Dancing Pina, un film documentaire de Florian Heinzen-Ziob

Comment danser Pina Bausch aujourd'hui ? C'est la question que se pose le documentariste Florian Heinzen-Ziob à travers Dancing Pina, film passionnant sur la transmission chorégraphique.

Au premier abord, les deux expériences auxquelles a assisté le documentariste avec sa petite équipe de tournage semblent très dissemblables : Le Sacre du Printemps ressuscité pour 24 danseurs de différents pays d'Afrique à l'École des sables et Iphigénie en Tauride, œuvre de Gluck, transmise à la danseuse Sangeun Lee par Malou Airaudo pour une reprise au Semperoper de Dresde. Pourtant, ces deux œuvres ont été conçues à peine à un an d'intervalle par Pina Bausch, en 1974 et 1975, et ont constitué des rôles fondateurs pour Malou Airaudo et Jo Ann Endicott, à l'époque danseuses du Tanztheater Wuppertal.
Le film suit pas à pas les répétitions, d'abord laborieuses puis lumineuses au fur et à mesure que l'on approche de la fin, à travers le regard des répétitrices exigeantes et généreuses, puis des danseurs et danseuses eux-mêmes.

Malou Airaudo transmet les premiers mouvements du ballet Iphigénie en Tauride à Clémentine Deluy, qui devra elle-même les transmettre à Sangeun Lee. Chacune d'elles forme un anneau de cette chaîne de partage, d'une mémoire du corps, Malou Airaudo les tenant de Pina Bausch elle-même. On touche là à l'intime de l'interprétation, à l'au-delà du mouvement, à l'esprit de la danse.

L'énergie est toute autre sous le dais de l'École des sables, près de Dakar au Sénégal, dirigée par Germaine Acogny et son époux Helmut Vogt. 24 jeunes danseurs issus de tous les pays d'Afrique sont réunis pour apprendre cette chorégraphie mythique. L'alchimie prend forme sous les yeux de Jo Ann, l'Australienne que Pina avait emmenée à Wuppertal, portant sur elle un regard différent.

Les jeunes danseurs africains doivent laisser leur vie personnelle derrière eux pour se consacrer entièrement au spectacle, mais doivent en même temps s'en nourrir. Car Le Sacre est d'abord un rituel, un sacrifice, à vivre dans sa chair. La mise en place de la chorégraphie, morceau par morceau, est à la hauteur du moment exceptionnel que nous avons vécu en tant que spectateurs quand, plus de deux ans après son interruption brutale par le Covid, le spectacle a pu être monté à La Villette à Paris. C'est dans le sable de la plage de Toubab Dialaw que la magie était née.

Crédits photographiques : © Dulac Distribution