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Béla Bartók (1881-1945) : Le Prince de bois, ballet intégral op. 13 ; Suite de danses. WDR Sinfonieorchester Köln, direction : Cristian Măcelaru. 1 CD Linn. Enregistré à la Philharmonie de Cologne les 23 et 24 novembre 2020 (Suite de danses) et du 13 au 15 juin 2022 (Prince de bois). Notice de présentation en anglais et en allemand. Durée : 74:14
LinnPour ce nouvel enregistrement discographique avec l'Orchestre symphonique de la WDR de Cologne, dont il est directeur musical, et après un précédent album consacré à Dvořák (Légendes et Suite tchèque) pour le même label, Cristian Măcelaru poursuit dans la veine folklorique, avec le rare ballet intégral du Prince de bois et la Suite de danses de Béla Bartók.
Quasiment contemporain du Château de Barbe-Bleue, Le Prince de bois, composé entre 1914 et 1916 par Béla Bartók sur un argument de Béla Balaczs, nous conte les amours contrariées d'un prince et d'une princesse séparés par une forêt et un ruisseau magiques dans une ambiance mystérieuse et féérique nimbée de symbolisme tragique où se bousculent thèmes récurrents, leitmotivs, accord atypique, timbres foisonnants, rythmes incongrus, curiosités harmoniques, instrumentarium novateur (saxophone), réminiscences wagnériennes ou debussystes et danses folkloriques populaires.
Constitué de treize admirables pages orchestrales jouées enchainées, Cristian Măcelaru nous en livre une lecture claire, éblouissante de virtuosité et de couleurs, envoûtante par sa dynamique soutenue et son intense poésie. Plus impressionniste que véritablement narrative, laissons-nous guider et plantons le décor : il était une fois un prince et une princesse qui vivaient dans deux châteaux différents au sein d'une foret profonde où coulait un ruisseau et dans laquelle régnait une fée, maitresse du jeu…
Le Prélude sombre s'ouvre sur une pédale de sonorités graves (basses et timbales) rappelant l'Or du Rhin par son statisme empreint d'un fort sentiment d'attente, juste troublé par quelques appels de cor, avant que le phrasé ne se densifie par l'entrée de cordes très lyriques et du tutti jusqu'à un crescendo puissant d'où émerge la cantilène de la douce clarinette et son thème virevoltant (La Princesse) qui danse seule, rêveuse et nostalgique ; Le Prince (contrebasses) l'aperçoit et veut entrer dans la danse, mais la Fée, gardienne de la Princesse, s'y oppose en agitant subitement la foret dans une furieuse tempête qui fait danser les arbres (Danse de la foret) sur des sonorités sombres, graves, soutenues par les cuivres et les bois dans un climat mystérieux et menaçant scandé par les percussions ; le Prince vient à bout de ce premier obstacle mais bientôt c'est le ruisseau qui s'anime et enfle dangereusement en vagues infranchissables (Danse des vagues). On admire, ici, la fluidité du phrasé (cordes) et les scintillements de timbres (cordes, harpe et célesta) ; le Prince se désespère et décide d'attirer l'attention de la Princesse grâce à son avatar, un simple bâton de bois qu'il habille de son manteau, de sa couronne et de ses propres cheveux (phrasé très coloré oscillant entre joie et mélancolie, foisonnement de timbres et de rythmes). Contre toute attente, la Princesse en apercevant le pantin de bois, en tombe éperdument amoureuse et l'entraine dans une danse grotesque et bringuebalante aux faux accents stravinskiens rappelant Petrouchka, sorte de cavalcade infernale, hérissée de rythmes saccadés et de sonorités agressives (cordes, cuivres et percussions), véritable tourbillon orchestral dans lequel le Prince de bois se désarticule, tombe et retourne à sa vraie nature. Dès lors, la Fée compatissante cède au chagrin du Prince esseulé (longue cantilène nostalgique d'un lyrisme douloureux et tourmenté sur un tempo très lent riche de nuances) lui conférant de nouveau toute sa splendeur princière dans un épisode d'une belle ampleur sonore ; après quelques atermoiements orchestraux, Prince et Princesse se retrouvent enfin réunis dans les bras l'un de l'autre enveloppés d'une rayonnante lumière dans laquelle s'éteint l'orchestre… Magnifique, tant par la réalisation instrumentale irréprochable, que par la précision et la justesse de la direction qui parvient à éviter toute lourdeur : une lecture qui trouvera facilement sa place aux cotés de celle de Pierre Boulez, Iván Fischer, Antal Doráti, Georg Solti, ou encore Marin Alsop ou Susanna Mälkki.
D'une virtuosité orchestrale inouïe, la Suite de danses pour orchestre (1923) très contrastée, toute droite sortie du folklore imaginaire de Bartók, nourrie de ses patientes recherches ethnomusicologiques arabes, roumaines et hongroises, referme ce bel album porté par l'élan jubilatoire de la phalange allemande et la direction au cordeau de Cristian Măcelaru qui joue, ici, dans son jardin.
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Béla Bartók (1881-1945) : Le Prince de bois, ballet intégral op. 13 ; Suite de danses. WDR Sinfonieorchester Köln, direction : Cristian Măcelaru. 1 CD Linn. Enregistré à la Philharmonie de Cologne les 23 et 24 novembre 2020 (Suite de danses) et du 13 au 15 juin 2022 (Prince de bois). Notice de présentation en anglais et en allemand. Durée : 74:14
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