Erik Satie haut en couleurs pour les enfants

« Mélancolique Erik », « colérique Erik », « énigmatique Erik »… Claude Clément, auteure mélomane pour la jeunesse (Le luthier de Venise, Les secrets d'un violoncelle…), s'amuse avec les adjectifs pour évoquer la personnalité fantasque et unique d'Erik Satie, dans un livre coloré inspiré de sa vie.

Nous suivons le compositeur, sortant de sa « maison aux quatre cheminées » (le surnom de son logement minuscule d'Arcueil), suivi d'un chien errant et d'un élève, pour la répétition de Relâche, le spectacle de Francis Picabia créé en 1924 aux Théâtre des Champs-Élysées. Erik Satie est portraituré par touches discrètes d'anecdotes (le compositeur ne mange que des aliments blancs, son affection pour les objets et les parapluies…) et de citations : « L'air de Paris est si mauvais que je le fais toujours bouillir avant de le respirer » ou encore le fameux « Je m'appelle Erik Satie, comme tout le monde » qui inspira le titre du livre.

Une des réussites du livre est l'évocation du Paris artistique des années 20, celui de Picabia, Cocteau, Picasso ou René Clair, celui du Théâtre des Champs-Élysées et du Chat noir. Les illustrations réussies de Clémence Monnet participent beaucoup de cette évocation : aquarelles aussi colorées et oniriques qu'un Chagall ou un Delaunay, citant discrètement ici une toile de Duchamp, là encore un dessin de Cocteau, faisant vivre le décor de Picabia ou évoquant la vie moderne, ses objets de grands magasins et ses lumières. Mais il semble peut-être qu'on a voulu trop en dire dans un seul livre. Aussi est-il difficile de suivre le récit quand il s'efforce de parler aussi des œuvres pour piano (Morceaux en forme de poire, Valse du chocolat aux amandes…), ajoutant un degré de bizarrerie compliquée. Surtout, l'absence d'une version audio, alternant le récit et des extraits musicaux, est dommage. Des extraits musicaux (entre 30 secondes et 4 minutes), sont disponibles uniquement en ligne et d'un usage plus adapté à un professeur en classe qu'à une écoute à la maison (il faut sélectionner chaque plage à écouter quand on est sur la page dédiée sur le site de l'éditeur). L'alternance entre texte et musique pourrait être plus équilibrée : ainsi, sur une page de texte court se trouvent deux morceaux, tandis que la musique est absente de plusieurs pages. Et pourquoi ne pas jouer en entier Le Picadilly ? Il est vrai que l'on peut trouver un avantage à pouvoir lire l'histoire seule, car elle se suffit à elle-même.

Il n'était pas facile d'aborder la musique et la vie du compositeur de manière à la fois vivante et pas trop ouvertement didactique. De ce point de vue, Pas comme tout le monde, Monsieur Satie, est une réussite, dans un style différent du Monsieur Satie paru chez Didier Jeunesse.