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À Versailles, Gardiner fait resplendir la Messe en si de Bach

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Versailles. Chapelle Royale du Château. 08-IV-2023. Jean Sébastien Bach (1685-1750) : Messe en si mineur. Monteverdi Choir et English Baroque Soloists, direction : John Eliot Gardiner

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À la Chapelle Royale du Château de Versailles, , son Monteverdi Choir et son ensemble les ont illuminé ce week-end pascal avec une fastueuse Messe en si mineur de .

La semaine sainte, il est de tradition d'entendre les Passions de Bach, de se plonger dans les douleurs qu'elles charrient, dans leurs poignantes dramaturgies. Passé le sombre vendredi, à quelques heures de la résurrection du Christ, écouter sa Messe en si c'est retrouver le chemin de la lumière, de l'espérance et de la paix. Et quelle lumière, lorsque ce monument culminant de la musique sacrée baroque est confié à et ses musiciens ! Les ors de la Chapelle Royale, mais aussi le jour qui entre par ses hautes fenêtres en ce soir ensoleillé de printemps, concourent harmonieusement au faste resplendissant de cette grande messe latine achevée par Bach à la fin de sa vie. 

Le chef britannique qui fêtera dans quelques jours ses quatre-vingts ans, arrive, élégant et toujours aussi alerte. Comme toutes les Cantates qu'il a enregistrées, comme aussi les Passions, la Messe en si gravée à deux reprises (en 1985 puis en 2015) semble indissociable de sa vie. On est frappé par cette mobilité qui conjugue plénitude sonore, phrasé ample, énergie bondissante et vertigineuse célébration de la polyphonie excluant toute austérité, cet art d'alléger, de désépaissir, d'accentuer quand il le faut tout en conservant l'intensité de l'expression, ces couleurs et ce relief et cette spatialisation obtenus par la caractérisation des pupitres de chanteurs à la vocalité exceptionnelle. 

Avec le « Kyrie » énoncé avec force et solennité, Gardiner dresse un monumental portique à ce récit de la vie du Christ qui va nous être conté au fil des « ordinaires » composant la Messe. Il fait chanter l'orchestre, galbe longuement les phrases dans un legato soutenu, puis dans les tutti soulève progressivement cette musique, la déploie dans l'espace, aérienne. La soprano s'extrait du chœur d'abord pour un duo avec la mezzo (Christe eleison). Sa voix souple au timbre richement coloré, projetée sans effort, inonde de sa luminosité les parties instrumentales, ornée ensuite des fines volutes du violon solo dans le Laudamus te qu'elle chante seule après un Gloria in excelsis éclatant, mis en valeur par l'arrivée des trompettes naturelles. La mezzo est un peu en retrait mais son chant s'accorde bien à celui de la soprano, tout comme le ténor, dans le Dominus Deus, que l'on remarque pour sa délicate expressivité en belle harmonie avec le solo de flûte. Le hautbois d'amour précède de la douceur veloutée de son chant le très beau solo de l'alto au timbre émouvant, qui implore avec noble retenue « Miserere nobis ». Le baryton-basse rejoignant l'impeccable long solo de cor, distille le texte du Quoniam tu solus Sanctus de son beau timbre cuivré avec une suprême élégance et une diction exemplaire. 

Après une courte pause nécessaire pour réaccorder les instruments, le Credo réserve la théâtralité de ses contrastes. Sans doute la partie la plus bouleversante de l'ouvrage. Il commence porté par le duo soprano/mezzo-soprano cette fois mieux équilibré dans les intensités sonores. Gardiner conduit l'orchestre puis le chœur dans des pianissimi impalpables, ralentissant même le tempo dans le mystère de l'émouvant Incarnatus est. Le Crucifixus s'enfonce, déchirant, telle une marche appesantie par les ponctuations des cordes, touche le fond dans un ppp à la lisière d'un silence sépulcral sur les paroles Sepultus est, climax inversé aussitôt suivi d'un Et Resurrexit qui s'élève retentissant et jubilatoire dans l'éclat étincelant des cuivres. Apaisé, le Et in Spiritum Sanctum est mis en valeur par la voix homogène superbement projetée d'une autre basse venue du chœur et dotée de beaux graves, qui chante avec un lyrisme de belle tenue. Enfin le chef suspend le temps sur un saisissant pianissimo des voix avant de faire éclater la joie libératrice du Et expecto qui conclut le Credo.

Parmi les dernières parties de la Messe, le Sanctus à l'aérien mouvement ternaire plane par vagues, haut dans les cieux, l'Osanna in excelsis brille de ses scansions et de ses accents de plus en plus énergiques. Le sensible traverso solo et la douceur et la clarté de la voix du second ténor s'unissent harmonieusement dans le chant intimiste du Benedictus. L'Agnus Dei chanté en sons filés par l'alto est remarquable de sobriété, de simplicité. La Messe se clôture dans la paix et la ferveur grandissante du Dona nobis pacem, dont le chœur unifié déploie la longue ligne polyphonique éclairée et magnifiée à son terme par les timbres des trompettes et des timbales. 

Crédit photographique © ResMusica/Jany Campello

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