La Scène, Spectacles divers

Dans l’entre-deux avec ODILE ET JACQUES (ou Jacques et Odile) de Loïc Guénin

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Paris. Atelier du Plateau. 6-IV-2023. Loïc Guénin (né en 1976) : ODILE ET JACQUES (ou Jacques et Odile). Mise en scène : Anne Monfort ; direction artistique, objets sonores, claviers analogiques, percussions, voix, : Loïc Guénin. Avec : Alice Piérot, violon et objets sonores ; Anne-Gaëlle Jourdain, Odile, texte et voix ; Grégoire Tachnakian, Jacques, texte et voix ; Éric Brochard, réalisation informatique musicale et traitement en temps réel ; Vincent Beaume, création et régie lumière ; Thierry Llorens, régie générale et technique

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    À l'Atelier du plateau, et sa compagnie Le phare à Lucioles présentent en création parisienne ODILE ET JACQUES (ou Jacques et Odile), une « scène de ménage » insolite où les mots des comédiens deviennent musique.

     

    Créé en février dernier au Zef de Marseille, le spectacle réitère la collaboration de et de la metteuse en scène déjà présente dans Le cri d'Antigone. Dans sa mise en scène économe rehaussée des lumières de Vincent Beaume, les deux acteurs, Anne-Gaëlle Jourdain et Grégoire Tachnakian, tiennent la scène durant une petite heure, elle, assise ou allongée sur son canapé avec un micro-lèvres ; lui, un peu à l'écart dans son fauteuil et micro en main. Derrière eux, deux musiciens vont sans cesse interagir : aux percussions, claviers analogiques et autres objets sonores ; à sa gauche, la violoniste qui a également quelques objets sonores à portée de main. Dans ODILE ET JACQUES (ou Jacques et Odile), le texte écrit par Loïc Guénin devient partition, à dire comme au théâtre et à jouer/chanter en synergie avec les instrumentistes.

    Odile à 48 ans ; elle est femme de ménage et peu expansive, voire effacée ; dans son discours s'entend beaucoup de frustration et une tendance à la stéréotypie (« toujours les mêmes gestes »). Jacques ne précise pas son âge mais nous dit qu'il est comptable et « pas spécialement heureux » : il compte, les heures, les jours, les hirondelles sur les fils ; il aime aussi ratisser les feuilles mortes au petit matin et se poser des questions existentielles… Les paroles sont évasives, entre le sensé et l'absurde, souvent prolongées par la musique : tel ce premier « numéro » d'Odile sur les « bla-bla », « aria furioso » doublé par une percussion crépitante, pour nous dire haut et fort (enfin!) « qu'elle n'aime pas les bla-bla ». Jacques lui répond, soutenu par le violon, émettant quelques borborygmes tenant davantage du braiment de l'âne que du chant d'un baryton. Ainsi passe-t-on du monde de la parole à celui de la musique qui modifie les comportements et transforme l'espace-temps. Odile se met à chantonner Mon homme (de Mistinguett), accompagnée par le piano jouet, cristallisant un court instant de rêve. On-off : les coupures sont toujours brutales. Des mots aux maux, les sujets ne manquent pas pour dire la difficulté de communication entre les êtres : comme l'acouphène d'Odile (doublée par le synthétiseur) dont elle nous chante la fréquence avant de se lancer dans une improvisation vocale à la Beñat Achiary. La stéréotypie décelée dans les propos du couple est mise en scène dans un des numéros les plus réussis du spectacle qui fait circuler l'énergie entre les quatre protagonistes : d'Odile se frappant la cuisse avec vigueur au percussionniste qui en relaie joyeusement l'énergie ; de Jacques réajustant à l'envi la position de son fauteuil au jeu du violon en mode gettato con legno (frapper la corde avec le bois de l'archet). Le circuit fonctionne en boucle, drôle et suffisamment insistant pour qu'il devienne inquiétant !

     

    Si le set de percussions piloté par le RIM Éric Brochard déploie un panel de sonorités haut en couleurs sous le geste de Loïc Guénin, le violon tout terrain d', plus attaché à l'univers de Jacques, percute, craque, ferraille, grince, rejoignant les instances bruitées de son partenaire. Citons encore cette séquence purement sonore déployant une trame électronique à évolution lente sur laquelle le violon décrit une longue trajectoire de chute ou encore cet affrontement musclé, pulsé par le tambour, entre le oui de Jacques et le non d'Odile, seul véritable duo des deux comédiens/chanteurs.

    « Il s'agit de penser les personnages comme étant présents avec deux modes de jeu, la parole, les mots, et le reste… », nous dit Loïc Guénin. Anne-Gaëlle Jourdain et Grégoire Tachnakian sont épatants dans leur rôle respectif, anti-lyriques quand il s'agit de se raconter, sollicitant la voix et le geste lorsqu'ils basculent dans le monde sonore… pour nous dire le reste.

    Crédit photographique : © Le phare à Lucioles

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    Paris. Atelier du Plateau. 6-IV-2023. Loïc Guénin (né en 1976) : ODILE ET JACQUES (ou Jacques et Odile). Mise en scène : Anne Monfort ; direction artistique, objets sonores, claviers analogiques, percussions, voix, : Loïc Guénin. Avec : Alice Piérot, violon et objets sonores ; Anne-Gaëlle Jourdain, Odile, texte et voix ; Grégoire Tachnakian, Jacques, texte et voix ; Éric Brochard, réalisation informatique musicale et traitement en temps réel ; Vincent Beaume, création et régie lumière ; Thierry Llorens, régie générale et technique

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