétique des compositeurs que l'on soutient (Raphaël Cendo, , Franck Bedrossian, Ramon Lazkano, Liao Lin-Ni etc.), le langage et donc la notation sont souvent complexes, sollicitant les techniques de jeu étendues. Mais notre travail ne se limite pas à la partition traditionnelle, puisque nous traitons également les formes ouvertes, les notations graphiques. Depuis le début, nous nous intéressons à la surface imprimée et à la partition au sens large.

Le premier projet sans partition que nous avons concrétisé est une œuvre de (Tête et queue du dragon) ; nous n'envisagions pas au début d'aller dans cette direction parce que je n'avais pas connaissance des sources, des traces écrites laissées par qui auraient pu justifier une édition graphique de ces œuvres. C'est en travaillant avec son épouse Brunhild sur ses œuvres mixtes, restées inédites, que j'ai découvert qu'il avait laissé des archives très importantes sur l'ensemble de son catalogue (œuvres mixtes mais aussi acousmatiques et radiophoniques). En fait, il y a des notes pour tous ses travaux, peu importe le type. En les étudiant, il m'a semblé possible et surtout pertinent de proposer un format de publication à partir de ses journaux de composition, en faisant valoir certains éléments, qui peuvent varier d'un titre à l'autre : des relevés d'écoute post-compositionnels ou des plans de montage détaillés où l'on peut visualiser les voix de mixage, les matériaux mis en œuvre et diverses étapes de réalisation. À cette époque, le travail sur magnétophone imposait de prendre des notes en cours de travail. Ces œuvres, parfois mises à l'écart parce que perçues par le milieu instrumental comme étant “bricolées” ou “improvisées”, relèvent bel et bien d'une construction maîtrisée. Avec ce type de publication, on peut mettre en relation la lecture et l'écoute. C'est un support possible pour les interprètes (puisque ces musiques aussi s'interprètent en situation d'écoute collective) ou pour les auditeurs qui souhaitent rentrer dans les coulisses de la réalisation. Il s'agit essentiellement de titre considérés comme des classiques du genre aujourd'hui.

Les retours ont été positifs, ce qui m'a donné envie de continuer et d'avancer. C'est un travail de longue haleine qui demande de réunir les archives, les restaurer et d'en faire une synthèse, car l'idée n'est pas de fournir un fac-similé intégral mais de constituer un appareil critique ; je ne voulais pas non plus faire quelque chose de musicologique ; mais que le résultat soit vivant, attrayant ; c'est intéressant graphiquement car on retrouve la main du compositeur, celle de par exemple, dont j'ai moi-même numérise toutes les archives (environ 9000 documents), mais aussi d'autres compositeurs qui ont déployé une réflexion passionnante sur leurs travaux en train de se faire. Je suis convaincu que ce répertoire électroacoustique perdurera aussi grâce à la trace écrite laissée par ces compositeurs.

Nous pensons la partition comme un trait d'union entre l'intention du compositeur et l'interprète. Ici, ce ne sont pas des partitions au sens strict, puisque leur lecture n'est pas indispensable à l'expérience d'écoute. C'est un art de support et une autre écoute, comme le cinéma n'a pas remplacé le théâtre. Cela nous mène par ailleurs dans des territoires passionnants : la musique concrète (ayant ses racines en France), mais aussi les arts sonores, l'art radiophonique, l'installation, etc.

Une raison supplémentaire d'effectuer ce travail est d'ordre pratique. De leurs vivants, ces compositeurs étaient autonomes et mettaient eux-mêmes le support de référence de leurs œuvres à disposition en cas de concert, qu'ils soient interprètes ou pas. Par la force des choses, ils ne sont plus là pour le faire, et nous jouons donc ce rôle d'interlocuteur ; quand un concert s'organise, on met à disposition toutes les ressources, les notices d'œuvres, le support de référence, ce qui facilite la tâche du programmateur. Je suis personnellement attaché à ce répertoire et j'ai envie de le valoriser. Nous avons également travaillé sur le support lui-même, celui des années 60 à 80 durant lesquelles les techniques de transfert (de la bande magnétique ou du DAT) au numérique étaient moins perfectionnées. Il est à présent possible de proposer des œuvres en très haute définition issues des bandes master originales, ou bien des formats multipistes. Nous sommes sollicités par les festivals hors hexagone qui s'intéressent aux pionniers de la musique électronique et à qui l'on peut fournir ces éléments pour un temps d'écoute en public. On s'aperçoit que l'approche est moins dogmatique qu'en France et que l'œuvre peut être entendue dans des contextes beaucoup plus divers que le seul concert sur orchestre de haut-parleurs (acousmonium).

Nous travaillons en étroite collaboration avec les ayant-droits de ces compositeurs, et à la consolidation des archives et leur catalogage. C'est un grand privilège de pouvoir travailler à l'échelle des œuvres complètes. Un projet de donation de fons (des documents et supports originaux) est en cours avec la BnF pour les œuvres de et , suivant ainsi le fonds légué par .

RM : Misael, vous vous attachez quant à vous aux partitions et aux compositeurs vivants que vous accompagnez.

MG : Le travail s'effectue sur un temps long, de l'instant de la commande (et parfois même en amont) à la finalisation de la partition, avec un accompagnement sur la totalité du processus ; en partant du contrat en bonne et due forme que l'on soumet au compositeur qui n'est pas toujours au courant de la gestion administrative ; puis c'est la planification du travail d'écriture et d'éventuels questionnements sur la notation que je peux gérer avec eux pour optimiser la clarté et l'efficacité du texte musical. On ne fait paraître la partition qu'après la création, pour permettre au compositeur de faire les corrections nécessaires. On évite également les stocks au lendemain des premières car les modifications peuvent s'étaler sur plusieurs mois. C'est un répertoire vivant. Il faut être d'une grande flexibilité pour essayer de répondre aux demandes et repentirs des compositeurs. Il y a enfin la collaboration avec les instrumentistes et les ensembles pour que la pièce puisse être rejouée si l'on n'a pas fixé au départ de co-production. Au final, trois foyers d'activité s'interpénètrent : la gestion, l'édition et la promotion de l'œuvre.

RM : Quelles sont les ambitions de Maison ONA dans les années à venir ?

MB : Ces dix années nous permettent de faire un premier bilan, sur les succès et les choses moins réussies, ce qui nous reste à accomplir. D'une façon générale, on aimerait conserver ce que l'on a appris à faire de bien. Nous avons sans doute des choses à améliorer ; on aimerait représenter plus de jeunes compositeurs et surtout compositrices, car elles sont encore rares (1 sur 20 !) dans le catalogue. On essaie également d'agrandir nos réseaux pour assurer la reprise des œuvres et nous avons amorcé un nouvel axe d'édition de livres sur la pensée des compositeurs, diffusé par les Les Presses du réel. Dans cette collection, vient de sortir Le Livre des Nombres de Colin Roche. Nous travaillons actuellement sur Journal de mes sons de dans une version augmentée incluant l'œuvre sonore éponyme et la première traduction du texte en anglais. Sinon, évidemment beaucoup de nouvelles œuvres, d'événements et de projets en perspectives ; c'est ce qui nous fait aller de l'avant.

Mais plus largement, notre intuition de départ est aujourd'hui devenue vocation. L'aventure humaine d'entreprendre, servir des personnalités auxquelles nous croyons pour construire ce projet s'est révélée captivante. A chaque étape du parcours, nous avons entraperçu de nouveaux potentiels, fait de nouvelles rencontres. Tant que nous pourrons y mettre notre créativité, ce métier sera passionnant. Je suis fier avec Misael de pouvoir incarner une nouvelle génération d'éditeurs, d'explorer des territoires nouveaux en façonnant notre propre vision et nos outils. J'espère que d'autres initiatives émergeront en ce sens.

MG : Sincèrement, je n'aurais jamais imaginé arriver à un tel résultat il y a dix ans ! Nous avons travaillé dans une pleine confiance mutuelle et nous avons eu la chance d'avoir celle des compositrices et compositeurs. Nous avons mis tout en œuvre pour obtenir des résultats à la hauteur, et je suis très fière de voir inscrites à notre catalogue des personnalités ayant une influence majeure sur les musiques de création. Reste, comme l'a dit Maxime, l'aspect économique qui demande d'énormes efforts pour faire fonctionner la structure. Nous attendions le cap des 10 ans pour nous prononcer sur l'avenir de Maison ONA, même si la période Covid a été éprouvante. Nous avons fait le pari de nous investir à plein temps pour pouvoir agrandir notre équipe et notre champ d'action et nous y travaillons avec beaucoup d'enthousiasme et de confiance en l'avenir.

Crédits photographiques : © Maison ONA

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